BEAUVÉ Charles

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 10 septembre 1919 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 29 mai 2000 à Schiltigheim (Bas-Rhin) ; cheminot à Bischheim (Bas-Rhin) ; syndicaliste CGT ; communiste ; secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Bischheim, secrétaire général (1955-1967) de l’Union des syndicats CGT de cheminots d’Alsace et de Lorraine, secrétaire de l’Union locale CGT de Schiltigheim et environs créée en 1968 ; membre du bureau de la fédération PCF du Bas-Rhin de 1954 à 1962, puis membre du comité fédéral.

Charles Beauvé naquit dans une famille de militants formés aux luttes par le mouvement ouvrier allemand : son père, Charles Beauvé, était cheminot et syndiqué à la CGT ; sa mère, Élise Rosenzweig, Allemande née à Ludwigsburg (Wurtembreg), était femme de ménage. La famille forma une dynastie de cheminots : son frère René Beauvé* suivit la même voie professionnelle et militante ; marié avec Marguerite Schaerer, née le 27 juillet 1921 à Hoenheim (Bas-Rhin), leurs enfants entrèrent aussi à la SNCF, l’un comme ingénieur, l’autre comme technicienne.

Charles Beauvé fit ses études primaires à Schiltigheim, passa le certificat d’études et devint apprenti-mécanicien. Il trouva un emploi en 1936, aux usines d’automobiles Mathis dans le quartier strasbourgeois de la Meinau. Incorporé en 1939 dans les Chasseurs alpins, il rejoignit Grenoble (Isère). Après la démobilisation, il rentra en Alsace annexée, où sa famille (sa mère et son frère, car le père était mort) était revenue après avoir été évacuée en Haute-Vienne. En 1940 il entra aux ateliers de chemin de fer allemands de la Reichsbahn, à Bischheim. En 1943, il fut incorporé de force dans la marine allemande, envoyé devant Mourmansk et mis au travail dans les mines de cadmium-nickel. Il fut fait prisonnier par les Anglais en Norvège.

Charles Beauvé entra à la SNCF en 1945, aux ateliers de Bischheim, bastion du militantisme syndical CGT. Il adhéra au Parti communiste en 1946, et devint secrétaire de la puissante section de Hoenheim, (commune ouvrière où se concentrent des cités SNCF, dans la périphérie de Strasbourg, près des Ateliers SNCF de Bischheim) en 1956-1957. En 1953, il devint secrétaire du puissant syndicat de Bischheim et secrétaire adjoint de l’Union des syndicats de cheminots CGT d’Alsace et de Lorraine. Il conduisit les grandes grèves de cette époque contre le projet Laniel de réforme des statuts du personnel et de modification de l’âge de la retraite. Les sections syndicales de cheminots alsaciens étaient alors encore très influencées par les pratiques syndicales allemandes héritées de la génération précédente et beaucoup moins enclines à l’anarcho-syndicalisme qui imprégnait le militantisme cheminot français. L’organisation y était plus stricte. Mais les tendances social- démocrates existaient aussi ainsi qu’un vif sentiment d’alsacianité. Charles Beauvé fut chargé de s’y opposer. L’année suivante, en juin 1955, il remplaça Émile Schmitt (voir le Dictionnaire des cheminots, p. 376-377) au secrétariat général de l’Union d’Alsace et de Lorraine ; il assura cette fonction jusqu’en 1967.

La même année, en 1954, il avait suivi l’école centrale d’un mois du PCF à Viroflay (Seine-et-Oise) et était entré au bureau fédéral du Bas-Rhin où il resta jusqu’en 1962. Il fut ensuite membre du comité fédéral de 1962 à 1964. La position de force des cheminots dans la fédération du Bas-Rhin se traduisait par des affrontements internes sur les rôles respectifs du syndicat et du parti. La fédération s’opposa aussi à la création d’une section de cheminots, rejetant toute structure professionnelle à ce niveau. Sous la direction de Beauvé, les cheminots se mobilisèrent contre la guerre d’Algérie puis pour la paix au Viet-Nam.

Les grèves de mai 1968 démarrèrent à Bischheim aux ateliers et à l’entretien. Il fallut une bonne semaine pour faire « sortir » les camarades dans les autres villes du département, mais au bout de dix jours le taux de grève était de 90 %. Charles Beauvé participa à la coordination des grèves dans les entreprises de Strasbourg, en se rendant tous les matins sur le terrain pour faire le point sur la situation, en alsacien. Les travailleurs votaient la grève, rentraient chez eux. Il y avait ensuite la réunion quotidienne CGT SNCF-Poste au restaurant Le Tigre ; puis c’était l’heure de « s’amuser avec les étudiants ». Les ouvriers furent d’abord hostiles aux étudiants, qu’ils traitaient de bourgeois enragés. Charles Beauvé participa aux rencontres avec les étudiants gauchistes mais les cheminots, très soucieux de l’entretien des machines, s’opposèrent à toute participation des étudiants à l’occupation des locaux. Ils considéraient que les luttes étaient revendicatives et non révolutionnaires.

Les difficultés d’organisation des luttes rencontrées en mai 1968 le poussèrent à mettre sur pied les unions syndicales locales, où se font plus facilement les rencontres et la coordination, mais qui n’appartenaient pas à la tradition syndicale alsacienne. Charles Beauvé devint secrétaire de l’Union locale de Schiltigheim-Bischheim créée pendant les événements de mai. Il devint membre de la CE de l’Union départementale CGT du Bas-Rhin.

Charles Beauvé prit sa retraite à cinquante-six ans, en 1975 et devint responsable de la section des cheminots retraités du Bas-Rhin et membre fondateur, en 1991, de l’Union syndicale des retraités CGT du Bas-Rhin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16049, notice BEAUVÉ Charles par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 décembre 2016.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : Entretien du 23 mars 1998 avec Charles Beauvé. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 544 D10, 544 D 41. — Arch. comité national PCF.

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