BAYLE Édith, Edmonde

Par Madeleine Singer

Née le 20 novembre 1925 à Condé-sur-Escaut (Nord) ; archiviste paléographe, ingénieur à l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS), chef de la section de l’Humanisme ; militante de la JECF puis syndicaliste, membre du comité national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1960 à 1971, secrétaire nationale de la section SGEN des ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs) du CNRS de 1967 à 1971.

Édith Bayle était l’aînée des deux enfants de Paul Bayle qui fut d’abord ingénieur aux charbonnages et électricité du Sud-Est, afin de résider à Briançon à cause de la santé de sa femme. En 1946, il revint avec sa famille dans le Nord, en qualité d’ingénieur aux mines d’Anzin. Édith Bayle fit donc ses études secondaires au lycée de Briançon et passa le baccalauréat à Gap en 1945. Elle entra en 1947 à la faculté des lettres de Lille et y obtint en 1951 la licence d’histoire. Elle prépara alors à Paris, au lycée Henri IV, l’École des chartes où elle fut admise en 1954. À la sortie, elle fut recrutée par l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT), laboratoire fondé au CNRS dès la création de ce dernier. D’abord technicienne, elle devint ingénieur de catégorie A, vu qu’elle était responsable de la section de l’Humanisme. Celle-ci rassemble la documentation sur la Renaissance et l’Humanisme du XIVe au XVIIe siècle. Édith Bayle dirigea pendant vingt ans la « Bibliographie internationale de l’Humanisme et de la Renaissance », publiée à Genève avec la collaboration de vingt-quatre pays. La section de l’Humanisme étudiait aussi le catalogage des livres imprimés anciens et avait fondé, avec la Bibliothèque nationale et l’Institut d’histoire du livre, Les nouvelles du livre ancien, publication trimestrielle. E. Bayle prit sa retraite à l’IRHT en 1990.

Édith Bayle avait été Guide de France au lycée de Briançon, puis jéciste à la faculté de Lille. Dès son entrée au CNRS en 1957, elle adhéra au SGEN qu’elle avait connu par deux techniciens de l’IRHT, le photographe Charles Lefrère et Jeanne Barbet, collaboratrice de Paul Vignaux* dont Édith Bayle avait été l’élève, car elle avait fréquenté l’École des hautes études pendant qu’elle était à l’École des chartes. Elle avait été séduite par la personnalité de Paul Vignaux ainsi que par celle de Noëlle de Mamantoff*, alors secrétaire nationale des ITA-SGEN. Elle appréciait également les positions du syndicat. Aussi en 1959, participant déjà à la réunion des représentants des établissements parisiens, laquelle se tenait chaque mois autour de N. de Mamantoff, elle accepta de devenir l’adjointe de celle-ci et entra l’année suivante au comité national en qualité de suppléante.

À partir de 1964, sa signature accompagna fréquemment celle de N. de Mamantoff dans les articles de Syndicalisme universitaire qui relataient l’activité de la section. Pour les ITA-CNRS, une Intersyndicale réunissait depuis 1948 leurs trois syndicats (SGEN-CFTC, FO et CGT) : Édith Bayle accompagna N. de Mamantoff lorsqu’une délégation de cette intersyndicale fut reçue en mai 1964 par le directeur général du CNRS, puis le 30 novembre 1964 au ministère de l’Éducation nationale, car il s’agissait d’obtenir quelques améliorations pour le statut des techniciens, améliorations déposées en septembre par la direction du CNRS. Édith Bayle fit également partie de la petite délégation SGEN (chercheurs et techniciens) qui rencontra en novembre 1965 le directeur adjoint du CNRS au sujet de la future réforme de cet organisme. En même temps elle faisait pour Syndicalisme universitaire d’intéressants comptes rendus de la commission administrative du SGEN-Supérieur qui se tint à Paris, les 13 et 14 février 1965, pour étudier tous les problèmes de la Recherche. Elle relatait également les journées de formation et d’information organisées à Paris les 8 et 9 mai 1965 par le département SGEN de la Recherche et du Supérieur, à l’intention des responsables des sections locales de province comme de la région parisienne ; elle-même y exposa avec N. de Mamantoff les problèmes propres aux techniciens du CNRS.

