POPULIN Pietro

Par Jean-François Lassagne

Né le 12 octobre 1946 à Casale sul Sile (Italie) ; technicien électromécanicien ; agent de maîtrise ; militant de la CGT ; élu DP et CE ; délégué syndical ; secrétaire des unions locales de Pont-de-Chéruy (Isère), de Bruyères et de Remiremont (Vosges) ; membre de la CE de l’UD du Rhône et du secrétariat de l’U.D des Vosges ; délégué confédéral à la Vie Ouvrière de 1984 à 2003 ; membre du Parti communiste ; adjoint au maire de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) de 1989 à 1992.

Pietro Populin
Pietro Populin

Né en 1919 à Casale sul Sile, dans la province de Trévise en Vénétie, son père Antonio Populin était le fils d’une lignée de bateliers, les « seigneurs du village », qui possédaient huit péniches assurant le transport de légumes et de matériaux de construction du Sile jusqu’à la lagune de Venise et au port. Faute d’animaux de trait, le halage se faisait grâce à la force humaine. Il fut à l’initiative d’une mobilisation populaire qui obtint le creusement d’un canal dans le cadre de grands travaux, avec l’embauche de cents personnes pendant deux ans. Durant la seconde guerre mondiale, et après avoir connu le front russe, il participa à la résistance et créa la section du Parti communiste italien à Casale, ce qui lui valut un interdit de travail de la part de l’Église à la fin du conflit. C’est ainsi que pour gagner sa vie et celle de sa famille, et désirant se rendre au Canada, il obtint d’aller en Allemagne, mais fut débarqué par les autorités à Valenciennes, pour arriver le 20 mai 1949 à Condé-sur-l’Escaut (Nord), où il fut affecté à la fosse Ledoux. Son espoir tenace de rentrer un jour au pays s’envola brutalement avec l’éboulement dont il fut victime, et lui coûta trois ans d’hôpital et de rééducation à Oignies pour une fracture de la colonne vertébrale. En absence de revenus ce fut la solidarité des progressistes qui permit de faire face. Membre du Parti communiste français, et syndiqué à la CGT, il prit cependant sa carte à la CFTC après l’accident, pour remercier de son aide le délégué mineur de ce syndicat, avec qui se nouèrent des liens affectifs ; à sa disparition il retrouva la CGT. Après avoir essuyé deux refus, il finit par obtenir la nationalité française en 1965, grâce notamment à un militant de Force ouvrière (FO). Ne pouvant retourner au fond à la suite de l’accident, il finit sa carrière lampiste à la surface avec un salaire bien inférieur. Il avait été entraineur de hand-ball des équipes de jeunes de Condé. Il mourut en 1990. En 1944 il avait épousé Clara Cadamuro, originaire elle aussi de Casale sul Sile où elle était née en 1921 et qu’il avait rencontrée en 1941, dans cette province de Trévise, région alors parmi les plus pauvres d’Italie, frappée par une émigration sans pareille, et qui par la suite devait en devenir la plus riche. D’une famille de paysans, elle était la quarante-et-unième de la « grande maison », l’ainée de six enfants dont un seul garçon, son père ayant eu neuf frères et sœurs. Veuve de bonne heure, sa mère Régina dut élever seule sa famille, et Clara Cadamuro prit en charge ses sœurs. Malgré de très bonnes dispositions, elle ne put poursuivre ses études, devint couturière de talent et ouvrit un atelier à Casale, où en 1942 elle fut la première femme du village adhérente du Parti communiste italien.

