BAZ Romain

Par Jacques Girault, Justinien Raymond

Né le 17 août 1910 à Sallanches (Haute-Savoie), mort le 13 octobre 1989 à Ambilly (Haute-Savoie) ; instituteur ; résistant ; militant syndicaliste du SNI, de la CGT et de la FEN, militant socialiste puis communiste de Haute-Savoie ; adjoint au maire d’Annemasse (Haute-Savoie).

Quand Romain Baz naquit, il y avait un an que ses parents étaient venus de la petite commune montagnarde voisine de Cordon, s’établir fermiers à Sallanches, dans la vallée de l’Arve. En 1914, lorsque le père fut appelé par la mobilisation générale, six enfants vivaient au foyer, cinq garçons et une fille, de quatorze ans à quatre mois. Romain était l’avant-dernier. Le père fut démobilisé fin 1915 comme soutien de famille. Malgré une santé compromise, avec l’aide des siens, à force de travail et de privations, il acquit à crédit la petite ferme qu’il mit douze ans à payer. Les trois aînés n’allèrent plus à l’école après l’âge de onze ans. Les trois cadets gagnaient aussi chaque année l’alpage fin mai. Romain Baz connut la vie laborieuse et sans loisirs des enfants de familles paysannes nombreuses et peu fortunées et il pratiqua tous les travaux de la terre. Cette vie rude lui donna, par comparaison avec d’autres, le sentiment de l’injustice, en même temps que l’atmosphère de guerre le marqua profondément.

Très bon élève à l’école publique de Sallanches, il était aussi le premier au catéchisme où ses parents l’envoyaient par tradition, mais qu’il suivait sans conviction. Muni du certificat d’études primaires, il entra en 1921 au cours complémentaire de Sallanches et mena de front des études fructueuses et le travail aux champs. En 1926, il cumula le triple succès au brevet élémentaire, au brevet d’enseignement primaire supérieur et au concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs de Bonneville. Admis 3e à l’École normale, il se maintint à ce rang, malgré un tempérament chétif et une grave atteinte de rhumatismes articulaires au cours de la seconde année. Dégagé de toute croyance religieuse, il acquit à l’École normale, un profond attachement à l’École laïque, aux œuvres post et périscolaires, et il commença à découvrir le socialisme à la lecture de Jaurès et notamment de son « Discours à la Jeunesse ».

À la rentrée de 1929, Romain Baz débuta dans la carrière d’instituteur à Solaison puis fut affecté au poste de montagne de Brizon. En 1930, il perdit son père. Appelé au service militaire en 1931, il fut réformé deux mois plus tard pour affection cardiaque. À compter de décembre 1931, il occupa une poste à Gaillard, près d’Annemasse où il enseignera jusqu’au 1er janvier 1941, date à laquelle le gouvernement de Vichy le déplaça d’office à Boëge.

Romain Baz était devenu un militant actif. Entré aux Jeunesses socialistes en décembre 1931, il en était vite devenu le responsable pour trois ans. Il combattit les réformistes de la Fédération, mais se battit avec ardeur en 1932 pour Étienne Antonelli dans la circonscription de Saint-Julien. Partisan de l’unité d’action avec le Parti communiste, dans la lutte contre les dangers de guerre, il opéra avec lui les premiers rapprochements. En 1933, il participa, en compagnie d’une militante communiste, au congrès organisé à Paris par le comité Amsterdam-Pleyel. En 1934, il fut aux premiers rangs des organisateurs des grèves régionales et du meeting d’Annemasse le 12 février. En 1935, il devint secrétaire de l’organisation cantonale d’Annemasse du Parti socialiste SFIO.

Militant syndicaliste, il appartenait alors au conseil de la section départementale du Syndicat national des instituteurs.

Hostile à l’appel à la confiance du capital sous forme d’emprunt par le Front populaire, à la « pause », au « mensonge » de la non-intervention en Espagne, Romain Baz passa à la tendance « gauche révolutionnaire ». Après l’exclusion des militants de ce courant par le congrès de Royan, il appartint au Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) animé par Marceau Pivert. Responsable départemental jusqu’en 1940, il s’en écarta, persuadé que des éléments troubles s’y étaient infiltrés. Il était alors, depuis 1939, secrétaire de l’Union locale CGT d’Annemasse. Il apporta son soutien à la lutte des républicains espagnols. En outre, il animait des mouvements populaires laïques d’éducation. Il s’était marié en septembre 1937 à Annemasse.

Romain Baz participa à une manifestation patriotique le 14 juillet 1940. Déplacé et sous surveillance à Boëge, il organisa la Résistance dès 1941. Arrêté le 14 juillet 1942 à Annemasse par la police française, alors qu’il distribuait des tracts contre le Service du travail obligatoire en Allemagne, livré aux troupes d’occupation italiennes, il fut condamné à dix-huit mois de prison et passa quatorze mois en cellule à Chambéry.

