Par Michel Cordillot
Mineur, puis charpentier indépendant installé dans le Kansas ; marié et père de famille ; militant anarchiste, puis membre du Parti socialiste américain ; syndicaliste ; franc maçon ; collaborateur et agent-diffuseur de L’Union des travailleurs ; opposé à l’entrée en guerre des États-Unis en 1916.
Devenu mineur au sortir de l’école primaire, Jules Caumiant quitta la France pour émigrer aux États-Unis. En 1895 il était installé à Weir City (Kansas). Militant anarchiste, soucieux de mieux se faire entendre par la population locale, il fit connaître la résolution prise par le groupe libertaire francophone local de publier un manifeste en langue anglaise. En mars 1896, il fut l’un des orateurs lors de la soirée commémorant le 18 mars organisée à Spring Valley par le groupe Les Enfants de Bakounine. Le 2 mai de la même année, il prit la parole pour porter la contradiction lors du meeting organisé par les socialistes, contraignant ces derniers à requérir la protection de la police.
En 1898, suite à un mouvement de grève qui éclata à Mystic (Iowa) et se prolongea durant plusieurs semaines, Jules Caumiant fut arrêté avec un autre militant nommé Frank Wattelet pour avoir volé des dindes afin de nourrir sa famille. Incarcéré de manière préventive, il ne fut apparemment jamais condamné (contrairement à Wattelet) ; libéré, il se vit accorder 24 heures pour quitter l’État avec femme et enfants.
Jules Caumiant retourna alors s’installer à Weir City. En 1899, la manifestation populaire organisée le 4 juillet pour célébrer l’Indépendance des États-Unis y fut détournée par plusieurs milliers de manifestants emmenés par Caumiant et ses amis révolutionnaires. En septembre, Emma Goldman vint à Weir tenir un meeting auquel Jules Caumiant assista. Toujours ultra anarchiste et favorable à l’usage de la violence, il eut avec Louis Goaziou une polémique très âpre dans les colonnes de La Tribune libre.
En août 1902, il s’abonna à L’Union des travailleurs. Il résidait alors à Scammon Mineral (Kansas), où il s’était établi comme charpentier indépendant. Dans une correspondance publiée quelques semaines plus tard, il réaffirmait sa fidélité au socialisme libertaire, persistant dans son refus de l’action électorale. Cette prise de position lui valut d’ailleurs des réponses de Jean Brault et Julien Bernarding (voir ces noms), deux grandes figures du mouvement anarchiste francophone désormais ralliées au socialisme debsien. Toujours pas convaincu, Caumiant renouvela ses attaques contre les pratiques électorales et l’action politique, en les étayant d’accusations plutôt vagues contre les socialistes, que Louis Goaziou le somma aussitôt de préciser ou de retirer. Tout cela n’empêcha pas Jules Caumiant de continuer à collaborer avec L’Union des travailleurs en envoyant à ce journal de nombreux articles.
Le 3 juin 1903, la compagne de Jules Caumiant, elle-même très militante, mourut des suites d’un accouchement, le laissant seul avec leurs trois enfants, dont un garçon âgé de trente-deux jours qui ne survécut que quelques semaines.
Lors de la tournée de Louis Goaziou dans le Mid-West fin juin 1903, Jules Caumiant l’accueillit à Scammon. Présent au meeting de Frontenac, qui connut un bon succès et auquel assistèrent de nombreuses femmes, Caumiant collecta à lui seul 9,65 dollars pour L’Union des travailleurs. À compter de cette époque, il se rallia définitivement au socialisme. En novembre 1904, il transmit au journal les résultats obtenus par les candidats du PSA aux élections, soit 127 voix. En mars 1905, il fit savoir que la section socialiste locale marchait bien, et qu’elle avait été en mesure de présenter une liste de candidats pour tous les postes éligibles à pourvoir. Lui-même avait été candidat pour un poste de conseiller municipal.
Militant syndicaliste, Jules Caumiant lança en août 1904 par l’intermédiaire de L’Union des travailleurs un appel pour que les lecteurs veillent à ne consommer que des produits portant le label unioniste.
