COULIBALY Lazare Djadjiri

Par Alexis Roy

Né le 21 janvier 1908 à Ségou, alors dans le Soudan Français, mort le 27 janvier 1977 à Bamako, Mali. Maçon ; Secrétaire général du syndicat des ouvriers du bâtiment, secrétaire permanent de l’Union Régionale des Syndicats du Soudan-Confédération Générale du Travail (URSS-CGT), puis trésorier de l’Union Syndicale Panafricaine de mai 1961 à 1970, et secrétaire général adjoint de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali de 1963 à 1968.

Lazare Djadjiri Coulibaly est né le 21 janvier 1908 à Ségou, dans le Soudan français. Il est le fils d’une « personnalité de haut rang attachée à la cour du roi Mademba Sy, roi de Sansanding » (Soulama, 1997 :22). Il avait été baptisé « Mamadou » à la naissance, mais son père accepta sa conversion au catholicisme après qu’il ait été sauvé de la grippe espagnole par une sœur de la mission religieuse des Pères blancs, alors qu’il était considéré comme mourant. Il est ainsi rebaptisé « Lazare ». D’après sa fille Jacqueline Ki-Zerbo [1] , Lazare Coulibaly répétait souvent que « sa foi chrétienne était la racine pivotante de son militantisme » (Ki-Zerbo, 1997 : 11).

Lazare a été scolarisé à l’école de la mission de Ségou à la rentrée 1917. Il exerce ensuite différents métiers dans sa jeunesse : il fut notamment chef de train sur la ligne Ségou-Bani, employé sur un bateau à vapeur assurant des liaisons sur le fleuve Niger, puis infirmier dans une plantation de Sisal. En 1927, il part sur le chantier de construction du port de Dabou, en Côte d’Ivoire. Il y sympathise avec un Français, M. Bolzère, qui l’invite à séjourner chez lui en Bretagne. De retour au Soudan Français il devient brièvement moniteur d’enseignement à la mission catholique de Kati, puis retourne à Ségou ou il devient forgeron à la mission catholique, puis exerce comme maçon au camp militaire de la ville au début de la seconde guerre mondiale (Coulibay, 1997:16-19).

Il a été auditeur du Groupe d’Études Communistes de Bamako (Kipré, 1989 : 103), au sein duquel les militants Jacques Fayette et Pierre Morlet, membres de la Confédération Générale du Travail (CGT), sont très actifs et encouragent à la création de syndicat. Il y côtoie de nombreux futurs cadres politiques et syndicaux du Soudan puis du Mali.

Lazare Coulibaly devient secrétaire général du Syndicat des ouvriers du Bâtiment [2] , rattaché à l’Union Régionale des Syndicats du Soudan-CGT (créée en mars 1946), dont il est le secrétaire permanent [3] Il est très actif dans le combat pour l’adoption du code du travail en 1952. En août 1953, après une grève lancée pour contester le nouveau montant du salaire minimum dans le cadre du passage de la semaine de 48h à 40h, il est brièvement emprisonné en même temps que Mamadou Sidibé, du Syndicat autonome des cheminots. Ironie du sort, la prison centrale de Bamako est alors voisine de la Maison des syndicats. La concession de Lazare Coulibaly, située dans le quartier de Badialan, est perquisitionnée par la gendarmerie, à la recherche de « documents subversifs communistes » (Ki-Zerbo, 1997 :12). L’administration lui reproche notamment les propos mensongers qu’il aurait tenu sur la grève (Bureau régional d’études et de documentation économiques, 1985, note 32 p. 61). Lors d’un meeting commun de l’URSS-CGT, CGT-FO et de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens tenu à Bamako le 5 juillet 1953, Lazare Coulibaly avait déclaré : « Le blanc travaille peu et ne se contente que de signer (des papiers), et plus il gagne ; plus le noir casse des pierres moins il gagne » (cité par le Bureau régional d’études et de documentation économiques, 1985 p. 15).

