MILLOT Claude, Frédéric, Louis [Pseudonyme : Jean-Louis LÉVÊQUE]

Par Guy Haudebourg, Jean-Paul Nicolas

Né le 16 décembre 1911 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), fusillé le 13 février 1943 au terrain du Bêle à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; contrôleur principal des impôts indirects à Nantes ; résistant communiste dans l’Organisation spéciale (OS), membre des FTPF et du Front national pour la liberté et l’indépendance de la France ; Procès des 42.

Claude Millot
Claude Millot

Claude Millot était le fils de René Adolphe Millot, inspecteur des PTT, et de Fernande Berthe Mathias. Son père était receveur de l’importante poste centrale de Rouen et, à ce titre, habitait, en 1911, face à son lieu de travail au no 76 de la rue Jeanne d’Arc. Bachelier ès lettres, Claude Millot fit ses études secondaires au lycée Corneille puis des études supérieures de droit à Douai. Il entra dans l’administration des contributions indirectes en novembre 1930. Durant son service militaire à Reims, il épousa le 2 août 1932 l’institutrice Simone Ribot. Le couple eut quatre enfants dont trois filles nées avant 1940 et une née en 1942. En activité à Rouen dans un premier temps puis nommé à Strasbourg il fut nommé contrôleur des contributions indirectes à Nantes en 1937, puis promu contrôleur principal en novembre 1940.
Adhérent du Parti communiste français (PCF) à partir de 1938, il fit cette année-là un voyage en URSS avec sa famille et, à cette occasion, fit la connaissance de Fernand Grenier. Il était aussi membre des « Amis de l’URSS ». Son épouse Simone était engagée comme lui dans le même parti politique. Leur fille aînée Claudine situe plutôt leur engagement dès 1936.
Connu comme militant actif, son domicile de Chantenay (Nantes) fut perquisitionné par la police française pendant la drôle de guerre. Le préfet pensa alors le radier de son affectation spéciale mais en fut dissuadé par le directeur des contributions indirectes de Nantes. Dès juillet 1940, Claude Millot participa à l’organisation du PCF clandestin en Loire-Inférieure et, avec un autre militant, imprima le texte de la déclaration de Marcel Paul et de Robert Ballanger dénonçant l’occupant et Pétain. En août 1940, il participa à la récupération de matériel militaire avec Marcel Paul, les époux (Marcel et Marie) Michel et Léon Coiffé, tous militants communistes qui subiront par la suite la répression nazie. La police perquisitionna à nouveau son domicile le 7 décembre 1940 et trouva des documents communistes en petite quantité et périmés. Une troisième visite eut lieu le 8 mars 1941 suivie d’une autre après l’attaque allemande contre l’URSS, le 22 juin 1941. Malgré ces alertes, il poursuivit son activité militante, confectionnant des faux papiers. Grâce à son emploi aux contributions indirectes, Claude Millot connaissait l’emplacement de tous les dépôts d’explosifs du département et pouvait dresser des cartes qui furent remises à la direction du PCF, cartes qui serviront ensuite au vol de matériel dans le but de commettre des attentats et des sabotages. Claudine Millot situe au début de 1941 l’entrée en clandestinité de son père. Selon les archives de police, Claude Millot entra dans l’illégalité à la fin 1941 ou au début 1942 comme responsable aux renseignements de l’OS et devint secrétaire régional du PCF en 1942, poste qu’il conserva jusqu’à son arrestation par deux inspecteurs de la police régionale d’État de Nantes le 31 août 1942. Maintenu au commissariat pendant trois semaines, il fut torturé avant d’être emprisonné à la prison Lafayette de Nantes.
Le tribunal militaire allemand de Nantes FK 518 le condamna à mort le 28 janvier 1943 ainsi que 36 autres résistants (« Procès des 42 »). Le réquisitoire au procès était explicite : « Millot : il pourrait figurer à la première place au lieu de la 19e. Il est allé à Moscou avec sa famille, pourquoi et avec quel argent ? Il dit des accusés qu’il les connaît un peu. Les chefs sont toujours peu connus. Il est beaucoup plus dangereux, il se tient dans les coulisses d’une organisation qui s’étend au moins à la Bretagne entière. Étant bachelier, il a été mis à ce poste par le Parti communiste. Millot était aux renseignements, en liaison avec Le Paih (Louis Le Paih). Il a donné quantité de renseignements (lignes électriques, camps de prisonniers...) Il a chargé Adam (Henri François Adam) de chercher une mitrailleuse. Il a fait une fausse carte pour Gomez, ancien capitaine de l’Armée rouge. Millot est un chef des plus dangereux. Il est à ``descendre’’, suivant son expression. Peine demandée : la mort. »
Le procureur fut entendu. Claude Millot a été fusillé au terrain de tir du Bêle à Nantes le 13 février 1943. Il s’agissait là de la seconde « fournée » des condamnés à mort du procès des 45 « terroristes » qui s’était déroulé à Nantes du 15 au 28 janvier, ce qui en fait le plus important de la zone occupée par les nazis. Ce procès, très médiatisé, concernait dans un premier temps 42 militants communistes et/ou membres de l’OS, d’où son appellation de procès des 42. Trois autres militants furent ajoutés à ces 42. Ces 45 comprenaient une quinzaine de membres de l’OS ayant participé à la guérilla armée contre l’occupant et les collaborateurs nantais, démarrée à Nantes dès l’automne 1941. Les autres, parmi lesquels Claude Millot, étaient accusés d’avoir aidé ou dirigé ces « terroristes ». Les autorités françaises et allemandes considéraient alors la région nantaise comme l’une des plus en pointe dans la lutte armée d’où l’intervention de la SPAC. 37 inculpés – dont 5 communistes espagnols aux liens avec l’OS mal établis mais dont la présence servit à la presse collaborationniste à dénier le patriotisme des accusés – furent condamnés à mort et fusillés au terrain militaire du Bêle les 29 janvier 1943 (« les assassins »), 13 février (« les francs-tireurs ») et 7 mai (trois dirigeants importants dont Louis Le Paih). 6 furent déportés (dont les deux femmes accusées) et deux acquittés (aux situations troubles). Au moment même du procès, les polices françaises arrêtèrent le petit groupe de FTP qui avaient pris la relève de la première génération. Au total, plusieurs centaines de militants furent arrêtés de juin 1942 à février 1943 ; la plupart d’entre eux furent déportés. Au printemps 1943, le PCF de Loire-Inférieure – dont l’influence n’avait pas été importante avant guerre – était exsangue. Reconstitué à plusieurs reprises, il faudra attendre la Libération pour le voir réellement renaître et s’imposer comme une force politique non négligeable.
Simone Millot, la veuve de Claude Millot, s’engagea elle aussi très tôt dans la Résistance. Dès l’arrivée des Allemands à Nantes en juin 1940, elle participa à la confection de tracts et papillons anti-allemands ou antivichystes. Elle était alors agent de liaison entre le secrétaire régional (Pierre Charrier en 1940) et le « secteur » représentant la direction nationale du PCF. Marcel Paul lui fut ainsi présenté en 1940 par Robert Ballanger. À sa suite, à partir de novembre 1940, vinrent Auguste Havez puis Venise Gosnat (début 1941) qui, comme Marcel Paul, habita avec les Millot. C’est par son intermédiaire que le PCF loua, à l’été 1940, une cache (la « datcha ») pour les armes récupérées dans la banlieue nantaise après la débâcle. Chargée par la direction nationale du PCF de coordonner les évasions du camp de Choisel à Châteaubriant, elle fut involontairement court-circuitée par la direction régionale. Elle aida cependant Lucien Hénaff et Fernand Grenier lors de leur évasion du camp de Châteaubriant en juin 1941 ainsi que celles de Léon Mauvais et Henri Reynaud. Elle assura aussi des liaisons avec les départements de l’interrégion communiste. Simone Millot se rendit chez sa mère à Fromentine (Vendée) en 1942 puis obtint un poste d’institutrice pour la rentrée d’octobre 1942 dans le village du Poiroux (Vendée) où elle poursuivit ses activités clandestines. Le père de Claude Millot, René Millot, resté à Rouen, fut pendant l’Occupation un dirigeant du Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France. Directeur honoraire des PTT, il représenta dans les années d’après-guerre ce mouvement de Résistance, ainsi que l’Association des Familles de Fusillés dans le département de Seine-Inférieure.
À Rouen, une salle du lycée Corneille porta après la Libération le nom de Claude Millot. Interrogés à ce sujet, les plus anciens enseignants de ce lycée assurent qu’aucune salle ne porte plus ce nom depuis bien longtemps. Une cellule communiste de Loire-Atlantique porte également son nom. Plus récemment à Nantes, en 2012, une salle du centre des impôts a pris le nom de Claude Millot.
Près du terrain de tir du Bêle, une rue porte le nom de Claude et Simone Millot depuis 2011.
Claude Millot est enterré au cimetière de la Chauvinière à Nantes et repose parmi les soixante résistants du carré des fusillés.
Il obtint la mention "Mort pour la France" le 13 février 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article160750, notice MILLOT Claude, Frédéric, Louis [Pseudonyme : Jean-Louis LÉVÊQUE] par Guy Haudebourg, Jean-Paul Nicolas, version mise en ligne le 1er juillet 2014, dernière modification le 25 avril 2022.

