RAZOULS Claude, Pierre, Raoul

Par André Balent

Né le 7 décembre 1936 à Paris (XIIIe arr.) ; officier de la Marine nationale puis chercheur universitaire spécialiste de biologie marine et enseignant du supérieur ; militant du SNESup ; militant socialiste (SFIO, PS, MDC) puis Parti de gauche dans les Pyrénées-Orientales ; membre du bureau de la fédération socialiste des Pyrénées-Orientales.

Razouls pendant la grève à la Sorbonne en 1959 (avec sa pipe)
Razouls pendant la grève à la Sorbonne en 1959 (avec sa pipe)

Le père de Claude Razouls, Jacques, était originaire de Marseille. Employé de commerce selon l’état civil, diplômé de Droit civil et commercial, il fut, avant et après la Seconde Guerre mondiale, chargé de cours puis professeur de Droit rural. Entre 1940 et 1945, il fut employé au service du contentieux de la SNCF. Sa mère, Germaine Séguin, infirmière selon l’état civil, travailla dans les services administratifs des hôpitaux de l’Assistance publique et termina sa carrière comme directrice d’hôpital. Ses parents étaient catholiques non pratiquants, d’opinions laïques. Claude Razouls, baptisé, reçut l’instruction religieuse catholique et fit la communion.
Le mariage de Claude Razouls, civil et religieux, eut lieu le 16 février 1965 à Paris (XIVe arrondissement). Son épouse Suzanne Maire, était alors professeur de sciences naturelles au collège Stanislas. Elle fut ensuite attachée de recherches au CNRS. Le couple eut trois enfants : Aline, née à Perpignan le 9 août 1965, infirmière diplômée d’État, hospitalière (2014) à Neuchâtel (Suisse) ; Claire, née le 13 avril 1969 à Perpignan, professeure des écoles, domiciliée à Saint-André (Pyrénées-Orientales), en poste (2014) au Boulou (Pyrénées-Orientales) ; Xavier, né à Perpignan le 4 avril 1973, ingénieur de gestion à Toulouse (Haute-Garonne) (2014).

Claude Razouls effectua sa scolarité secondaire au lycée Jacques Decour à Paris et obtint en 1955 le baccalauréat dans la série Sciences expérimentales. Désireux de préparer l’agrégation de sciences naturelles, il poursuivit d’abord ses études en classe préparatoire scientifique au lycée Louis-le-Grand. Mais, par ailleurs, il manifestait un vif intérêt pour la recherche d’une part, la marine et la navigation d’autre part, influencé par son grand-père paternel capitaine au long cours. Sursitaire et voulant éviter la guerre d’Algérie, il s’engagea en 1956, d’abord pour deux ans, dans la Marine nationale puis fut réaffecté pour les années 1961, 1962 et 1963. Il fréquenta tout d’abord l’école des élèves officiers de marine à Brest (Finistère) puis fut affecté à la base de sous-marins de Toulon (Var). Pendant une quinzaine d’années, il fut rappelé par la Marine nationale pour des « périodes de réactivation » : il commanda, en particulier, le centre de formation militaire de la Marine nationale de Port-Vendres (Pyrénées-Orientales). Il fut alors délégué du commandant en chef de la Marine pour la Méditerranée au centre opérationnel Défense des Pyrénées-Orientales. Il termina sa carrière militaire avec le grade de capitaine de frégate. Bien que rendu à la vie civile, il fut parfois « réactivé » après 1965.