L’engagement syndical et politique allait souvent de pair au sein de la première génération de militant qui a émergé après la seconde guerre mondiale, et Lazare Coulibaly est également un militant de l’Union Soudanaise-Rassemblement Démocratique Africain (US-RDA) depuis sa création en 1946. Lors du référendum de 1958 portant sur l’adoption de la constitution de la Ve République et la création de la communauté française, il se range du côté des syndicalistes qui appellent à voter « non », contrairement à l’US-RDA. La situation de Lazare incarne bien l’ambiguïté des relations qui liaient pouvoir et syndicats après l’indépendance. Il multiplie alors les responsabilités : trésorier général de l’Union Syndicale Panafricaine (USPA), créée en mai 1961, dirigeant de l’Office National de la Main-d’œuvre, et également en charge de la Société d’Exploitation des Briqueteries du Mali, entreprise d’État. En septembre 1962, à la suite du VIe congrès de l’US-RDA il intègre son Bureau Politique National en tant que Commissaire aux questions syndicales. Selon le règlement intérieur du parti : « il assure la liaison entre les syndicats et la direction du parti. Il tient le Bureau Politique National informé de toutes les activités syndicales afin de d’apporter des solutions aux problèmes posés par les syndicats. » (cité par Frantao, 1987 : 219). En 1963, il devient le secrétaire général adjoint de la nouvelle Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), centrale syndicale unique du pays jusqu’en 1991. Tout en conservant l’aura du fervent syndicaliste qui a lutté contre le colonialisme, il symbolise dans ces années 1960 le rapprochement -pour certains, la mise sous tutelle- entre les syndicats et l’US-RDA.

En 1967, dans le cadre de la « révolution active », le bureau politique de l’US-RDA et l’Assemblée Nationale sont dissout, laissant place à un Comité National de Défense de la Révolution resserré autour de membres incarnant la ligne dure du régime. Lazare Coulibaly est alors écarté au profit de syndicalistes plus en lien avec cette évolution, Mamadou Famady Sissoko, secrétaire général de l’UNTM, et Nama Keïta, son secrétaire administratif [4] . Le coup d’État de novembre 1968 ouvre une période trouble pour le syndicalisme au Mali. Les instances dirigeantes de l’Union sont dissoutes, et un Comité Consultatif Provisoire est créé à l’initiative de la junte militaire en 1969. En septembre/octobre 1970 un congrès de refonte de l’UNTM a lieu. Lazare Coulibaly y adresse, en tant que représentant de l’USPA, un message aux syndicalistes maliens tout comme aux militaires : « … l’unité ouvrière est aussi indispensable que l’indépendance des syndicats. C’est en tant que force agissante une et indivisible que les travailleurs peuvent remplir leur mission d’avant-garde (…). C’est le principe de l’indépendance des syndicats et de la non-immixtion dans les affaires syndicales qui constitue la condition essentielle et la garantie la plus sûre de l’unité des travailleurs » (cité par Sidibé, 2012 :119). Lazare conserve ses responsabilités au sein de l’USPA jusqu’en 1970, puis prend sa retraite en 1972. Il décède en janvier 1977 à
Bamako.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article160388, notice COULIBALY Lazare Djadjiri par Alexis Roy, version mise en ligne le 27 juin 2014, dernière modification le 15 janvier 2019.

Par Alexis Roy

SOURCES : Barakela (Organe officiel de l’URSS-CGT), 1954 : Le Ve congrès de l’Union Régionale des Syndicats du Soudan, Barakela n° 133.
Bureau régional d’études et de documentation économiques, 1985 : Le syndicalisme au Mali, étude de cas, Syndicalisme et développement, Numéro spécial, décembre 1985, Lomé, 68 p. ;
Campmas, P., 1978 : L’Union Soudanaise : section du Rassemblement Démocratique Africain (1946-1968), thèse sous la dir. de Yacono, X., Université de Toulouse le Mirail, 634 p. ;Coulibaly, A., 1997 : « Lazare Coulibaly, l’homme aux mille métiers », témoignage d’Armel Coulibaly recueillie par R.P. Dongnin, dans Lazare Djadjiri Coulibaly, ouvrier et militant progressiste, éditeur non précisé, Bamako pp. 16-20 ;Frantao, N. A., 1987 : Le mouvement syndical au Mali, thèse soutenue à l’université Toulouse Mirail, dir. Raymond Ledrut, 704 p. ; Kipré, P., 1989 : Le congrès de Bamako, ou la naissance du RDA, Afrique Contemporaine, Chaka édition, Paris, 190 p. ; Ki-Zerbo, J., 1997 : « Mon père, ce héros », dans Lazare Djadjiri Coulibaly, ouvrier et militant progressiste, éditeur non précisé, Bamako, pp. 6-13. ; Sidibé, H., 2012 : Histoires politiques du syndicalisme malien, L’Harmattan, Tropique éditions, Paris, 274 p. ;Soulama, J., 1997 : « Lazare face à la répression coloniale », dans Lazare Djadjiri Coulibaly, ouvrier et militant progressiste, éditeur non précisé, Bamako, pp. 21-24.

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