PIETTE Jacques, dit Personne ou Jacques Nord.

Par Gilles Morin

Né le 13 mai 1916 à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), mort le 2 avril 1990 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ; ouvrier verrier puis haut fonctionnaire ; militant socialiste ; résistant ; militant socialiste ; maire d’Hénin-Liétard (1969-1989 ; conseiller général d’Hénin-Liétard, puis Hénin-Beaumont (1969-1985) ; secrétaire administratif du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes ; chef militaire national de l’OCM ; secrétaire de la fédération SFIO de la Seine-et-Marne (1948-1949) ; député de la Seine-et-Marne, puis de l’Yonne (1956-1958) et du Pas-de-Calais ; membre du Comité directeur de la SFIO (1947-1950 ; 1961-1969) puis du parti socialiste (1969-1975 ; 1977-1979, 1981, 1987).

Fils d’un ouvrier (tourneur chez Renault), Jacques Piette fit de brillantes études tout en travaillant comme ouvrier verrier aux établissements Souchon à la Plaine-Saint-Denis. Licencié ès Lettres, titulaire d’un diplôme d’études supérieures de Droit et diplômé de l’École des hautes études sociales, il mena une brillante carrière de haut fonctionnaire dans l’après guerre, inspecteur général des affaires économiques, PDG de la société nationale de Constructions aéronautique du Nord, inspecteur général de l’économie nationale (1956-1972), Conseiller d’État en service extraordinaire, président de la caisse nationale d’industrie (1987).

Jacques Piette se fit remarquer pour la première fois sur le plan politique en exerçant la fonction de secrétaire administratif du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes en 1934. Militant SFIO, il démissionna du parti au moment des accords de Munich, étant hostile à tout compromis avec les dictatures totalitaires.

Durant l’Occupation, Piette exerça comme directeur du service de la documentation au Centre de la formation interprofessionnel, dépendant du ministre Bichelonne. Résistant actif, il accéda à la fonction de chef militaire national de l’Organisation civile et militaire (OCM), sous le pseudonyme de Colonel Personne. Inspecteur régional FFI, il fut fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle, puis fut décoré comme officier de la Légion d’Honneur à titre militaire.

À la Libération, Jacques Piette exerça les fonctions de secrétaire général du ministère de la Production industrielle. Il était dans le même temps administrateur du Parisien Libéré, mais fut éliminé de ce poste au début 1947.

Ayant repris sa carte du Parti socialiste SFIO, Piette milita en Seine-et-Marne. Proposé à la candidature aux élections à la deuxième assemblée constituante en 1945 par la section de Pontault-Combault, il vit son dossier rejeté sans explication par le bureau fédéral (lettre à D. Mayer du 3 septembre 1945). L’année suivante, Piette fut des militants qui, se situant alors à la gauche du parti, poussèrent la candidature de Guy Mollet contre la direction Mayer-Blum. Il joua un rôle majeur pour attester la participation à la Résistance, dans les rangs de l’OCM, du député du Pas-de-Calais.

Au congrès de 1947, Piette fut élu au comité directeur (CD) de la SFIO dans la liste des partisans de Guy Mollet. Il y siégea trois ans et s’y montra très actif. En ces temps de guerre froide, délégué à l’Internationale ouvrière en voie de reconstruction, il participa aux premiers échanges en vue de l’organisation des démocraties et de la construction de l’Europe. Il contribua à l’élaboration de la position de la délégation française à la conférence des Partis socialistes des pays ayant accepté le principe de l’aide américaine (20-22 mars 1948), puis fut chargé par le CD du 24 mars 1948 de mettre sur pieds l’organisation matérielle de la conférence des partis socialistes européens des 24 et 25 avril 1948. Il appartint à la commission de résolution finale du conseil national. Mais, il ne fut pas réélu au CD au congrès de mai 1950, étant en 2e place parmi les battus ; de même en 1951 (7e place).

Jacques Piette s’efforça sans trop de succès de jouer le rôle d’un expert économique auprès de la SFIO et de Guy Mollet (il appartint à son cabinet de Ministre d’État dans le gouvernement Blum). Partisan d’une inflation maîtrisée, il proposait une ponction monétaire en décembre 1948, la liberté des salaires en 1949 et critiquait la position socialiste sur l’échelle mobile des salaires en 1951. Il insistait aussi sur la nécessité de mettre fin à la guerre d’Indochine du fait de son coût pour la nation et pour permettre d’avoir une politique de défense nationale afin d’assurer l’indépendance européenne et sa capacité de défense.