Étant affecté dans le Finistère, il reprit ses études à la Station biologique de Roscoff, dépendance de l’université de Paris —à cette époque la Sorbonne, plus tard, l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)— et le demeura, étant rendu momentanément à la vie civile, avant « réaffectation ». Il se spécialisa dans l’étude de herbivores marins, en particulier des copépodes (zooplancton). Il prépara puis soutint en 1963 à Roscoff une thèse de spécialité. Après avoir quitté la Marine nationale à Toulon, il obtint un poste au Laboratoire de biologie marine Arago de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) dépendant, comme la Station de Roscoff, de l’Université de Paris (Sorbonne puis Paris VI). Dans le cadre de ses activités de chercheur et d’enseignant, il participa à plusieurs campagnes océanographiques dans les terres australes (îles Kerguelen), en zone tropicale atlantique, dans la Manche, en Méditerranée, surtout dans sa partie occidentale. Il soutint en 1972 à l’Université de Paris VI une thèse d’État, Estimation de la Production secondaire (Copépodes pélagiques) dans une province néritique méditerranéenne (Golfe du Lion). Devenant un spécialiste reconnu des copépodes marins, il publia de nombreux articles dans des revues scientifiques, en français (en particulier dans Vie et Milieu, la revue du laboratoire Arago de Banyuls et en anglais. Attaché de recherches au CNRS, il assura des cours à Banyuls-sur-Mer, d’abord en qualité d’assistant puis de maître de conférences. Il fut chargé de cours temporaire à l’université Laval une année à Québec, une année au CICESE (Centro de Investigación cientifica y de Educación superior de Ensenada (Baja California), organisme s’intéressant aux sciences de la Terre et à l’Océanologie) au Mexique et deux séjours plus courts au centre océanographique de l’université Houari Boumédienne à Alger. Il fut en 1974 le rapporteur du projet de création de la réserve marine de Cerbère-Banyuls, la première en France. La difficulté qu’il fallait résoudre pour mener à bien ce projet n’était pas d’ordre scientifique mais administratif car la mise au point de la gestion d’un tel site faisait appel à la participation de tous les usagers du domaine maritime qu’il fallait convaincre et qui devait concilier les intérêts parfois divergents. Il prit sa retraite en 1996, mais demeurait un chercheur actif, toujours dans le cadre du Laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer. Il s’occupait notamment d’un site informatique lié à l’observatoire océanologique de cette institution rassemblant les données disponibles au niveau mondial et la bibliographie complète depuis 1988 sur les copépodes marins.

Il fut un militant du Syndicat national de l’enseignement supérieur, secrétaire de la section SNESup du Laboratoire Arago de Banyuls à la fin des années 1960 et membre de la commission internationale du SNESup. Il joua un rôle important, au plan local, pendant les grèves mai-juin 1968. Il fut en effet secrétaire du comité intercommunal de grève de la Côte Vermeille (communes de Port-Vendres, Banyuls-sur-Mer, Cerbère et Collioure) qui groupa des grévistes salariés (enseignants et chercheurs du laboratoire Arago, professeurs du collège de Port-Vendres, instituteurs, dockers, marins, pêcheurs de Port-Vendres, cheminots, en particulier de la grande gare de Cerbère, douaniers) ou même agriculteurs. Ce comité se distingua par l’organisation de distributions gratuite de poissons pêchés à Port-Vendres.

Dès le lycée, Claude Razouls sympathisait avec la SFIO. Il était attiré par ses principes généraux en matière sociale et économique. Il appréciait également l’engagement européen théorique de la SFIO néanmoins soutenu que par une partie de celle-ci. En 1954, selon ses souvenirs, il avait soutenu le projet de communauté européenne de défense et distribué des tracts en faveur de sa ratification. Lorsque débuta la guerre d’Algérie, il n’en perçut pas les enjeux et ne les découvrit que plus tard. En revanche, il avait été très sensibilisé par la guerre d’Indochine qui remit en cause de crédit accordé à la fois aux militaires et aux politiques.

Razouls adhéra à la SFIO alors qu’il préparait sa thèse à Roscoff. Il assista à des réunions publiques de la fédération du Finistère, en particulier à une réunion tenue à Morlaix où, à la tribune, il s’opposa au programme de développement de l’arme nucléaire. Il défendit alors la perspective d’une réunification entre la SFIO et le PSU. Paradoxalement, son engagement politique ne nuisit pas à sa carrière d’officier de la Marine nationale. Il participa à des congrès fédéraux de la SFIO finistérienne et s’exprima dans la presse locale. Il suspendit son adhésion à la SFIO lorsqu’il passait à nouveau sous statut militaire. Il participa en 1959 à une grève illimitée des étudiants de la faculté des Sciences les revendications des assistants et chefs de travaux : il apparut sur une photographie illustrant un article de l’Humanité en train de participer à l’action d’un piquet de grève filtrant les entrées à la Sorbonne. À Banyuls-sur-Mer, Razouls adhéra à nouveau à la SFIO. Alors qu’il n’y avait plus de section locale, il la reconstitua, assisté par de nouveaux militants locaux comme Laurent Centène retraité des PTT et militant syndical et Charles Jaulent aidés par d’anciens militants comme Pierre Arnaud, Fabien Reig, Fernand Pauli. Il accéda à son secrétariat. Cette section devint la plus nombreuse dans ce département où la SFIO était en perte de vitesse et minée par le clientélisme de grands notables comme Paul Alduy. Très dynamique, elle se singularisa par son indépendance vis-à-vis des élus et des notables départementaux du parti. Razouls devint membre du bureau fédéral des Pyrénées-Orientales en 1967 et fut le suppléant du docteur André Roquère candidat de la FGDS aux élections législatives des 23 et 30 juin 1968 dans la 2e circonscription des Pyrénées-Orientales (Perpignan-Prades) qui n’était pas celle où votait Razouls (Perpignan-Céret). Au premier tour, Roquère et Razouls obtinrent 5 026 voix (8, 6 % des suffrages exprimés ; André Tourné (PCF) député sortant, 23 030 suffrages, 39, 4% ; Arthur Conte (UDR ex SFIO), 27 395 voix, 47 % ; Louis Monestier, divers droite, 2 805 voix, 4, 8%). Au deuxième tour, Roquère et Razouls se désistèrent pour Tourné, ce qui n’empêcha pas l’élection d’Arthur Conte.

