Par Frédéric Cépède
Né le 22 juin 1912, à Maison-Carrée (Algérie), mort le 5 novembre 2010 à Paris ; instituteur puis cadre de la Sécurité sociale ; militant syndicaliste et socialiste d’Algérie ; résistant.
Sa famille était originaire de Taglio Isolaccio en Corse. Laurent Préziosi suivit des études à l’École primaire supérieure de Maison-Carrée, puis fut maître d’internat au collège de Médéa en 1930-1931 et à l’Institut industriel de Maison-Carrée en 1931-1934. Il était titulaire du brevet élémentaire, du brevet supérieur et du CAP d’Instituteur. Il enseigna de 1935 à 1940, avec une interruption pour le service militaire en 1936-1937.
Laurent Preziosi rejoignit les Jeunesses socialistes en 1930 et devint un des responsables de la section de Maison-Carrée créée en mars 1933, d’abord chargé de la propagande, puis secrétaire en 1936 de la Fédération départementale créée par son ami, l’écrivain Max-Pol Fouchet.
Alors qu’il effectuait son service militaire à Tours (32e régiment d’infanterie) et militait avec les JS d’Indre-et-Loire, il présenta au congrès de Moulins (12-14 avril 1936) du Comité national mixte des JS une motion sur la question algérienne qui réclamait clairement des réformes politiques et syndicales pour permettre aux Algériens musulmans de s’impliquer librement afin de « s’organiser pour son émancipation ». Comme l’écrivait Jean Rous* : « C’est un Pied-Noir corse mais d’une nature originale puisqu’il militera pour l’émancipation démocratique de l’Algérie et comprendra les aspirations des musulmans. »
Membre du Syndicat national des instituteurs, militant du courant « l’École émancipée », il milita à la « gauche révolutionnaire » de Marceau Pivert qu’il suivit lors de la scission qui donna naissance au Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP). Sa participation à la grève générale du 30 novembre 1938 ayant entraîné sa suspension de fonctions pendant six mois, il devint rédacteur à Alger Républicain lancé quelques mois plus tôt où il fit la connaissance d’Albert Camus, avec lequel il devait se lier durablement, et de Pascal Pia.
Mobilisé en septembre 1939 dans la 9e division d’infanterie Laurent Preziosi partit en Tunisie. En décembre 1940, il fut révoqué par le gouvernement de Vichy. Représentant de commerce de 1941 à novembre 1942, il entra en résistance. Aux côtés du jeune avocat Yves Dechezelles* et du syndicaliste Paul Ruff*, ancien militant du syndicalisme enseignant,S, il participa aux opérations de débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord (opération Torch) dans la nuit du 7 au 8 novembre 1941.
Engagé volontaire, Laurent Preziosi accomplit, du 8 décembre 1942 au 17 mars 1943, une mission militaire secrète en Corse par le sous-marin "Casabianca" pour coordonner les réseaux de résistance en vue d’un débarquement pour libérer l’île (mission Pearl Harbour). Il raconta dans un livre de mémoires à deux voix cet épisode de la mission en Corse.
Réintégré dans l’administration dès son retour à Alger en mars 1943, il fut détaché à la direction de la Sécurité militaire du 17 mars 1943 au 1er décembre 1943. Puis, il fut mis à la disposition du Commissaire aux Affaires sociales du Gouvernement provisoire de la République française (le socialiste Adrien Tixier*) comme rédacteur le 1er décembre 1943. Il fut secrétaire général de la délégation administrative. En août 1944, il participa au débarquement sur la Côte d’Azur et à la libération de Marseille, avant de rejoindre Paris. Jusqu’en mars 1945, il avait été chargé de mission en qualité d’officier de liaison administrative au Cabinet du ministre du Travail et de la Sécurité sociale.
Laurent Préziosi réintégra à la Libération les rangs de la SFIO. Il fut jusqu’en 1948, attaché de cabinet pour des questions sociales du Gouverneur général de l’Algérie, le socialiste Yves Chataigneau*. Comme son ami Jean Rous il estimait que « cette expérience, la plus intelligente et la plus libérale, eût permis en dialoguant avec les musulmans, notamment Ferhat Abbas, de dégager une “Algérie algérienne” associée à la France tout en sauvegardant les droits des “Pieds-Noirs” dans le cadre des institutions nouvelles définies par le “statut de l’Algérie” ». Mais en février 1948, le remplacement de Chataigneau par son camarade Naegelen, et les élections truquées qui suivirent, s’avérèrent le signe d’un recul. Preziosi quitta alors la SFIO et adhéra à l’Action socialiste révolutionnaire fondée par Yves Dechézelles dont il devint le secrétaire pour la fédération algérienne. Il adhéra dans le même temps au Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR).
