DEHAY Armand [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né enfant naturel à Achicourt (Pas-de-Calais) le 16 juin 1842 sous l’identité de Herman Joseph Dehay, mort à Cloverdale (Californie) le 24 novembre 1923 ; successivement coiffeur, exploitant agricole, hôtelier et négociant en vins ; marié et père de huit enfants ; gendre de Jules Leroux, membre de la communauté icarienne de Corning, Iowa, et co-fondateur d’Icaria Speranza, Californie.

Ses parents, Pierre Antoine Dehay (1810-1867) et Louise Françoise Fagnet (1819-1880), de très modeste condition, légitimèrent l’enfant par leur mariage à Achicourt en mai 1844. C’est la mort annoncée du père qui entraîna l’émigration d’Armand et, dix ans plus tard, une fois leur père décédé, celle de son frère Théodore.

Jeune socialiste français, Herman – devenu pour l’immigration américaine Armand Dehay –, arriva aux États-Unis en 1866 après avoir vécu plusieurs années à Londres. Après un séjour chez les Quakers à West Chester, Pennsylvanie, il déménagea à Washington D. C., où il exerça son métier de coiffeur durant un an à l’Hôtel national. Puis il décida de partir s’installer comme fermier à Topeka (Kansas), tout en continuant de travailler comme coiffeur. Il fut accueilli par Jules Leroux dans sa famille en 1871.

Le 20 septembre 1871, dans le comté voisin de Pottawatomie, Armand Dehay épousa Marie Lucille Leroux (1853-1945), la plus jeune des filles de son hôte. Il acheva la construction des bâtiments de la ferme, rendit courage à ses compagnons alors quelque peu désemparés et tenta de pousser plus avant l’édification d’une colonie communiste. Après que Paul Leroux eut découvert en Iowa la colonie icarienne, Armand Dehay décida d’aller s’installer en Icarie avec tout le reste de la famille. Le 24 novembre 1879, il fut admis, de même que son épouse Marie, comme membre provisoire de la Jeune Icarie. Ils avaient alors déjà deux filles, Alice (1875-1960) et Henriette (1876-1960), et deux garçons, Paul Louis (1872-1953) et Émile Benjamin (1874-1931).

Fin 1880, Armand Dehay partit en Californie avec son beau-père et sa famille pour y établir une nouvelle colonie. Avec l’aide d’Émile Bée, ils achetèrent à la Banque de Californie 885 acres (354 ha) de terrains fertiles à quelques miles de Cloverdale au prix de 15 000 dollars et y fondèrent une colonie baptisée Icaria Speranza en hommage à Cabet et aux éditeurs de la revue L’Espérance. Des Indiens furent embauchés pour défricher les terres, mais une fois leur tâche menée à bien, ils déclinèrent l’offre qui leur avait été faite de s’installer définitivement sur la propriété. Après leur départ, trois des quatre chefs des familles constituant la communauté en 1883 (Étienne Pépin, Armand Dehay et Émile Zurcher) étaient beaux-frères, ayant chacun épousé une fille de Jules Leroux (seul Émile Bée faisait exception).

Début 1883, Armand et Marie Dehay figurèrent parmi les signataires de la charte d’Icaria Speranza. Toutefois la proposition faite par Armand Dehay de créer un fonds commun sous la forme d’un acte de donation ne fut pas retenue par Jules Leroux. Cela constitua, selon Dehay, l’une des causes principales de l’échec final.

Après la dissolution de la colonie en 1886, Armand Dehay et ses parents rentrèrent en possession de la plus grande partie de leur apport (supérieur à 4 000 dollars) et continuèrent à exploiter le domaine.

En 1899, Armand Dehay s’installa avec sa famille à San Francisco (Californie) afin de pouvoir donner à ses enfants une meilleure éducation. Il y devint propriétaire de l’Hôtel de France et, trois ans plus tard, se tourna vers le négoce des vins. Il dirigea successivement plusieurs sociétés vinicoles françaises et mourut le 24 novembre 1923 à Cloverdale, après avoir beaucoup œuvré au développement économique de la Californie.

Quatre autres enfants naquirent durant cette période, deux filles, Louise Dehay (1881-1945) et Jeannette Marie (1892-1983), et deux garçons, Armand Joseph Jr (1886-1970) et Wendell Phillip (1889-1957). La chronologie fait apparaître deux naissances à Cloverdale et deux naissances à San Francisco, ces lieux de naissance correspondant exactement avec la date de la dissolution de la communauté d’Icaria-Speranza et avec la migration du couple et de la famille Dehay à San Francisco.

Paul Louis et Armand Joseph Jr Dehay prirent la relève du père concernant le négoce en vin et la gestion des terres, notamment celles qui revinrent à la société actuelle Icaria Creek Winery à Cloverdale.

Armand Dehay repose au cimetière de Cloverdale aux côtés des autres membres d’Icaria Speranza.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159775, notice DEHAY Armand [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 10 juin 2014, dernière modification le 9 décembre 2019.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907, passim. — Ronald Creagh, Nos Cousins d’Amérique, Paris, Payot, 1988, p. 359 sq. — Robert P. Sutton, Les Icariens : The Utopian Dream in Europe and America, Urbana, University of Illinois Press, 1994, p. 137-138 145. — Dale Larsen (ed.), À History and Census of the Icarian Communities : Soldiers of Humanity, The National Icarian Heritage Society, sl, 1998, p. 208, 282. — Notes de Robert Sutton.

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