Piette connu aussi des déboires dans sa tentative d’implantation locale, alors qu’il avait pourtant été désigné secrétaire de la fédération de Seine-et-Marne en 1948. Il devait être candidat aux élections cantonales de 1949 à La Ferté-sous-Jouarre, sans espoir de victoire, mais il retira sa candidature au dernier moment. Il quitta sa responsabilité l’année suivante et entra rapidement en conflit avec les militants locaux, notamment le député Jean Arbeltier*. S’il devait rester officiellement conseiller politique de la fédération, il était très souvent à l’étranger ou pris par ses occupations. Membre de la commission exécutive fédérale en 1953, la fédération de Seine-et-Marne déposa une demande de contrôle contre lui cette année-là et il fut remplacé en août 1954. Il semble avoir joué alors un jeu personnel. Il devint directeur politique de L’Opinion de Seine-et-Marne en 1955, journal appartenant à 50 % à des radicaux et le reste à des socialistes. Il démissionna, le 5 juillet 1955, de la section de Pontault-Combault et de la Fédération avec laquelle il se disait en désaccord depuis plus de 4 ans.

En 1951, Piette avait fait condamner à 12 000 francs d’amende Jean Lesourd, directeur du journal communiste, Le Réveil de Saint-Ouen, qui l’avait accusé d’être mêlé à l’affaire des “bons d’Arras”, en rappelant qu’il avait été un collaborateur de Bichelonne, ancien ministre de Vichy.
Sur le plan professionnel, il rencontra aussi des difficultés. Devenu président directeur général de la société aéronautique du Nord (société nationalisée) de 1948 à 1955, il démissionna après un lourd désaccord avec son conseil d’administration. Il appartint alors à la commission des comptes de la Nation et du bilan économique en 1955. La Cour de discipline budgétaire critiqua sa gestion de la société aéronautique du Nord en 1957 et le condamna à une amende. Il proposa alors de démissionner de la SFIO et de son mandat parlementaire (lettre à G. Mollet du 27 mai 1957). Le comité directeur du 24 juillet 1957 refusa à l’unanimité sa démission, considérant “que la décision de la Cour de discipline budgétaire ne peut porter atteinte ni à son honorabilité, ni à son honnêteté”.

Après sa démission de la fédération SFIO de Seine-et-Marne, Piette adhéra à la fédération de l’Yonne. Les bons résultats du Front républicain aux élections législatives du 2 janvier 1956 lui permirent d’obtenir un siège de député, avec seulement 9,4 % des suffrages. Il obtint 12 367 suffrages sur 169 888 inscrits et 132 604 exprimés.

Le fidèle du secrétaire général, joua un rôle important en Mai 1958. Compagnon de la Libération, il fut chargé par Guy Mollet de rencontrer secrètement le général de Gaulle pour tester ses intentions (Guy Mollet accusé lors d’une réunion du groupe parlementaire d’avoir envoyé un émissaire aurait répondu « j’ai envoyé Personne », jouant sur le pseudonyme de Piette dans la clandestinité.) Il soutint le secrétaire général de la SFIO sans faille et vota en faveur du retour au pouvoir du général de Gaulle à la fin du mois.

Jacques Piette ne fut pas récompensé pour son rôle dans le retour au pouvoir du général de Gaulle. Candidat aux élections législatives de 1958 dans l’Yonne, il perdit son siège. Il n’eut pas plus de succès en, 1962, bien qu’ayant pris Paul Flandin, neveu de l’ancien ministre et membre du Centre républicain, comme suppléant. Désigné comme suppléant dans le Nord, il échoua de la même façon en 1968, puis en 1973 et 1978 dans le Pas-de-Calais.

Piette réintégra le comité directeur de la SFIO en 1961-1969 renforçant une majorité mollétiste fragilisée depuis la scission du PSA et le passage à l’opposition interne d’hommes comme Albert Gazier, Gérard Jacques ou Georges Brutelle qui avaient fidèlement secondé le secrétaire général dans les dernières années de la IVe République. Il participait activement aux instances nationales du parti. On le repère ainsi comme membre de la commission chargée d’étudier les problèmes de politique économique et sociale au conseil national des 3 et 4 mai 1958, siégeant à la commission chargée d’étudier la politique économique, financière et sociale au conseil national des 10-11 janvier 1959, membre de la commission Défense nationale des journées nationales d’études des 7 au 10 mai 1959. Il participa au groupe de travail animé par Roger Quilliot sur l’évolution du communisme à partir d’octobre 1963. Il réintégra par ailleurs le bureau de liaison des partis socialistes européens. Il y fut élu en janvier 1966 en remplacement de Gérard Jaquet*, démissionnaire du bureau du parti avec Brutelle*. Il fut encore désigné par le CD le 16 mars 1966 afin d’organiser le dialogue avec le PC.

Membre du Comité exécutif national de la FGDS le 6 décembre 1965 et du Comité exécutif départemental de l’Yonne en 1966. Il fut un des rédacteurs du programme de la FGDS, rendu public en juillet 1966.