Jusqu’alors militant cégétiste, en 1950, en désaccord avec les orientations générales consécutives à la scission syndicale de 1947, il quitta la CGT et créa un syndicat autonome du personnel de l’Administration centrale se réclamant des principes de la Charte d’Amiens. En 1951, avec des responsables de la Fédération de l’Éducation nationale,il fonda le Comité d’entente des syndicats autonomes d’Algérie qui publiait la Tribune autonome. Il fut, de 1953 à 1959, secrétaire général adjoint du Comité d’entente des syndicats autonomes d’Algérie et, de 1959 à 1962, son délégué au conseil d’administration du mouvement “Pour un mouvement syndical uni et démocratique” animé par Denis Forestier*.
Laurent Preziosi, hostile à la politique du gouvernement Guy Mollet et au retour au pouvoir du général de Gaulle, fonda en 1959 une fédération du PSA en Algérie. Il devait être élu à la délégation permanente au congrès de Montrouge en mai 1959, puis rejoignit ensuite la PSU en avril 1960.
De 1959 à 1962, Laurent Preziosi poursuivit sa carrière à la Sécurité sociale : administrateur civil adjoint au chef du bureau, puis chef de service des Relations professionnelles, comités d’entreprises, délégués syndicaux, délégués du personnel. De 1964 à 1974, il participa aux conférences internationales à Bruxelles et à Genève. En 1973, il était délégué gouvernemental français à la Conférence internationale du Travail, réunie autour de la question des sociétés multinationales.
Rentré en France, il adhéra au Parti socialiste au moment du congrès d’Épinay et prit sa retraite à Montrouge.
Préziosi fréquentait régulièrement les réunions de l’OURS dans les années 1980, retrouvant son vieil ami Joseph Begarra*. Il répondait toujours avec chaleur et gentillesse aux sollicitations des étudiants et des chercheurs, jouant un rôle important de passeur d’expériences et de mémoire. IIl revenait très souvent sur l’histoire de l’Algérie. François Lafon écrivait dans sa critique du livre de Claire Marynower consacré à Joseph Begarra : « Sans doute, et Claire Marynower le signale avec pertinence, les dés étaient-ils déjà pipés depuis l’échec de Chataigneau en 1947 ? Bien des années plus tard, à l’OURS, c’est ce que Joseph Begarra, avec Laurent Preziosi, tenta de faire comprendre à de jeunes (alors) chercheurs (…) qui envisageaient de se lancer dans l’histoire de la période mollétiste. »
Laurent Preziosi écrivait dans à La Révolution prolétarienne, à laquelle il restait attaché, en juin 2002 à propos de sa lecture du livre de Tony Judt sur La Responsabilité des intellectuels : Blum, Camus, Aron (Calmann-Lévy) : « Vous savez les liens qui me liaient à Albert Camus, notamment pendant la guerre d’Algérie. Il a été le seul, je dis bien le seul, à condamner le terrorisme, une véritable catastrophe pour ceux qui l’ont toléré et approuvé. »
Capitaine honoraire, officier de la Légion d’honneur, Laurent Presiozi était titulaire de la Croix de guerre avec palmes et étoiles, de la médaille militaire, de la médaille de la Résistance, de combattant volontaire de la Résistance.
Par Frédéric Cépède
ŒUVRE : Toussaint Griffi, Laurent Preziosi, Première mission en Corse occupée avec le sous-marin "Casabianca", décembre 1942-mars 1943, L’Harmattan.
SOURCES : Arch. Nat., F/22/2025. — Fichier RDR, archives J. Risacher. — Tribune socialiste, 11 mars 1961. — Mouloud Aouimeur, « Jeunesse et politique dans l’Algérie des années 1930 : la fédération des Jeunesses socialistes d’Alger (1932-1939) », Revue d’histoire maghrébine, n° 99-100, mai 2000, p. 237-283. — Préface de Jean Rous à Toussaint Griffi-Laurent Preziosi, Première mission en Corse occupée avec le sous-marin "Casabianca", — Notice biographique parue dans le Maitron (rédigée par René Gallissot). — Notes de Gilles Morin.— Site resistance-corse.asso.fr.