Lorsque N. de Mamantoff approcha de l’âge de la retraite, les responsabilités d’Édith Bayle s’accrurent. C’est elle qui, en octobre 1966, présenta, dans le supplément de Syndicalisme universitaire consacré à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, la « section nationale des personnels techniques et administratifs du CNRS ». Aux membres provinciaux aussi bien que parisiens, elle montrait comment le syndicat intervenait pour leur carrière : changement de catégorie, obtention d’échelons accélérés ou de primes semestrielles ; elle évoquait aussi bien le Comité d’action et d’entraide sociale (CAES) que la sécurité du travail et le plan retraite. Aussi lorsque le 3 octobre 1966, les représentants du Comité d’entente des syndicats de la Recherche furent reçus au Conseil économique et social, c’est E. Bayle qui, au nom des ITA-SGEN, montra que les prévisions du budget de 1967 ne permettraient pas l’exécution du Ve plan dont les objectifs relatifs aux constructions et aux créations de postes de chercheurs et de techniciens étaient déjà insuffisants. Elle représenta également la section ITA-SGEN lorsque le Comité d’entente rencontra, le 23 mai 1967, le directeur du CNRS, assisté du directeur administratif et financier : un texte relatif aux autorisations de programme, aux crédits et aux créations de postes fut alors remis au directeur, texte à la rédaction duquel Édith Bayle avait évidemment participé. Candidate au comité national du CNRS, dans la section « Études linguistiques et littératures françaises », elle fut élue en 1967 et siégea dans cet organisme jusqu’en 1984.

L’assemblée générale des ITA-SGEN avait décidé, le 29 avril 1967, qu’Édith Bayle serait secrétaire nationale à compter du 1er octobre 1967 car N. de Mamantoff prenait sa retraite à la fin de janvier 1968. Cette assemblée générale avait élu un bureau de six membres qui se répartirent les tâches, car E. Bayle avait le souci de les associer à son action comme on le voit par les articles qui parurent dans Syndicalisme universitaire : le secrétaire adjoint et le délégué à la rédaction signèrent avec elle une magistrale étude qui, dans le supplément consacré à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, exposait en octobre 1967 "La nécessité d’être syndiqué ». Les trois rédacteurs du texte montraient comment l’appartenance du SGEN à une grande centrale ouvrière lui donnait une vue d’ensemble sur les problèmes de la Recherche scientifique tant publique que privée ; la liaison de la section des ITA avec les sections de chercheurs et de techniciens des divers organismes de recherche lui permettait de travailler efficacement avec celles-ci. L’article évoquait également l’organisation de la section : des délégués locaux en province et dans la région parisienne assuraient la représentation des syndiqués auprès des patrons et prenaient en charge, en liaison avec le bureau national, les actions d’ensemble ainsi que les démarches relatives aux cas litigieux. Enfin cet article rappelait la composition du bureau ainsi que la représentation des ITA-SGEN dans toutes les commissions du CNRS ; il ajoutait que depuis 1948 une Intersyndicale groupait les trois syndicats des personnels techniques et administratifs du CNRS, Intersyndicale dont la présidence était assurée à tour de rôle pour un an par la CGT, FO et le SGEN-CFDT. C’est d’ailleurs E. Bayle qui prendra cette fonction le 1er octobre 1968.

