Par Gaston Prache, Jacques Girault, Julien Fuchs
Né le 6 juin 1902 à Saint-Floris (Pas-de-Calais), mort le 21 août 1988 à Avesnelles (Nord) ; professeur, puis inspecteur général de l’Éducation nationale ; socialiste du Nord, syndicaliste, coopérateur ; chef de cabinet de Léo Lagrange.
Fils d’un employé, Étienne Bécart poursuivit ses études secondaires (collèges d’Armentières et de Boulogne-sur-mer) et supérieures à la Faculté des Sciences de Lille (licence de mathématiques en 1924), tout en exerçant les fonctions de maître d’internat à Douai en 1921 puis de répétiteur à Tourcoing. Il effectua son service militaire (1925-1926) dans une compagnie de météorologie à Saint-Cyr. Délégué pour l’enseignement des mathématiques au collège du Cateau, il fut nommé au collège d’Avesnes-sur-Helpe (Nord) en octobre 1927.
Il se maria à Mons-en-Baroeul (Nord) le 6 août 1927 avec Viviane, Hélène, Germaine Wybaillie, institutrice à l’école maternelle d’Avesnelles et vint habiter cette commune.
Syndicaliste depuis 1922, adhérent du Parti socialiste la même année, il eut pour parrains Jean Guéhenno et Louis L’Hévéder et fut pendant plusieurs années secrétaire de la section du Parti SFIO d’Avesnes (environ deux cents adhérents).
Adhérent en 1929 au comité national des loisirs, créé par la Fédération nationale des coopératives de consommation (Coop), il s’engage surtout, au sein de la section locale d’Avesnelles dans des actions vers les jeunes et les domaines culturel et sportif. Ami fidèle et soutien inconditionnel de Léo Lagrange, dont il est selon Madeleine Léo-Lagrange le « frère socialiste » , il en devient son premier collaborateur lorsque celui-ci devient député d’Avesnes en mai 1932.
Propagandiste actif, Étienne Bécart rejoignit, en 1934, le groupe socialiste de « Révolution constructive », créé en 1932 par Georges Lefranc, par sa femme et par Maurice Deixonne. Il redoubla bientôt ses activités socialistes avec la candidature du jeune avocat socialiste Léo Lagrange au siège de député d’Avesnes. Le 8 mai 1932, le jour même du succès de Lagrange, Bécart devint son collaborateur assidu, chef de son secrétariat de 1936 à 1938 lorsque le député socialiste fut nommé sous-secrétaire d’État à l’organisation des loisirs et des sports dans le gouvernement de Front populaire de Léon Blum. Grâce à des centaines de réunions et de meetings, à de nombreux articles, puissamment secondé par sa femme Viviane, Étienne Bécart fut vraiment le maître d’œuvre de toutes les réalisations dans le domaine des loisirs et des sports, qui virent alors le jour. En 1937, il avait été élu au conseil général du Nord dans le canton de Solre-le-Château.
Bécart, détaché à partir du 15 juin 1936, reprit ses fonctions de professeur de mathématiques au collège d’Avesnes, le 19 janvier 1938. Vint la guerre, mobilisé, fait prisonnier le 25 août 1939, Bécart, jusqu’au 15 avril 1941, resta "en congé de captivité". Il reprit alors son poste. Son chef d’établissement indiquait qu’il était "dévoué aux sports" et qu’il exerçait en plus les fonctions de maître d’éducation physique et sportive. En relations avec les socialistes qui reconstituaient le parti dans la région, résistant, arrêté le 17 juin 1944, il fut déporté à Buchenwald en août 1944. Il s’évada d’un convoi d’extermination en avril 1945 et rentra en France en mai 1945. Il avait été désigné président de la délégation municipale d’Avesnelles, le 29 octobre 1944.
Léo Lagrange était mortellement tombé sur le front de l’Aisne le 9 juin 1940. Andrée Viénot, sous-secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports dans le ministère Léon Blum, constitué en décembre 1945, appela Bécart à la direction de son cabinet. Il devint inspecteur-adjoint d’éducation physique et sportive dans le Nord à partir d’octobre 1945. Il fut notamment chargé à partir de 1946 de l’inspection des colonies de vacances. En août 1946, chargé de la direction des mouvements de Jeunesse et d’éducation populaire, inspecteur principal d’éducation physique et sportive, en janvier 1947, il devint directeur de la culture populaire et des mouvements de jeunesse. Deux ans plus tard, adjoint au directeur général de la jeunesse, il fut réintégré dans les cadres de l’inspection de la Jeunesse et des Sports comme inspecteur des colonies de vacances.
Bécart retrouva son siège de conseiller général à la Libération et ne fut pas réélu en 1949 à la suite du maintien au second tour du candidat communiste. Syndicalement, en 1947-1948, il soutint les Amis de Force ouvrière.
Le 17 juillet 1945, Bécart avait été nommé, au titre des prisonniers et déportés, membre de l’Assemblée consultative provisoire où il représentait le Parti socialiste. Il fut candidat aux élections pour les deux assemblées consultatives sur les listes socialistes SFIO (sixième position) en 1945 et 1946. Il fut par la suite candidat à diverses élections. Après le congrès d’Epinay, il contribua à implanter le nouveau Parti socialiste dans sa région. Dans les votes d’orientation, il soutenait les analyses défendues par François Mitterrand.
