Par Jean Limonet
Née le 8 novembre 1928 à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône) ; institutrice puis professeur ; fondatrice puis secrétaire du syndicat de l’enseignement privé CFTC puis CFDT d’Arles (1958), membre du conseil de l’UL d’Arles, du conseil de l’UD des Bouches-du-Rhône (1960-1964) ; animatrice rurale au Brésil (1964-1969) ; secrétaire confédérale CFDT (1983-1986), membre de la commission française Justice et paix.
La famille paternelle de Paulette Ripert était issue d’une lignée d’huissiers de justice à Tarascon, (Bouches-du-Rhône) ; son père Louis Gustave Joseph, né le 20 août 1904, fut embauché, dès l’âge de dix-huit ans, comme employé de banque à la Société marseillaise de crédit à Nîmes, puis fut nommé à Arles en 1936. Lors de la fondation du Crédit Agricole d’Arles en 1943, la nouvelle banque l’embaucha comme caissier grâce à ses compétences professionnelles. La famille maternelle de Paulette Ripert était issue d’une lignée de paysans ruraux, originaire de Neyzac par Saint-Julien Chapteuil (Haute-Loire), où sa mère, Jeanne Marie Marcon était née le 21 janvier 1904. À partir de 1920, cette dernière travailla en famille à Tarascon, faisant des travaux de couture, de broderie et de la dentelle, lisant beaucoup, assistant aux représentations théâtrales et faisant partie de la chorale fondée par son futur beau-père. Les parents de Paulette Ripert étaient catholiques pratiquants et libéraux.
Aînée d’une fratrie de trois enfants, Paulette Ripert (Antoine né en 1929 et Françoise née en 1944) fréquenta (1934-1936) l’école primaire laïque de filles à Saint-Rémy de Provence puis poursuivit ses études au pensionnat Saint-Charles à Arles qu’elle dut arrêter sur ordre médical. Elle obtint le CEP en juin 1939, puis le brevet élémentaire qui lui donnait la possibilité d’enseigner dans les écoles libres. Elle poursuivit ses études par correspondance : comptabilité (1944-1945), préparation du bac à l’institut catholique (1945-1946) qu’elle n’obtint pas alors qu’elle souhaitât être avocate.
Elle commença son parcours professionnel dans l’enseignement. Tout d’abord au pensionnat Saint-Charles d’Arles en octobre 1945 dans une classe préparatoire au CEP, en 1946 dans une classe de 5e, et en 1947 jusqu’à juin 1952, elle enseigna l’histoire et la géographie dans toutes les classes jusqu’en première. Après la mort de sa mère, elle prit un congé (octobre 1934-juin 1936) pour s’occuper de sa famille composée de son père, de sa sœur de huit ans et de ses grands parents. Elle reprit son métier (1953-1959) à l’école technique Jeanne d’Arc à Arles, comme professeur de français et de mathématiques dans la section comptabilité. À la suite d’une fausse déclaration au moment de la loi d’intégration dans l’Éducation nationale, l’obligeant à enseigner dans le primaire, elle décida de changer de métier. Elle trouva un emploi d’employée de bureau aux Associations territoriales d’Arles pour l’irrigation de la Crau et l’assainissement de la Camargue (1960-1964).
À la suite d’une rencontre avec un directeur d’école libre, elle avait constitué en 1958 un syndicat de l’enseignement libre à Arles. Très rapidement, le syndicat s’était implanté dans trois écoles et regroupa une vingtaine d’adhérents. Dès l’institution du syndicat, Paulette Ripert fut invitée à participer aux travaux de l’Union locale, puis aux formations organisées par l’UD des Bouches-du-Rhône, dirigée par Achille Galli, où elle rencontra de nombreux responsables dont Maurice Ménabréaz, Jean Michel, Georges Imbert, Joseph Pourtal. Grâce aux formations de l’UD, Paulette Ripert fit partie du conseil de l’UL d’Arles et du conseil de l’UD des Bouches-du-Rhône. Au sein de l’UL, Paulette Ripert avec André Datty et Simon Giovacchini, tous trois militants de l’ACO, s’engagèrent dans la démarche de faire évoluer la CFTC en CFDT. Les syndicats de cheminots rallièrent la majorité. Elle participa aux distributions de tracts, aux collages d’affiches pour les élections de la sécurité sociale et aux manifestations nombreuses contre la guerre d’Algérie ainsi qu’au 1er mai. La CGT reconnut le développement et les nouvelles implantations de la CFDT et la respecta.
