BRUNEBARBE Jules, Lucien

Par Georges Ribeill

Né le 14 septembre 1918 à Sigale (Alpes-Maritimes) ; employé puis chef de groupe ; cofondateur de la CFTC maintenue ; fondateur et premier secrétaire général de la Fédération CFTC des cheminots (1964-1970).

Jules Brunebarbe était le fils d’un magasinier de chantier des usines à Anzin (Nord) ; sa mère avait été bonne à Paris (XVIe arr.) avant son mariage. Reçu au certificat d’études en 1930 avec la mention Très bien, Jules Brunebarbe fut admis comme boursier à l’école primaire supérieure de Valenciennes, mais dut abandonner les études en avril 1932 sur décision de son père, divorcé d’avec sa mère repartie dans sa famille à Nice. C’est ainsi qu’il fut embauché à quatorze ans à la Société des Jardins ouvriers de France à Valenciennes. Il était devenu aide-comptable lorsque, âgé de dix-huit ans, il fut reçu au concours d’expéditionnaire de la Compagnie du Nord le 2 janvier 1937 et affecté au service du Matériel au dépôt du Bourget. Appelé au service militaire le 1er septembre 1938, affecté au 37e RIE à Bitche (Moselle), il se retrouva avec son régiment replié à Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin), avant d’être fait prisonnier le 21 juin 1940 au Mont-Donon (Vosges) avec tout son corps d’armée. Libéré en tant que cheminot le 31 juillet suivant, il réintégra la SNCF et fut affecté au district VB de Méru (Oise), après un intermède au Bourget.
Très influencé avant guerre par Sulpice Dewez qui s’opposa au Pacte germano-soviétique, en contact après la guerre avec l’Action catholique ouvrière, il se maria le 13 mai 1944 à Flines-les-Mortagne (Pas-de-Calais) avec Maria Leveau, qui travaillait à la ferme familiale.
C’est son épouse, très croyante, qui l’entraîna vers le syndicalisme chrétien. Muté au Bourget (district de la Grande Ceinture), il y fonda en janvier 1945 le syndicat CFTC (tous services) et, sympathisant du MRP, fit appel à Francisque Gay pour venir parrainer le nouveau syndicat. Volontaire pour aller en Allemagne, il rejoignit en janvier 1946 à Tübingen le détachement d’occupation des chemins de fer (DOCF) qui contrôlait la zone d’occupation française, où il fut nommé employé de 1re classe.
De retour en France le 1er juillet 1948, il adhéra au Rassemblement du peuple français (RPF), et fit partie d’un groupe de travail sur la participation ; nommé employé principal, il fut affecté au district Bâtiments du Bourget, puis à la Section du Bourget-Grande Ceinture, assurant à nouveau le secrétariat du syndicat du Bourget. Élu délégué du personnel au 1er arrondissement VB de la région Nord, il entra au bureau de l’Union Nord de la CFTC comme trésorier.
Bien qu’élu conseiller municipal d’opposition à Drancy en 1953, il fit campagne publique avec le maire communiste Maurice Nilès contre la Communauté européenne de défense (CED). En 1958, il reçut l’investiture de l’UNR pour représenter ce parti dans la circonscription de Drancy-Le Bourget-Bobigny, avant de se désister sur sa demande en faveur du colonel Lécrivain-Servoz, Compagnon de la Libération.
Reçu à l’examen de chef de groupe en 1956, il fut nommé aux ateliers de la Voie de Moulin-Neuf (commune de Chambly, Oise) le 1er juillet 1958. Élu délégué du personnel dans le collège de la maîtrise et membre du comité mixte professionnel régional, il rejoignit l’Union CFTC des cadres du Nord, dont il fut le secrétaire adjoint jusqu’à la scission. En 1959, il fut muté au 1er arrondissement VB du Nord.
Attentif au courant Reconstruction à ses débuts, c’est à la vue de l’engagement à gauche de l’Action catholique ouvrière (ACO) défendu par le père Calvez, puis de la naissance du Parti socialiste unifié (PSU), qu’il renonça à y adhérer. Voulant rester sur le terrain apolitique, en dehors des querelles idéologiques et politiques, il s’engagea dans le courant opposé Rénovation. C’est à Paris-Nord, en 1958, qu’il sentit le clivage s’aggraver entre les deux courants. Au congrès fédéral de 1962, il réussit à faire voter avec l’Union Alsace-Lorraine une motion opposée à l’évolution socialisante majoritaire de la CFTC. Au sein de la commission qui éditait le Bulletin du militant, il s’opposa au secrétaire général Paul Butet sur la question du Marché commun, ou encore sur celle de la participation promue par les gaullistes et que soutenait avant-guerre une fraction de la CFTC, en accord avec la doctrine de l’Église.
