PITIOT Gustave, Eugène, Julien

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 21 avril 1920 à Paris (XIVe arr.), fusillé comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; commis du Trésor ; militant communiste ; résistant.

Employé du Trésor, Gustave Pitiot adhéra aux Jeunesses communistes en 1936. Dans un rapport de la Brigade spéciale n° 1, il était présenté comme « révoqué ». Dans la clandestinité, il était chargé de liaison entre la direction de la région parisienne des Jeunesses communistes et les secteurs, mais il assurait aussi les liaisons avec l’appareil technique du parti (imprimerie, photographies) dirigé en 1942 par Arthur Tintelin. Ce fut en effectuant des filatures que la police put remonter jusqu’à la direction des Jeunesses communistes. Gustave Pitiot était domicilié légalement 4 rue Vidal-de-la-Blache dans le XXe arrondissement, il vivait de fait sous le nom de Laurent 113 boulevard Sébastopol à Paris (IIe arr.). Il était en possession d’une fausse carte d’identité au nom de « Laurent ».
Des inspecteurs de la BS1 repérèrent Arthur Tintelin au début du mois de mars 1942 dans le quartier Saint-Ambroise (XIe arr.), ils le surnommèrent « Ambroise ». Il avait la responsabilité des ateliers de photogravures et d’impressions et rétribuait les artisans. Onze inspecteurs de la BS1 filèrent les militants impliqués dans l’impression et la diffusion des tracts et des journaux édités par le parti communiste clandestin du début mars au 16 juin 1942.
Gustave Pitiot fut repéré par des fileurs de la BS1, le 21 avril 1942 il quitta son domicile à 14heures 45 et par le métro descendit à la station Saint-Lazare. À pied il se dirigea vers le square Louis XVI dans le VIIIe arrondissement, à 15heures 15 il y rencontra la jeune Jalabert. Tous deux, en discutant, échangent des documents et se séparent rue d’Amsterdam à 15heures 30.
Par le métro, il rejoignit à la station Porte de Montreuil d’où il sortit à 16heures. Il fut rejoint par une femme d’une trentaine d’année, mesurant un mètre cinquante-huit environ, d’une corpulence assez forte, cheveux châtain foncés, veste beige, jupe bleue, socquettes bleues, chaussures marron, gants de peau noirs, collerettes jabot blanche. Elle fut surnommée femme Montreuil.
Tous deux après avoir consommé au café Le Réveil de Montreuil se dirigèrent à pied vers la porte de Vincennes où ils étaient rejoints par Dufayet monté sur la bicyclette 7343RJ7 demeurant 11 rue Bardinet dans le XIVe arrondissement.
Gustave Pitiot quitta son logement le 23 avril à 13heures 40. Par le métro il se rendit quai de la Râpée. À 14heures 15 il rencontra René Despouy, tous les deux paraissaient méfiants, les policiers prirent de la distance. Environ dix minutes plus tard Pitiot était revu en compagnie de Camille Baynac et de Benito Sacristan-Guerro qui vivait chez Ollipré 148 rue de Ménilmontant dans le XXe arrondissement. Tous les trois se dirigèrent vers La Bastille. Sur la place Pitiot les quitta.
Le 22 mai il sortit de son domicile à 14 heures 30. À pied il se rendit au tabac situé 70 boulevard Auguste Blanqui dans le XIIIe arrondissement d’où il sortit avec Fuschmann (demeurant 51 rue Saint-Fargeau, avec son frère). Tous deux gagnèrent la place Denfert-Rochereau où Pitiot quitta un instant son compagnon pour rejoindre Hautin à qui il semblait donner des directives. Il revint ensuite vers Fuschmann, et se quittèrent rue de la Santé à 15heures 20.
Il fut arrêté par des inspecteurs de la BS1 le 18 juin 1942 à son domicile clandestin, au 113 boulevard Sébastopol (IIe arr.). Il avait des faux papiers au nom de Gaston Laurent. La perquisition de son domicile permettait de découvrir des documents ayant trait à son activité : feuilles de comptes et de rendez-vous, manuscrits divers etc. Gustave Pitiot était en liaison avec René Despouy, Camille Baynac, Benito Sacristan-Guerro et André Diez.
Le soir même, sa femme, née Renée Legros, le 19 novembre 1921 à Paris (XIIIe arr.), alias Danièle Laurent, fut arrêtée à Veneux-les-Sablons (Seine-et-Marne) où elle était planquée. Petite main dans diverses maisons de haute couture avant-guerre, elle était couturière à son compte lors de son arrestation. Gustave Pitiot et Renée Legros se marièrent en novembre 1941. Selon Charlotte Delbo, il était alors employé à la perception de Brunoy (Seine-et-Oise, Essonne), et elle, domiciliée chez ses parents à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne). La même source signale qu’elle fut arrêtée le 20 à Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne).