Depuis mai 1967, un bulletin ronéotypé était envoyé deux ou trois fois par an à tous les adhérents. Si Édith Bayle faisait pour Syndicalisme universitaire le compte rendu des entrevues avec le directeur du CNRS ou exposait les résultats des commissions paritaires, c’était le secrétaire adjoint qui commentait en novembre 1967 le budget du CNRS dans le projet de loi de finances pour 1968. Édith Bayle se réservait les questions les plus délicates telles que le reclassement des collaborateurs techniques menacés de licenciement à la suite de suppressions de postes, la mise en place au sein du CNRS en 1967 de deux instituts nationaux, l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (INPNPP), l’Institut national d’astronomie et de géophysique. Elle voyait dans l’INPNPP "un risque ultérieur de démantèlement du CNRS », cet Institut ayant son budget propre.

Le temps fort de l’action d’Édith Bayle se situa évidemment en Mai 68, bien qu’elle ait été absente de Paris (en mission à Rome) au début des événements. Le 15 mai, les locaux furent occupés par des travailleurs du CNRS constitués en comité d’action central provisoire. Un comité intersyndical permanent chercheurs-techniciens se créa le 20 mai et conduisit les négociations : le 24 mai, il y eut un accord avec la direction du CNRS concernant notamment l’extension du droit syndical et l’engagement de collaborer avec les représentants du personnel pour la mise au point de structures nouvelles. Le 29 mai, ce fut l’accord avec le ministre de la Recherche, prévoyant entre autres la réorganisation des instances d’élaboration de la politique de la recherche. Mais en septembre 1968, seules étaient acquises les majorations de traitement, les mesures relatives aux retraites et l’accroissement de la représentation du personnel au comité national du CNRS. Édith Bayle élabora alors avec les membres du bureau un projet de réforme du CNRS, projet qui fut l’objet de longues tractations entre le Comité d’entente intersyndical et la direction du CNRS. Or à la rentrée de 1969, Édith Bayle dut dénoncer le blocage complet des crédits d’équipement et des recrutements. Elle prit l’initiative de contacts répétés avec les autres organisations syndicales de techniciens et de chercheurs ainsi qu’avec la Fédération CFDT des fonctionnaires. Finalement quand l’Intersyndicale rencontra la direction du CNRS, le 30 octobre 1969, les décrets sur la sécurité d’emploi et les réformes de structure du CNRS étaient sur le point de sortir au Journal officiel.

À partir de 1970, l’organisation de la section ITA-SGEN se renforça. Lors de l’assemblée générale des 20 au 20 février 1970, le conseil national qui était composé de dix-huit représentants de la province et de dix-huit représentants de la région parisienne ainsi que du bureau national, fut chargé d’élire une commission administrative nationale (CAN). Celle-ci, réunie six fois par an, comprenait six représentants de la province et six représentants de la région parisienne : elle devait définir, avec le bureau national, l’orientation et la ligne d’action de la section entre deux assemblées générales. En novembre 1971, le nombre de ces représentants fut porté à douze. Sept commissions d’étude qui furent également instaurées en 1970, étaient chargées d’approfondir la doctrine syndicale sur les œuvres sociales, les retraites, etc. En même temps l’information se développait car, outre les articles dans Syndicalisme universitaire et les bulletins ronéotypés, il y avait à peu près chaque semaine des circulaires aux sections locales ainsi que des suppléments de Syndicalisme universitaire destinés aux responsables de sections. En mars 1971, l’assemblée générale qui s’appelait désormais congrès, devint annuelle.