Membre de la commission des Affaires internationales en 1957.

Membre du bureau de liaison des partis socialistes européens, élu en janvier 1966 en remplacement de Gérard Jaquet, démissionnaire du bureau du parti avec Brutelle.

Actionnaire d’origine et Président du Conseil de surveillance de la Société sarroise de Télévision. Contribue à la création d’Europe n° 1.

Après le décès de Fernand Darchicourt en décembre 1968, Jacques Piette fut présenté par la fédération socialiste du Pas-de-Calais pour lui succéder. Il prit tout d’abord la mairie d’Hénin-Liétard, qu’il gagna avec la veuve de Darchicourt à l’élection partielle des 2 et 9 mars 1969, puis fut élu conseiller général d’Hénin-Beaumont le 16 mars 1969. Il était toujours en fonction en 1987…
Conseiller régional, il était rapporteur général du conseil en 1974-1976.
Membre de la CEF du PdC en 1971.
Membre du bureau de la FNESER.
Il fut signataire de la motion majoritaire « pour le renforcement de l’unité socialiste », prônant la création d’un nouveau parti socialiste, avec la CIR, l’UCRG et l’UGCS, pour le congrès national extraordinaire de décembre 1968 à Puteaux. Bulletin intérieur de la SFIO, décembre 1968.

Il signa de la motion Mollet-Mauroy, pour le congrès national constitutif de mai 1969 à Alfortville, il était signataire de la motion O (Savary-Mollet) pour le congrès d’Épinay en 1971.

Conseiller régional en 1975, rapporteur général du budget, il démissionna en 1981.

Possède 5 % des parts de Démocratie 1960 à sa fondation en 1959. Il fut président en 1975-1976, vice-président de l’OURS en 1982.

Il fut signataire de la motion Mollet pour le congrès d’Issy-les-Moulineaux en juillet 1969. La Documentation socialiste, n° 198, juin 1969.

Membre du bureau national du Parti socialiste après le congrès d’Épinay en juin 1971 (tendance Savary-Mollet) et du bureau de l’Union de la gauche socialiste et démocrate, coalition électorale du PS et des radicaux de gauche en novembre 1972. Signataire de la motion Bataille socialiste pour le congrès de Grenoble en 1973. Le Poing et la Rose, n° 15, mai 1973.

Membre du SE puis du CD en 1987. Était alors président du district d’Hénin-Carvin.

Membre du Collectif politique de la tendance “Bataille socialiste” du Parti socialiste en 1971, de ses “Amis” en 1974. En 1979, au congrès de Metz, il fut membre de la commission de résolution au nom de la motion A (Mitterrand). Le Poing et la Rose, n° 81, mai 1879.

Jacques Piette était franc-maçon. Commandeur de la Légion d’honneur, il avait été fait Compagnon de la Libération. Il était père de trois enfants.

Marié le 2 mai 1939 à Paris V arr. avec Jeanne Esnault, séparé de corps le 1er juillet 1955, divorcé en juin 1963 et remarié le 8 mars 1972 à Paris XVI arr. avec Jeanine Daullé, il était père de trois enfants.

Il mourut le 2 avril 1990 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159800, notice PIETTE Jacques, dit Personne ou Jacques Nord. par Gilles Morin, version mise en ligne le 10 juin 2014, dernière modification le 10 juin 2014.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat. F/1cII/280. F/1cII/298. F/1cII/315 ; CAC, 19830172, art. 165 et 171 ; CAC, 19890523/11. — AGM 136. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-67. — Cahiers et Revue de l’OURS, n° 204, 1992. — Bulletin intérieur de la SFIO, n° 31, 111. — Les élections législatives 1956, 1962, La documentation française. —Rapports des congrès de la fédération SFIO du Pas-de-Calais, 1945-1967. — Dossiers Seine-et-Marne et Yonne, archives de l’OURS. — Profession de foi, législatives de 1956. — Encyclopédie périodique, Communes et maires de France, société générale de presse, 1987.
F/1cII/280. F/1cII/298. F/1cII/315. F/1cII/563. 19890523/14, 19. 1980021/6. — AGM 136. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Cahiers et Revue de l’OURS, n° 204, 1992. — Bulletin intérieur de la SFIO, n° 31, 111. — Les élections législatives 1956, 1962, La documentation française. — La Documentation socialiste, avril 1969. —Rapports des congrès de la fédération SFIO du Pas-de-Calais, 1945-1967. — Dossiers Seine-et-Marne et Yonne, archives de l’OURS. — Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956. — Profession de foi, législatives de 1956. — FNESER, Annuaire des conseillers généraux socialistes, sd. (1979 ?). — Thierry Pfister, Les socialistes, Albin Michel, 1975.

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