Razouls marqua son désaccord avec la SFIO en 1968 en désapprouvant la décision de la direction nationale du parti de ne pas participer à la campagne « Un bateau pour le Vietnam ». Dans une lettre à Ernest Cazelles, il indiquait que cette décision était « pour le moins fâcheuse ». Il annonçait qu’il n’appliquerait pas automatiquement cette décision et qu’il consulterait avant les camarades de sa section d’autant que le SNESup, dont il était responsable, s’était engagé dans la campagne. Au début de 1968, la section socialiste de Banyuls multipliait les communiqués de presse affichant « un point de vue différent de la politique du Parti ». Le secrétaire fédéral demanda à la presse de ne plus publier les communiqués de cette section.

Lors du congrès fédéral de fondation du Parti socialiste, le 23 novembre 1969, secrétaire de la section de Banyuls, membre de la commission administrative fédérale, il devint membre du secrétariat fédéral en sixième position. S’il adhéra au PS dès sa création, Razouls n’appréciait guère François Mitterrand. Il le considérait, selon les termes employés lors d’un entretien en juin 2014, comme un « escroc ». Entre temps, il avait pris conscience, entre autres, du rôle qui avait été le sien pendant la guerre d’Algérie. Le rôle grandissant du premier secrétaire au sein du parti l’amena progressivement à s’en détacher entre 1977 et 1981 et il ne fut guère enchanté par son élection à la présidence de la République. Il demeura donc provisoirement à l’écart de tout parti. Il était peu favorable à la ratification du traité de Maastricht en 1992. Il se résolut cependant à voter « oui » au référendum, convaincu par ses collègues espagnols. Par la suite, il eut des sympathies pour Jean-Pierre Chevènement et adhéra un moment au Mouvement des citoyens qu’il quitta rapidement après avoir créé une petite section à Banyuls. Claude Razouls s’impliqua très activement dans la campagne contre le traité constitutionnel européen de 2005. Pourtant favorable depuis les années 1950 aux perspectives d’unité européenne, il récusa avec force le contenu de ce texte dont il mit en évidence le « caractère antidémocratique » dans un argumentaire détaillé qu’il diffusa publiquement. Cet engagement dans la campagne de 2005 l’amena ensuite à adhérer au Parti de gauche et, en 2012, à participer activement, dans le cadre du Front de gauche, à la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon puis à celle des candidats du Front de Gauche aux élections législatives dans les Pyrénées-Orientales. Il fut l’un des signataires qui, au plan départemental soutint publiquement ces candidats (Le Travailleur catalan, 12 avril 2012).

