DAVID Édouard [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Journaliste et agriculteur ; marié et père de famille ; participa à la Commune ; blanquiste, membre de l’AIT, délégué au congrès de La Haye (1872), élu membre du conseil général de l’Internationale, en démissionna rapidement ; rédacteur du Socialiste, puis fondateur de la Torpille, du Réveil des masses et de la Crise sociale  ; proche de l’IWPA et des anarchistes dans les années 1880.

Édouard David émigra aux États-Unis au lendemain de la Commune de Paris, à laquelle il avait participé sans que l’on sache exactement de quelle manière. Pourrait-il se confondre avec Édouard David, né le 20 août 1851 à Nantes (Loire-Inférieur), pâtissier, célibataire, garde au 144e fédéré, qui fut arrêté le 28 mai, incarcéré à Rochefort et libéré sur non-lieu le 5 octobre ?

Membre de la section n° 2 de l’AIT, Édouard David habitait fin 1871 à New York, 22 Sud 5e Avenue. Il commença à collaborer au Socialiste en janvier 1872 dans le sillage de Simon Dereure (voir ce nom). Il fut d’ailleurs l’un des principaux artisans de la pénétration du blanquisme dans les sections françaises de l’AIT à New York. Il assista au congrès convoqué par la tendance « centraliste » emmenée par l’allemand Friedrich Sorge du 6 au 8 juillet 1872, y représentant la section 2 avec Dagbert (voir ce nom). Élu membre du conseil fédéral, il se rendit en septembre à La Haye pour assister au congrès de l’AIT qui déboucha sur la scission et l’éclatement de cette organisation. Il y fut même élu membre du Conseil général, mais dès son retour à New York début octobre, il fit connaître sa décision de ne pas y siéger. Accusé de trahison par les militants français proches des « autonomistes » de Spring Street, il fut défendu par Arsène Sauva, qui précisa dans un document rendu public les circonstances dans lesquelles il avait été désigné pour faire partie du nouveau Conseil général.

Édouard David joua au cours des années suivantes un rôle important dans le mouvement socialiste francophone. Rédacteur-administrateur du Socialiste, il fit également partie de la commission new-yorkaise chargée d’organiser la souscription au bénéfice des veuves et des orphelins des combattants de la Commune. Fin 1872, il fut l’un des artisans de la transformation de la section 2 en Groupe révolutionnaire socialiste international (GRSI) de tendance blanquiste marquée. Membre du bureau, il y occupait la fonction de bibliothécaire archiviste ; il fut également l’un des organisateurs de la commémoration de l’anniversaire du 18 mars en 1873. L’année suivante, il figura parmi les collaborateurs de l’éphémère Revue sociale lancée par les blanquistes. Puis durant quelques années, on n’entendit plus parler de lui.

En décembre 1880, Édouard David se manifesta de nouveau publiquement en se prononçant en faveur de la Vieille Icarie, et en brocardant l’individualisme des dissidents de la Jeune Icarie, lesquels se réclamaient d’une forme de « communisme libertaire ». À la même date, David occupait à New York la fonction de secrétaire de la Société communiste révolutionnaire (ou Société des réfugiés de la Commune).

A partir de ce moment, David commença à se rapprocher des communistes-révolutionnaires de l’IWPA, sans jamais renier toutefois ses idées blanquistes (en 1885, lors du lancement de la Torpille, il se félicitait de « la persévérance de l’élément socialiste allemand, grâce auquel l’Internationale compte aujourd’hui 107 groupes aux États-Unis. »). Il était aussi en contact avec les Icariens (il donna un article dans le numéro de la Revue icarienne en date de mars 1883). En juin 1886, il prit publiquement à partie la Jeune Icarie (« soi-disant communiste et libertaire »).

Mettant à profit son expérience journalistique, Édouard david joua un rôle prépondérant dans la relance de la presse révolutionnaire francophone à partir de 1885. En novembre de cette année-là il fit paraître La Torpille. Ce journal était alors édité en Pennsylvanie, à Newfoundland, où il semblerait qu’Édouard David se soit reconverti dans l’agriculture. Ce journal fut publié jusqu’en mars 1887, puis disparut. Cette même année, Édouard David fut l’un des deux principaux orateurs (avec Lucy Parsons) de la commémoration de la Commune à New York.

Non découragé par cet échec, Édouard David lança l’année suivante Le Réveil des masses, qui témoignait d’une évolution toujours plus prononcée vers l’anarchisme. Ce titre parut jusqu’en juin 1890 ; à cette date, David, qui avait connu au cours de l’année précédente de sérieux ennuis de santé, était de retour à New York. Membre du groupe anarchiste français de cette ville, Édouard David en accueillait les réunions à son domicile, 27 Sud 5e Avenue. En 1891, il lança un dernier titre, La Crise sociale, qui n’eut que quelques numéros.

En octobre ou novembre 1891, Édouard David fut victime d’une agression alors qu’il se trouvait à Newfoundland avec sa femme et ses enfants : un voisin lui tira une décharge de plombs en plein visage, ce qui le laissa définitivement aveugle.

En 1892, Édouard David partit avec sa famille s’installer à Houston (Texas). Plusieurs articles publiés dans les journaux anarchistes francophones montrent bien à quel point il y fut choqué par le racisme ambiant, particulièrement celui qui frappait les travailleurs noirs.

La trace d’Édouard David se perd définitivement après 1896.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159769, notice DAVID Édouard [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 10 juin 2014, dernière modification le 30 mai 2019.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Le Socialiste, 6 octobre 1872, 27 octobre 1872, entre autres. — L’Observateur - feuille communiste non-séparatiste, Corning, n° 4, décembre 1880, supplément. — La Torpille, juin-juillet 1886 entre autres. — L’Ami des ouvriers, 15 mai 1896. — La Tribune libre, 24 septembre 1896.— René Bianco et al., Quand le Coq rouge chantera. Anarchistes français et italiens aux États-Unis d’Amérique. Bibliographie, Marseille, Éditions Culture et Liberté, 1986. — Hubert Perrier, Idées et mouvement socialiste aux États-Unis, 1864-1890, Thèse d’État, Université Paris VIII, 1984.— M. Cordillot, « Les Blanquistes à New York », Bulletin de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848, Paris, 1990. — Louis Bretonnière, Roger Pérennès, L’Internement des prévenus de la Commune à Rochefort, Nantes, 1995.

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