Par ailleurs, Paulette Ripert participa à la création d’un petit foyer qui accueillait des filles seules dans la vie, jeunes travailleuses ouvrières dans la chemiserie, et des filles employées de maison. Elle accueillit chez elle des militants du Centre de culture ouvrière pour préparer leurs réunions et elle découvrit ainsi les aspects de sous-développement, de la faim dans le monde. Elle découvrit auprès des filles du foyer l’écart entre leur vie et la vie syndicale qu’elle pratiquait. Tout en continuant ses responsabilités à l’UL et à l’UD, elle fit le pari le syndicalisme pourrait aider les travailleurs des pays en voie de développement. Étant libre, célibataire et dotée d’une formation syndicale, elle décida de s’engager en faveur du tiers-monde. Le coup d’État au Brésil, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1964 la conforta dans sa réflexion et elle fit en sorte de se rendre au Brésil. À la suite d’un contact avec le Centre de formation et d’échanges internationaux, elle participa à un stage de « préparation au départ » et obtint l’adresse de Dom Fragoso, évêque du diocèse de Crateus dans l’état de Céaré. Après un échange de courrier, il lui proposa d’être membre d’une équipe chargée de la syndicalisation rurale. Il connaissait bien le syndicalisme français et ne voulait pas un syndicat chrétien dirigé par des prêtres, ce qui correspondait à ce que Paulette Ripert souhaitait. Elle obtint un certificat de travail comme secrétaire de l’évêque, apprit un peu le portugais et décida de partir. Ayant obtenu un visa permanent, elle prit le bateau pour Récife, capitale de l’État de Pernambouco. Le coût du voyage fut pris en charge par Mgr de Provenchères, évêque d’Aix-en Provence.
Un avocat de Récife avait fondé avant 1964 les « ligues camponèses », regroupement des paysans des campagnes pour défendre les travailleurs agricoles. Par ailleurs, un courant progressiste de l’Église brésilienne soutenait de nombreuses luttes de paysans sans terre, ce qui allait déboucher en janvier 1985 à la création du Mouvement des sans terre. Arrivée à Recife en novembre 1964 pour se perfectionner et approfondir la connaissance de la langue, Paulette Ripert logea dans un foyer accueil des jeunes des mouvements d’Action catholique (JOC, JAC, JEC, JIC) originaires de toutes les régions du Brésil ainsi que de l’étranger. Un programme fut bâti sur place : être logé au foyer accueil ; contacter à Notai dans l’état de Rio Grande do Norte ; joindre Juliet Calazans, la fondatrice du syndicat rural, dans le diocèse de Dom Eugenio Siles ; aller à Fortaléza, capitale de l’État de Céara, contacter Dolores Berges qui avait fondé la JOC dans l’état de Maranhao. Elle travaillait dans le service social du chemin de fer et était en lien avec tous les syndicats ouvriers et paysans de l’État du Céara. Au retour de chaque mission, Paulette Ripert fit des comptes rendus et fit connaître son désaccord pour travailler avec des syndicats dirigés par des avocats et des assistantes sociales.
Paulette Ripert resta néanmoins au Brésil et accompagna l’évêque lors d’une tournée dans les paroisses du diocèse de Cratéus, pour mieux connaître les gens et se faire connaître. Ce fut lors de cette tournée qu’un prête lui demanda de commencer un travail dans la commune rurale d’Ipueiras, très étendue et montagneuse. Accompagnée d’Angélina, elle parcourut tous les lieux d’habitation pour expliquer ce que pouvait être un syndicat. À la demande des habitants, elle écrivit plusieurs fascicules sur le syndicat, l’histoire du travail, l’histoire de la distribution de la terre au Brésil, la loi du loyer de la terre. Ce travail déboucha sur la création de cinq syndicats ruraux en 1969.
Ces activités n’échappèrent pas à la police militaire. Paulette Ripert, accompagnée par un vicaire général et ayant été aidé par un avocat spécialiste de la défense des militants opposés à la dictature militaire, se rendit à une convocation et fut interrogée par le chef de cette police à Fortaléza. Elle serait menacée si elle n’arrêtait pas ses activités. Avertis et informés, les syndicalistes lui demandèrent de continuer. Ce fut un réel témoignage d’engagement de leur part. Elle-même risquait l’expulsion, eux la mort. Dans les activités d’implantation syndicale, elle fonda des liens avec d’autres syndicats ruraux d’un autre diocèse. Une réunion fut envisagée entre plusieurs syndicats de la région et la fédération officielle. Ce fut en se rendant sur place qu’elle eut un grave accident de voiture, qui lui valut un mois d’hôpital et une longue convalescence de février 1969 à début 1970. Une fois rétablie, elle ne put retourner à Crotéus sans danger pour elle et les paysans. Elle accepta la demande d’un jeune prêtre de l’aider dans sa paroisse dans l’état de Maranhao et l’évêque accepta la proposition sous la condition de ne pas parler de syndicat. Elle aida à la formation des communautés ecclésiales de base qui prônaient la solidarité, l’entraide, la justice.