Étienne Bécart participa également au mouvement coopérateur : en 1929, il adhéra au comité national des loisirs que la FNCC avait créé sous l’impulsion d’Albert Thomas. Deux ans plus tard, il prenait place, un des tout premiers, dans les rangs coopératifs avesnois de l’UDC d’Escaut et Sambre. Dès lors, il y milita sans relâche, secondant l’action de ses camarades du Cambrésis, Edmond Bricout, Nestor Buiron, Gaston Prache, présidant la section locale d’Avesnelles dès 1934 et jusqu’en 1940, participant à de multiples créations de comités coopératifs locaux dans la région d’Avesnes, portant surtout ses efforts vers les jeunes, dans les domaines culturel et sportif.
Signataire du manifeste coopératif de 1945, il fut un des premiers membres fondateurs de l’Association des amis de la coopération créée par Bernard Lavergne, Georges Fauquet, Georges Boully, Jean Gaumont et Gaston Prache.
Nommé inspecteur auxiliaire de l’Éducation nationale en novembre 1945, Étienne Bécart fut détaché auprès de la Direction générale de l’Éducation physique et des Sports. Andrée Viénot fit appel à lui à la direction de son cabinet et le nomma Directeur des Mouvements de jeunesse et d’Éducation populaire en octobre 1946, poste où il succéda à Albert Châtelet. Il bénéficia, comme Gaston Roux, du « capital symbolique constitué autour du nom de Léo Lagrange, en tant que marque politique » (Olivier Le Noe, "Socio-histoire des politiques sportives (1940-1975)") . C’est sous son impulsion en particulier qu’en janvier 1947, les colonies de vacances furent transférées du Ministère de la Santé publique et de la Population vers le Ministère de l’Éducation nationale : Bécart fut convaincu que leur aspect éducatif englobait leur dimension sanitaire. Ce n’est donc pas un hasard s’il devint, le 1er janvier 1949, inspecteur général des colonies de vacances, poste qu’il occupa jusqu’en 1967.
Cette nomination fut toutefois loin d’être consensuelle, tant la structuration de l’administration de la Jeunesse et des Sports fut discutée au niveau politique. René Lamps, député communiste de la Somme, ou encore Charles Viatte, député MRP du Jura, par exemple, se montrèrent critiques vis-à-vis de l’inspection générale, de son rôle et de sa structure, lui reprochant d’être un « état-major à l’effectif déjà pléthorique ». À ces critiques acerbes, Rachel Lempereur, députée socialiste du Nord et très active à l’Assemblée sur les questions liées plus ou moins directement à l’enseignement, notamment primaire, intransigeante sur les questions de laïcité, de même que Marcel David, rapporteur d’une commission sur le budget de l’Éducation physique et des Sports, et André Morice, répondirent par l’absolue nécessité de positionner à la tête des colonies un inspecteur général dédié, « ayant une connaissance très approfondie de ce domaine », et qui ne signifie en rien « une étatisation des colonies de vacances » (JO, 1er avril 1949).
Militant inconditionnel des colonies, membre des CEMÉA et très proche de la Ligue de l’enseignement (Jean-Paul Marton, op. cit, p. 297) , à l’origine de la majorité des publications, rapports et commissions dédiées aux colonies au sein de la DGJS, et bien que perçu comme un "laïcard" de la première heure, Bécart était apprécié dans le milieu. Figure de référence pour les grands organismes, tout en n’étant, loin s’en faut, pas toujours consensuel, ceux-ci traitent directement avec lui et l’invitaient dans leurs rassemblements. C’est également lui qui négocia l’acquisition par l’État, en 1946, du domaine du Val Flory de Marly-le-Roi, en vue d’y établir un Centre national d’éducation populaire, devenu Institut national d’éducation populaire en 1953 puis Institut national de la jeunesse en 1987 et enfin Institut national de jeunesse et d’éducation populaire en 1990 , établissement destiné à rentrer définitivement dans la mémoire et le patrimoine de l’éducation populaire en France .
Après son décès, son nom fut donné à une salle de l’Institut national de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire à Marly-le-Roi (Yvelines).
Par Gaston Prache, Jacques Girault, Julien Fuchs
ŒUVRE : Rapports au secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports. — Organisation et fonctionnement des colonies de vacances (Sudel 1955). — Nombreux articles dans la presse socialiste et dans les publications du secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports.
SOURCES : Arch. Nat., F17/27172. — Arch. Dép. Nord, M 154/279. Fonds d’archives J. Gaumont-G. Prache. — Cambrésis, terre coopérative de G. Prache, PUF, 1963. — L’Office central de la coopération à l’école de 1928 à 1948 d’André Gourdon, OCCE, 1973. — Bulletin n° 3 de l’Association des amis de la coopération, 1949 (avec photographie). — Notes d’A. Caudron et de J. Girault. — Renseignements fournis à J. Girault par le fils de l’intéressé, la mairie de Saint-Floris et par Monsieur J. Philippart, président de l’Office de tourisme d’Avesnes-sur-Helpe. — Daniel Mayer, Les Socialistes dans la Résistance, op. cit. — DMEP, op. cit., notice par Geneviève Poujol. — Biographie reprise dans Les coopérateurs. Deux siècles de pratiques coopératives, collection Jean Maitron, Éditions de l’Atelier, 2005, pp. 226-227 (Michel Dreyfus, Patricia Toucas). — Jean-Claude Richez, "L’INJEP et l’éducation populaire, dans toutes leurs histoire", Voie sociale, n°4, 2009, p. 19-45. — Madeleine Leo-Lagrange, Le présent indéfini. Mémoires d’une vie, Orléans, Corsaire éditions, p. 210.