Pendant son interrogatoire, Gustave Pitiot reconnut tous les faits qui lui étaient reprochés, mais refusa de livrer d’autres renseignements, se contentant de répondre « Je n’ai rien à vous dire » ou encore « Je ne puis pas vous répondre ». Transféré au Dépôt, il a été fusillé comme otage au Mont-Valérien le 11 août 1942, avec la quasi-totalité des hommes arrêtés dans le cadre de l’affaire Tintelin, en représailles à plusieurs attentats, dont celui du stade Jean-Bouin réalisé par les FTP-MOI Andrei Sas-Dragos, Juvko Rohac et Carol Goldstein, qui tua deux allemands, en blessa grièvement cinq et en toucha quinze autres.
Renée Pitiot fut d’abord internée au fort de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis) le 10 août 1942, puis déportée dans le convoi du 24 janvier 1943 à Auschwitz (Pologne). Transférée le 2 août 1944 à Ravensbrück (Allemagne) puis le 2 mars 1945 à Mauthausen (Autriche), elle revint des camps. Remariée, mère de trois enfants, elle mourut en 1961.
Le père de Gustave Pitiot fut arrêté comme otage au début de 1942, interné au camp de Royallieu (Compiègne, Oise) et libéré après l’exécution de son fils en août 1942.
Georges Gasnes, comptable beau-frère de Gustave Pitiot, témoigna le 7 avril 1945 devant la commission d’épuration de la police, il déclara : « Ma belle-sœur Renée Pitiot née Legros a été arrêtée le 20 juin 1942 à Veneux-les-Sablons [arrondissement de Melun] en Seine-et-Marne par deux inspecteurs pour le même motif que son mari. »
« Mon beau-frère et ma belle-sœur ont été conduits dans les locaux des Brigades spéciales des Renseignements généraux. Mon beau-frère n’y a été détenu que peu de temps, par contre ma belle-sœur y est restée quatre ou cinq jours. Après avoir été écroués au Dépôt, ils ont été remis aux Autorités allemandes le 10 août 1942 et ont été incarcérés au fort de Romainville. Je tiens à signaler que l’instruction était en cours devant la justice française. »
« Mon beau-frère a été fusillé au Mont-Valérien le 11 août du même mois comme otage. »
« Quant à ma belle-sœur, elle a été déportée en Allemagne le 23 janvier 1943. Elle se trouve actuellement au camp d’Auschwitz, je suis sans nouvelles d’elle depuis juillet 1944. »
« Je ne crois pas que mon beau-frère ait été maltraité pendant son séjour aux Brigades spéciales. Par contre ma belle-sœur qui a pu me faire parvenir quelques messages clandestins m’a dit avoir été très maltraitée par les inspecteurs des Brigades spéciales, cependant elle ne m’a pas spécifié de quelle manière ni par qui. »
« Une perquisition négative a été effectuée au domicile de mon beau-frère : 113 boulevard Sébastopol, 4 rue Vidal de la Blache et 15 rue de Seine à Veneux-les-Sablons, dans ce dernier domicile les inspecteurs se sont conduits comme de véritables vandales, déchirant du linge et cassants certains objets, je tiens à signaler que ma belle-sœur a été maltraitée au cours de la perquisition. »
« Je ne connais aucun des inspecteurs qui ont arrêté mes parents ni aucun de ceux qui ont effectué la perquisition. »
Georges Gasnes porta plainte contre les inspecteurs qui arrêtèrent Gustave Pitiot. Il les considérait comme « responsables de la mort de [son] beau-frère et de la déportation de [sa] belle-sœur. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159824, notice PITIOT Gustave, Eugène, Julien par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 19 décembre 2019, dernière modification le 19 décembre 2019.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BS1 GB 36, GB 38 (rapport de filatures), 77 W 1339-291692. – DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Bureau Résistance (pas de dossier). – Charlotte Delbo, Le Convoi du 24 janvier, Éd. de Minuit, 2002. – Serge Klarsfel, Léon Tsévéry, Les 1 007 Fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs, Éd. FFDJF, op. cit. – Notes Ludivine Achard de Leluardière.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo.

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