En 1906, Jules Caumiant organisa à Scammon une célébration en hommage à la Commune de Paris. Lecteur dévoué et généreux de L’Union des travailleurs, il fut nommé agent-diffuseur officiel de ce journal à Carona (Kansas) en février 1908. Dans une correspondance adressée à la rédaction en avril 1908, il annonçait avoir placé 70 abonnements au Kansas, et se fixait comme objectif d’arriver rapidement à 100. Dans le même temps, il était parvenu à relancer la section socialiste de Roseland avec l’aide de Napoléon Bourlard (voir ce nom) et à en former deux autres à Carona et Mineral. Membre lui-même de la section de Carona (qui comptait en juin 1908 27 adhérents), il en fut élu secrétaire financier (trésorier). En septembre, à l’occasion de la campagne électorale présidentielle à laquelle il prit une part active, il fit la connaissance de Eugene Debs et fut invité à accompagner ce dernier pour une étape à bord de son train électoral, le Red special.
Début 1909, Jules Caumiant était à Pittsburg (Kansas), où il fit partie de la commission chargée d’organiser une grande manifestation de soutien aux réfugiés politiques russes et mexicains. Quelques semaines plus tard, il semble avoir participé activement à la fondation d’une section socialiste francophone forte de 33 adhérents à Skidmore (Kansas).
En mai 1909, Jules Caumiant annonça son intention de quitter Carona dans l’année, offrant au meilleur prix ses stocks de matériaux et de fournitures de construction et vendant ses outils. En août il était réinstallé comme charpentier à Coffeyville où, il fut chargé en tant que délégué de la section locale du PSA d’organiser un grand meeting avec Debs comme principal orateur et de coordonner la vente des 1 000 cartes de souscription à 25¢ pièce. Au cours des mois suivants il s’impliqua fortement dans les diverses activités militantes des socialistes locaux : organisation d’une école de formation dominicale, mise sur pied d’une coopérative de consommation, achat d’une imprimerie et projet de lancement d’un quotidien intitulé The People, dont le premier numéro parut le 23 mars 1911, etc.
En février 1912, Jules Caumiant avait une fois encore déménagé, pour s’installer à Mulberry (Kansas). Membre de la section socialiste anglophone de cette ville, il fut élu pour représenter le Kansas en tant que délégué à la convention nationale du PSA. Début 1914, sans doute à son initiative, une section francophone fut formée à Mulberry, dont il prit en charge le secrétariat. Sa deuxième épouse figurait au nombre des 21 adhérents. Il eut la joie de revoir Louis Goaziou, qu’il put accueillir à Mulberry, première étape d’une tournée de propagande au Kansas, en avril 1914. Caumiant était alors très favorable à la grève générale, sans pour autant négliger l’action électorale, puisqu’il se réjouissait de pouvoir annoncer aux lecteurs de L’Union des travailleurs que les socialistes de Mulberry étaient désormais à même de présenter une liste complète de candidats.
Cette euphorie fut pourtant de courte durée, ne résistant pas au déclenchement de la Première Guerre mondiale. En août 1914, la section française se débanda et ses derniers membres rejoignirent la section anglophone, dont Jules Caumiant fut élu secrétaire financier. Début 1915, une tentative de reformer une section francophone semble pourtant avoir abouti. Jules Caumiant fut chargé d’en gérer les finances et de créer une bibliothèque ouverte à tous. Début 1916, contrairement à la majorité ses socialistes francophones déjà ralliés à l’effort de guerre des Alliés, Jules Caumiant se prononça contre la politique de preparedness menée par le président Wilson, ce qui ne l’empêcha pas de rester fidèle à L’Union des travailleurs jusqu’à la disparition de ce journal en septembre 1916.
Franc maçon membre de la Fédération américaine du Droit Humain, Jules Caumiant participa en mars 1909 à un banquet maçonnique de 60 couverts organisé à Frontenac (Kansas).
Par Michel Cordillot
SOURCES : L’Ami des ouvriers, mai 1895, 15 avril, 15 mai 1896. — La Tribune libre, 28 avril, 19 mai, 30 juin 1898, 7 septembre, 14 septembre 1899. — L’Union des travailleurs, 21 août, 20 novembre, 18 décembre 1902, 18 juin, 13 août 1903, 25 août, 24 novembre 1904, 16 mars 1905, 8 mars, 22 mars 1906, 27 février, 23 avril, 11 juin, 18 juin, 17 septembre 1908, 28 janvier, 18 mars, 26 août 1909, 2 mars, 23 mars 1911, 15 février 1912, 12 févier, 5 mars, 23 avril, 28 mai, 13 août 1914, 8 avril 1915, 13 janvier 1916, 15 juin 1916 entre autres.