Transféré le 8 septembre 1943 au camp d’hébergement de Bressieux-Bassens (Savoie), et en instance de déportation, il s’en évada trois jours plus tard, avec l’aide d’un commando de résistants. Il gagna le maquis de la vallée de Boëge. En rapport avec le réseau Gilbert du colonel Groussard, il accueillit les réfractaires au STO et créa des maquis avec l’aide des populations et des maires de la vallée. Bénéficiant de plusieurs parachutages, la Résistance contrôlait, à partir du printemps 1944, la "Vallée verte" qui échappait à peu près complètement à l’administration de Vichy et où les troupes allemandes ne se hasardaient plus. Bien que partisan d’une Résistance unie dès 1940, Baz organisa cette union dans la vallée, mais à la suite de pressions extérieures, choisit d’entrer aux FTPF tout en gardant de bons rapports avec l’AS. Il fut l’un des commandants d’un groupe de résistants qui libéra Annemasse (18 août 1944), siège départemental de la Gestapo. Membre du comité local de Libération et président du comité d’épuration d’Annemasse et de Boëge du 18 août au 1er novembre 1944, par la suite président-fondateur de la section départementale de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance, il siégea à son conseil national (1970-1972). Il fut aussi le co-président de la section départementale de la FNDIRP et participa à la commission départementale des ACVG.

Romain Baz, à nouveau instituteur à Gaillard, participa à la recréation de la section départementale du syndicat à la Libération, en fut le secrétaire et adhéra au Parti communiste français. Instituteur au collège d’Annemasse (1946-1947), il devint directeur de l’école d’Ambilly et conserva cette responsabilité jusqu’à sa retraite.
En 1947-1948, secrétaire de la section de Haute-Savoie de la Fédération de l’Éducation nationale, Baz se prononça pour le maintien de la FEN dans la CGT. Militant dans le mouvement du sport populaire, il participa à la création du Club sportif ouvrier, d’abord affilié à la FSGT, qui comprenait plusieurs sections, dont celle de basket qu’il animait. Membre actif de la Fédération des œuvres laïques dont il fut le vice-président jusque dans les années 1960, de la Libre-Pensée, il anima la souscription du Comité Michel Servet pour réunir les fonds destinés à l’érection d’une nouvelle statue devant l’Hôtel de Ville qui remplaçait celle en fonte, livrée aux Allemands. Éditorialiste du journal rationaliste Vigilance Laïque, il y défendait la liberté de pensée et y militait pour une union de la gauche où les chrétiens devaient avoir leur place, la religion devant rester, selon lui, une affaire privée séparée de la politique. Il lutta aussi contre les guerres coloniales et pour le désarmement mondial.

Candidat du PCF aux élections législatives, le 4 mars 1973, dans la troisième circonscription (Annemasse-Bonneville), Baz obtint 10 835 voix sur 79 146 inscrits, et 21 891 voix au deuxième tour où il était candidat unique de la gauche. La presse soulignait alors la forte progression communiste mais il ne rassemblait pas toutes les voix de gauche. Le 12 mars 1978, à nouveau candidat, il obtint 11 503 voix sur 75 312 suffrages exprimés et se désista au deuxième tour pour le candidat socialiste Henri Briffod. Il avait représenté le PCF lors des élections pour le conseil général en 1958 dans le canton d’Annemasse, obtenant 1992 puis 3 202 voix sur 15 010 inscrits. Malade, il ne fut pas candidat en 1964.

Candidat aux élections municipales d’Annemasse, en 1971, Baz, seul élu minoritaire, avec 2 255 voix, sur la liste « d’union des forces de gauche » (Parti communiste, Parti socialiste, Convention des institutions républicaines), déclara, lors de la première réunion, le 29 mars 1971, qu’il ne ferait pas « une obstruction systématique » et qu’« au contraire », il apporterait son « concours à toutes les initiatives positives ». En 1977, en tête de la « liste d’Union pour une gestion sociale, humaine et démocratique » présentée par le PCF, il obtint 1937 voix et rallia, pour le deuxième tour, la liste victorieuse d’« Union de la gauche » à direction socialiste. Élu avec 3 695 voix, il devint deuxième adjoint et figura à nouveau sur la liste « Annemasse continuité », élue au premier tour, en 1983, avec 4 546 voix. Doyen d’âge, il présida la première réunion le 15 mars 1983 et il conserva son poste de deuxième adjoint jusqu’à sa démission pour raisons de santé, le 10 avril 1984, qui fut acceptée par le Préfet, le 27 juin. Lors de la séance du 5 juillet 1984, le chef de file de l’opposition lui rendit hommage après le maire. Il resta conseiller municipal jusqu’à la fin du mandat. Il mourut peu après à la suite d’une longue maladie. Ses obsèques rassemblèrent de nombreuses personnes de toutes opinions.

Un gymnase de la ville, inauguré en 1993, porte son nom. Le maire Robert Borrel, a, à diverses occasions, évoqué l’action et la vie de Romain Baz que ses anciens élèves de Solaison désignaient sous le titre de « Monsieur le Régent ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15993, notice BAZ Romain par Jacques Girault, Justinien Raymond, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 2 mai 2022.

Par Jacques Girault, Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Dép. Haute-Savoie, 10 M 52. — Arch. mun. Annemasse (S. Maciol). — Presse locale et syndicale. — Renseignements fournis par Romain Baz. — Souvenirs personnels de Justinien Raymond. — Notes de R. Amoudruz et de L. Botella.

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