Les années 1970-1971 furent marquées par des acquis importants. La circulaire du 23 décembre 1970 entérina les décisions prises au sujet du droit syndical et précisa en particulier les modalités des décharges de service. Une commission d’action sociale (CAS) fut instituée ; le conseil d’administration du CNRS lui reconnut en juin 1971 le droit d’être informée de toute l’action sociale du CNRS. Lorsque les représentants du CAS avaient été élus en janvier 1971, ce fut Édith Bayle pour la section ITA-SGEN. Sur le plan revendicatif, il faut noter les efforts de l’Intersyndicale pour faire appliquer aux ITA le plan Masselin concernant la revalorisation des traitements des groupes C et D de la Fonction publique, alors que les Finances voulaient en exclure les ITA. Lors de l’audience du 10 décembre 1970, l’Intersyndicale apprit de la direction du CNRS que celle-ci avait demandé l’arbitrage du Premier ministre. La section ITA-SGEN sollicita alors l’appui de la Fédération CFDT des fonctionnaires : Édith Bayle et Jean-Claude Farcy, secrétaire adjoint, rencontrèrent en janvier 1971 le secrétaire de cette Fédération ainsi que Paul Martinet*, chargé au SGEN de l’action revendicative. Cette application du plan Masselin aux ITA ne fut obtenue qu’en janvier 1972, mais avec effet au 1er janvier 1971. Bien entendu nous n’évoquerons pas tous les problèmes à propos desquels Édith Bayle dut mener l’action pendant cette période. Ainsi écrivait-elle en avril 1971 : « Les promotions au CNRS. Ca ne s’arrange pas » ; faute de postes en nombre suffisant, le rôle des commissions d’avancement et de la formation permanente est rendu « illusoire ».

Bien qu’Édith Bayle eût depuis 1968 une demi-décharge de service, tout cela impliquait un gros travail alors qu’elle devait ménager sa santé. Elle fut donc heureuse de voir élire comme secrétaire Jean-Claude Farcy, lors du congrès du 26 novembre 1971. Elle-même resta à la commission exécutive où elle fut chargée des relations avec le département Recherche et le bureau national du SGEN. Elle avait d’ailleurs pris à nouveau, le 1er octobre 1971, la présidence de l’Intersyndicale des ITA, présidence assumée en alternance pour un an par les trois organisations. Le congrès ITA-SGEN des 26 au 26 janvier 1973 lui rendit enfin sa liberté, mais elle continua encore à siéger au CAS pendant plusieurs années.

Au cours de sa carrière, Édith Bayle n’eut pas d’activité politique car la lecture de l’Action française chez son grand-père maternel pendant la guerre l’avait, dit-elle, dégoûtée à tout jamais de la politique, vu que cette publication avait alors pris parti contre la Résistance. Une fois à la retraite, elle rejoignit la section SGEN des retraités, mais sa santé ne lui permit pas d’y avoir une activité quelconque ; aussi se consacra-t-elle à sa famille. Au CNRS elle avait assumé avec énergie et compétence la transition entre la fondatrice de la section, N. de Mamantoff*, et une génération plus jeune, capable d’assurer la relève. Au comité national de novembre 1969, Édith Bayle soulignait que la section des ITA, secouée par les événements de Mai 1968, avait perdu trois cents adhérents, mais en avait gagné quatre cents autres. Cette section se trouvait alors, disait-elle, à égalité avec la CGT et avait affaire sur son aile droite à une CGC qui montait « en récupérant les anciens adhérents conservateurs traumatisés par Mai 68 ». Or la percée effectuée par N. de Mamantoff et Édith Bayle sera durable, car lors des élections du 16 octobre 1997 pour le Comité d’action et d’entraide sociale (CAES), le SGEN demeurait la première organisation, avec dix sièges sur trente au conseil d’administration du CAES et quatre sièges sur onze à son bureau.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15978, notice BAYLE Édith, Edmonde par Madeleine Singer, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 21 février 2010.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Histoire du SGEN, 1987, Presses universitaires de Lille, 669 p. — Syndicalisme universitaire, 1960-1973. — Comité national du CNRS, listes des membres de la section "études linguistiques et littératures françaises » en 1967, en 1971-1972, en février 1981, en 1982-1984, fournies par le secrétariat général, le 20 mars 1998. — Élections du 16 octobre 1997, document fourni par le secrétaire général du CAES, 7 janvier 1998. — Lettres d’Édith Bayle à M. Singer, 11 mars 1981, juillet 1995, mai 1996, 3 mars 1998, 2 avril 1998 (AP).

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