GALIEN

Par Laurent Gonon

Ouvrier imprimeur à Lyon (Rhône).

Galien et Müsch ont donné naissance le 1er janvier 1833, par acte sous-seing privé, à une « société d’assurance mutuelle contre la privation du travail ». « Divers associés commanditaires » participaient à l’initiative, il s’agissait sans doute d’une initiative collective. La société, dont la raison sociale portait les noms de ses fondateurs, était prévue pour une durée de trente années, le fonds en capital fixé à 15 francs, le siège social étant à Lyon, « des administrateurs choisis entre tous les associés » devaient signer « Pour Galien Musch et Cie », ils ne pouvaient contracter aucune dette, souscrire aucun engagement ; mais seulement percevoir les fonds de l’assurance mutuelle et les affecter aux dépenses de la société ».
L’Écho de la Fabrique, l’hebdomadaire des Canuts lyonnais me manqua pas, immédiatement sous la plume de Marius Chastaing, de souligner la portée de l’initiative.

« ACTE DE SOCIETE D’ASSURANCE MUTUELLE CONTRE LA PRIVATION DE TRAVAIL, en faveur des Ouvriers Imprimeurs, Sous la raison sociale Galien, Musch et Ce.

« Les ouvriers imprimeurs de Lyon viennent de faire faire à la cause de l’émancipation des prolétaires un pas immense par cet acte vraiment original que nous avons annoncé dans notre dernière Revue quindécimale (Voir l’Echo, n° 2). Pour échapper aux prescriptions d’une législation acerbe, toute en faveur de la classe propriétaire, ils ont demandé au code de commerce un moyen légal de sortir de leur ilotisme. L’art. 291 du code pénal est anéanti de fait ; il faut actuellement rayer de ce même code le long chapitre qui concerne les coalitions d’ouvriers. Plus ingénieux que leurs confrères, ou pour mieux dire instruits par l’expérience, les ouvriers imprimeurs se sont coalisés au nom de la loi, et ont mis sous son égide leur coalition. Cet acte de société renferme donc en lui seul le germe d’une révolution sociale. Nous devons en féliciter son auteur, M. Gruardet ; il a rendu un service signalé à la classe prolétaire. Grâces lui soient rendues. Honneur aussi à MM. Galien et Musch qui n’ont pas craint d’entrer les premiers dans cette voie d’amélioration.

« Il y a des compagnies d’assurance contre l’incendie, contre le feu du ciel, les naufrages, etc. De toutes manières, et sous toutes les formes, le contrat d’assurance est venu prêter son appui tutélaire à la propriété. Sublime découverte, institution vraiment juste et libérale qui nous appelle tous à réparer les malheurs de quelques-uns ! pensée républicaine éclose sous la monarchie : par elle la civilisation marche ; par elle seule le but de la société se trouve rempli. Mais dans le nombre des propriétés à assurer, on avait jusqu’à ce jour omis la plus sacrée, celle du travail. On avait oublié que le salaire est la propriété du prolétaire, c’est-à-dire de l’immense majorité ; lui seul avait été soustrait aux avantages, aux bienfaits de l’assurance. Cette lacune est remplie. Espérons que ce nouveau système s’étendra rapidement à toutes les professions ; alors plus de crainte pour l’ouvrier laborieux ; il travaillera lorsqu’il trouvera du travail ; mais le labeur manquant, il aura recours à l’assurance devenue, moyennant une légère prime, sa débitrice. Combien cela est préférable à tout ce que nous avons vu jusqu’à ce jour sous les noms de société de bienfaisance, caisses de prêts, etc. Le salaire sera maintenu au taux convenable pour que l’ouvrier vive en travaillant, et dès lors plus de concurrence ruineuse entre les maîtres, partant, plus d’émeutes ni de coalitions. Maîtres et ouvriers doivent s’en applaudir.

« Ouvriers imprimeurs, vous avez donné à tous les prolétaires un bel exemple ; il sera suivi n’en doutons pas ; encore quelques jours, et les assurances mutuelles de travail seront entrées dans nos mœurs. »
Hélas, l’initiative n’a pas laissé d’autres traces, l’insurrection de 1834 et la répression devaient la faire disparaître avec ses protagonistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159937, notice GALIEN par Laurent Gonon, version mise en ligne le 16 juin 2014, dernière modification le 16 juin 2014.

Par Laurent Gonon

SOURCES : Archives départementales du Rhône, 6UP1/2995. — L’Écho de la Fabrique, n° 4 du 27 janvier 1833, http://collections.bm-lyon.fr/presseXIX

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