Par Guy Haudebourg, Jean-Paul Nicolas

Claude Millot
Claude Millot
Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Tombe au cimetière militaire de la Chauvinière à Nantes
Cliché AP-CP

SOURCES : AVCC, Caen, B VIII 4, Liste S 1744 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Loire-Atlantique, 132W160, 161W96, 270W485, 270W489, 270W501, 1226W417, 1694W37, 305 J 3. – Arch. Dép. Maine-et-Loire, 18W70. – Arch. Dép. Seine-Maritime, Registre matricule C. Millot. – Hommage aux fusillés et aux massacrés de la Résistance en Seine-Maritime. 1940-1944, Association départementale des familles de fusillés de la Résistance de Seine-Maritime 1994. – Renseignements et photo de Jean Chauvin, fils d’Auguste Chauvin fusillé à Nantes le 13 février 1943. – Témoignages de Simone Millot-Coiffard (en 1972 et 2014). – Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Paris, ES, 1972. – Maxime, Raconte, camarade, Saint-Nazaire, 1974. – Guy Haudebourg, Le PCF en Loire-Inférieure à la Libération (1944-1947), mémoire de maîtrise d’histoire, Nantes, 1987. – Jean Bourgeon (sous la dir.), Journal d’un honnête homme pendant l’occupation, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990. – Michel Prodeau, Itinéraires clandestins, Nantes, Opéra, 1995. – Guy Haudebourg, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple, La Crèche, Geste Éd., 2014. – État civil, Rouen.

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