Prenant position contre la laïcisation de la CFTC au congrès extraordinaire de 1964, Brunebarbe fut nommé membre du conseil confédéral provisoire de la CFTC au lendemain de la réunion des « minoritaires » tenue salle Les Cases à Paris, le 7 novembre 1964. Après un débat contradictoire avec Eugène Descamps*, il entraîna les cadres de Paris-Nord à maintenir leur adhésion à la CFTC. Il fut nommé secrétaire général de la Fédération CFTC des cheminots reconstituée mais non encore reconnue, responsabilité exercée jusqu’au congrès fédéral de novembre 1970 (Dijon) où devenu vice-président, il céda la place à Roland Quinto. Perdant ses mandats de représentant du personnel après la scission, il obtint un dégagement à mi-temps. Nommé sous-chef de bureau le 1er septembre 1967, il fut affecté à mi-temps à nouveau aux ateliers de Moulin-Neuf, avant d’être responsable fédéral permanent à temps plein à dater de mars 1968.
Homme de convictions, Jules Brunebarbe cumula les activités. Il fut, de 1969 à 1975, membre du Haut Comité d’études contre l’alcoolisme que présidait le professeur Robert Debré. Il participa à la mission Sudreau (Comité d’étude pour la réforme de l’entreprise), dans le second groupe de travail présidé par Olivier Giscard d’Estaing, et milita aux côtés de Marcel Loichot pour son projet de pan-capitalisme, système de participation qui avait l’aval du président De Gaulle et que soutenaient les ministres Philippe Dechartre et Joseph Fontanet. À la SNCF, au cours de la table ronde de janvier 1968, avec Maurice Roy, il proposa aux dirigeants la création d’équipes autonomes au sein de la SNCF. Encouragé par un « pourquoi pas ? » du directeur général Roger Guibert, malgré les réticences des responsables de la direction du personnel Beynet et Rémy, il sollicita en vain divers chefs de service, notamment Legrand à l’Équipement puis Perche à l’Informatique.
Durant les événements de Mai 68, durant lesquels la CFTC eut une attitude de neutralité (avec interdiction confédérale de participer aux piquets de grève), c’est avec Roland Quinto qu’il participa aux négociations ultimes du quai de Passy avec le ministre des Transports. Face aux autres organisations syndicales, il se battit pour que sa Fédération puisse bénéficier des nouvelles dispositions concernant l’application du droit syndical en matière de détermination du nombre de détachés permanents.
Il fut désigné en 1971 par le président de la CFTC, J. Tessier*, comme membre permanent du Comité Hyacinthe Dubreuil qui cherchait à promouvoir une organisation du travail fondée sur les équipes autonomes d’ateliers, organisme dont il devint le trésorier jusqu’à sa dissolution en 1998 (?).
Élu en 1974 secrétaire général de l’Union générale des ingénieurs et cadres de la CFTC (UGICA) qui venait d’être fondée, il assura cette fonction jusqu’en 1980.
Nommé inspecteur de 2e classe (échelle 16) en janvier 1976, il partit à la retraite le 1er juillet 1976 et se retira à Flines-les-Mortagne. En 1987, Jules Brunebarbe avait été nommé chevalier de l’Ordre national du Mérite au titre syndical par Philippe Séguin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article1605, notice BRUNEBARBE Jules, Lucien par Georges Ribeill, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 13 janvier 2012.

Par Georges Ribeill

SOURCES : Arch. CFTC des cheminots. — Interview (septembre 1987) et correspondance (décembre 1997, décembre 2002) avec l’intéressé.

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