Claude Razouls participa activement à la vie électorale municipale de Banyuls. Il organisa l’élection de René Ribère, instituteur, à la mairie. Celle-ci s’effectua en deux étapes. Aux élections municipales des 14 et 21 mars 1971, Razouls fut, au premier tour, candidat sur la liste d’Union socialiste et républicaine composée de socialistes à de quelques sympathisants conduite par Fernand Pauli. L’union avec le PCF n’avait pu se faire au premier tour, ce parti présentant une liste conduite par André Soleing. La liste « apolitique » (en fait de droite) du maire sortant, Raymond Bataller, enleva donc huit sièges au premier. Au second tour fut constituée une liste d’Union de la gauche avec Claude Razouls, René Ribère, instituteur socialiste et André Soleing. Ribère (1 039 voix) et Soleing (736 voix) furent élus. En revanche, Razouls avec 893 voix fut devancé par un colistier de Bataller, Paul Barbe. Il attribua son moindre score au fait qu’étant « étranger » à la commune, il était le moins connu des candidats. Il est vrai que le Laboratoire Arago était quelque part « étranger » à cette commune viticole et touristique. Lors du scrutin des 13 et 20 mars 1977, Fernand Ribère était à la tête d’une liste d’Union de la gauche. Claude Razouls, en mission océanographique entre les Kerguelen et l’Antarctique, ne put participer activement à la campagne. À l’issue du premier tour, elle eut huit élus et treize après le second. Les autres scrutins municipaux (1983, 1989, 1995, 2001, 2008) à Banyuls aboutirent à des alternances entre gauche et droite. En 2001 (élections des 11 et 18 mars 2001), Suzanne Razouls, l’épouse de Claude, fut élue cinquième adjointe de Roger Rull (divers gauche, instituteur à la retraite). La liste du second tour provenait de la fusion des listes du PS (conduite par Michel Jomain et soutenue par Claude Razouls) et celle de Roger Rull. En 2014 (scrutin des 23 et 30 mars), Claude Razouls fut candidat, en 11e position) sur la liste du Front de gauche conduite par Richard Sanchez (Voir aussi Yvette Lucas, du PCF qui était candidate en quatrième position). Cette liste obtint 5, 4 % des votants.

Claude Razouls fut initié à la franc-maçonnerie à la loge Pyrène de Port-Vendres (Grand-Orient de France, GOF) et atteint le grade de « maître ». Il fut également membre d’une loge mexicaine pendant son séjour professionnel dans ce pays. Depuis, Razouls a cessé toute activité maçonnique, non par divergences avec les objectifs du GOF, mais par manque de disponibilité. Passionné de football, il fut président du football club de Banyuls, mais ne put, toujours absorbé par des activités de recherche impliquant de longs déplacements hors de Banyuls, assurer cette tâche qu’il dut abandonner. Il adhéra et adhère toujours (2014) à la penya barcelonista (groupe local de supporters du Barcelone football club, « Barça ») de Banyuls-sur-Mer.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159821, notice RAZOULS Claude, Pierre, Raoul par André Balent, version mise en ligne le 11 juin 2014, dernière modification le 5 avril 2022.

Par André Balent

Razouls pendant la grève à la Sorbonne en 1959 (avec sa pipe)
Razouls pendant la grève à la Sorbonne en 1959 (avec sa pipe)
Razouls officier de la Marine à Port-Vendres en 1974.
Razouls officier de la Marine à Port-Vendres en 1974.
Archives Claude Razouls

ŒUVRE CHOISIE : Nombreux articles scientifiques dans des revues spécialisées en français et en anglais. — Étude dynamique et variations saisonnières du plancton de la région de Roscoff : Copépodes pélagiques, thèse de 3e cycle, spécialité d’océanographie biologique, université de Paris (Sorbonne), décembre 1963. — Estimation de la Production secondaire (Copépodes pélagiques) dans une province néritique méditerranéenne (Golfe du Lion), Thèse de doctorat d’État ès Sciences, Université Pierre et Marie Curie Paris VI, 1972. — (avec Francis de Bovée et Juliana Kouwenberg, Nicolas Desreumaux webmaster), Diversité et répartition géographique chez les copépodes planctoniques marins (site copepodes.obs-banyuls.fr de l’observatoire océanologique du Laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer, Université de Paris VI) — Chronique électorale de Banyuls-sur-Mer 1945-2002, à compte d’auteur, sans ISBN, Banyuls-sur-Mer, 2003, 241 p. (ouvrage publié et complété en ligne sur le blog de Claude Razouls : http://calanus.free.fr/pages/home.htm ).

SOURCES : Archives de l’OURS, fédération des Pyrénées-Orientales. — Archives privées, Claude Razouls. — Claude Razouls, Chronique électorale de Banyuls-sur-Mer … citée dans les Sources. — Entretien avec Claude Razouls, Banyuls-sur-Mer, 18 juin 2014. — Courriel de Claude Razouls, 24 juin 2014. — Notes de Jacques Girault.

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