Elle retourna à Fortaléza, habita dans la favela Pirambu où se trouvaient des religieuses de Charles de Foucauld. Elle entreprit un travail inspiré du mouvement du nid comme elle l’avait réalisé à Crotéus. Elle ne put rester, car la situation était trop dangereuse. Ayant obtenu à Fortaleza un billet d’avion, elle rentra à Paris en janvier 1972. Elle fut accueillie par Fred Martinache* alors directeur du CCFD et elle fut mobilisée pour intervenir dans de nombreuses réunions en province sur la situation au Brésil, également au Portugal et en Espagne. Durant son séjour en France, un nouveau projet belge fut proposé à Paulette Ripert pour aider l’opposition syndicale naissante au sud du Brésil. Elle donna son accord et repartit en novembre 1972, mais lors de son passage à Rio, elle fut informée que le projet ne pouvait pas se réaliser. Une nouvelle proposition lui fut présentée pour travailler avec l’opposition syndicale à Cuiaba dans l’état du Mato Grosso. Alors qu’elle était hébergée dans un couvent, un prêtre français lui demanda de venir aider les syndicats de sa paroisse, prêts pour l’opposition syndicale, ce qu’elle accepta. Début 1973, elle se déplaça à Altonia dans l’État de Parana, non loin du Paraguay continuant son travail de catéchiste le soir et celui avec l’opposition syndicale le soir. En fin d’année, de nouveau, elle dut quitter le Brésil dans la précipitation. Elle arriva à Paris le 2 mars 1974, date correspondant à la fin des missions de Paulette Ripert au Brésil. Le CCFD l’accueillit à Paris et la logea une courte période.
Paulette Ripert rechercha alors un nouveau travail. Elle occupa successivement des emplois d’animatrice à Culture et Liberté du 1er mai 1974 au 31 juillet 1975, à la Fédération nationale des associations d’aides familiales à Paris du 1er août au 31 décembre 1975, puis fut, du 1er janvier 1976 au 3 août 1982, assistante de direction au Centre d’études et de développement pour l’Amérique latine, fondé par Henryane de Chaponay et Castro, Brésilien, centre qui accueillit à Paris en France de nombreux militants et apporta de nombreux soutiens financiers et culturels au Centre d’éducation au développement de l’action communautaire à Rio de Janeiro soutenu par des organisations de plusieurs pays européens. Du 13 septembre 1982 au 31 avril 1983, elle trouva un nouvel emploi de secrétaire chez Stardust production à Paris. Jacques Chérèque, responsable de la politique internationale à la CFDT, la recruta le 2 mai 1983 au secteur international pour l’Institut syndical de coopération technique internationale devenu l’Institut Belleville en 1984, en qualité de responsable de service pour le suivi des dossiers de coopération avec les syndicats africains et d’Amérique latine et d’interprète auprès des délégations brésiliennes reçues à Paris et en France. Elle exerça ses responsabilités jusqu’à son départ volontaire en juillet 1986, alors qu’elle n’avait pas encore acquis tous les droits à la retraite.
Parallèlement à son travail professionnel, Paulette Ripert participa à la création du journal bi-mensuel Le Brésil des travailleurs, fin 1981. Directrice de publication, elle assura avec une équipe de militants dont Pierre Evain, Maria Soares, les liens entre les correspondants brésiliens, et les abonnés en Europe, les syndicats, les associations de solidarité internationale, les partis politiques et l’Église. Les traductions et rédactions des articles, leur diffusion tous les deux mois permirent d’informer les abonnés sur les réalités brésiliennes en matière économique sociale, syndicale, juridique, politique et leur évolution jusqu’au numéro 82 d’octobre 1986. Sur la proposition de Gérard Espéret, Paulette Rupert fut désignée membre de la commission française « Justice et Paix » et participa aux travaux en publiant de nombreux documents, dont en 1978 celui sur « domination et torture » avec l’ACAT, association des chrétiens pour l’abandon de la torture, dont le père Pierre Toulat était le secrétaire et à laquelle participaient Guy Aurenche et Georges Casalis*.
Par Jean Limonet
ŒUVRE : L’ABC du syndicat, février 1968 (en portugais). — L’histoire du syndicalisme, 1968, en portugais. — La fondation des syndicats dans la région de Crateus, 1968 (en portugais). — La loi syndicale des travailleurs ruraux et du loyer de la terre, 1968 (en portugais). — « La résistance possible », in Domination et torture présentée par Justice et Paix, et l’ACAT, 1978, p. 67-77.
SOURCES : Archives personnelles de Paulette Ripert. — Archives confédérales CFDT. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 1863 W 64, dossier 3238 (notes de Louis Botella). — René Salanne, Le Brésil des travailleurs, CFDT, Montholon-Services, 1976. — José Cardoso, Le nouveau syndicalisme brésilien, mars 1986. — Collection du bimensuel Le Brésil des travailleurs. — Entretiens avec Paulette Ripert entre 2008 et juin 2014. — État civil.