Pietro Populin naquit en 1946 d’un accouchement difficile en raison de ses 5,9 kg, deux ans après sa sœur Luciana, qui par la suite devait être conseillère municipale communiste de Condé de 1983 à 2014, et première adjointe de 2001 à 2008. Après les six mois réglementaires de travail en France d’Antonio Populin et l’obtention d’un logement, son épouse et ses enfants purent le rejoindre à Condé-sur-Escaut, après un voyage de trois jours débuté le 20 novembre 1949 à la gare de Milan. Partis sans argent en compagnie d’une autre famille, une mère et ses deux enfants également, ils arrivèrent à Valenciennes le 23 novembre. Situé en bordure de l’étang Chabaud-Latour alimenté entre autre par les eaux d’exhaure, le logement était un baraquement en bois de la cité, qui d’ailleurs ne fut libéré qu’au bout de plusieurs jours, la solidarité des mineurs notamment polonais leur permettant d’abord de patienter puis, une fois installés, de se chauffer au charbon. Deux enfants vinrent rejoindre le foyer, Agostino en 1951, qui devait devenir premier adjoint au maire de Condé en 2014 à la suite des deux mandats de sa sœur Luciana, et Eugenio né en 1953, lequel fut éducateur spécialisé puis médiateur (délégué syndical CGT, Les Moutatchous à Haubourdin, Nord, puis DS cadre CGT, CEP de Lizy Aisne- Fondation la vie au Grand Air et médiateur familial). ; un cinquième enfant mourut à la naissance. Ayant fréquenté assidûment dès l’âge de deux ans l’asilo, autrement dit l’école maternelle de Casale sul Sile, où il se rendait au pas de course dans sa blouse grise, Pietro Populin fit son entrée à l’école de Macou à Condé, située à un kilomètre de la demeure familiale. Le mauvais accueil des autres enfants des corons détermina le père à inscrire son fils à tous les cours, de musique, de français, d’italien. Il fut d’ailleurs interdit de cours de français par le professeur, au motif qu’il le parlait très bien, mieux que les ch’tis auxquels ils étaient réservés. Il devint même enfant de chœur, tant pour les messes en Français avec un prêtre polonais, que pour les messes en Italien. Mais, dégoûté par l’église à ce moment-là, il perdit définitivement la foi. Après le certificat d’études primaires obtenu en 1958, il entra au collège de Condé où il réussit le BEPC, puis suivit une formation de technicien supérieur en électrotechnique au lycée technique Villars (aujourd’hui lycée du Hainaut) à Valenciennes, qu’il quitta en 1967. Véritable athlète, Pietro Populin pratiquait alors nombre de sports, hand-ball, basket (il joua plus de dix ans dans l’équipe de Chavanoz, près de Pont-de-Chéruy), judo, boxe, athlétisme, et fut champion cadet du Nord du javelot et du poids. Lorsque ses vacances ne le conduisaient pas en Italie, il était employé dans une agence de voyages durant les mois de juillet et d’août.

À l’issue de ses études Pietro Populin dut effectuer seize mois de service militaire, d’abord à Entzheim en Alsace, où après avoir « forcé » l’entrée de l’École des Officiers de Réserve, il finit major de sa promotion à Caen. Aspirant, il fut affecté à la base aérienne d’Evreux, chargé de la défense, et termina au grade de lieutenant. Dans cette période survinrent les événements de mai 68 durant lesquels il rentra de permission avec une semaine de retard, marqué par la découverte de Georges Séguy*. Le 21 décembre 1968 à Condé-sur-Escaut, il épousa Monique Decout, dont la naissance le 6 novembre 1944 en pleine guerre avait été mouvementée. Sous le feu croisé des Américains et des Allemands la maison fut traversée par deux obus, et ce fut la nuit, tous feux éteints que sa mère Marguerite Golé fut conduite par des militaires américains à la maternité d’Épinal, puis en raison d’un manque de place à celle de Xertigny, et enfin le lendemain à Mirecourt où elle put accoucher. Cette dernière, fille unique d’un artisan menuisier ébéniste de Jussarupt (Vosges), y avait rencontré Jean Decout, lequel né à Vieux-Condé (Nord), était préparateur en pharmacie, après avoir exercé plusieurs métiers. Par la suite le couple retourna dans le Nord avec leur fille, en premier lieu à Condé, puis à Valenciennes, où au cours de leurs études d’infirmière, Monique Decout et Luciana Populin se lièrent d’amitié.

Pietro Populin trouva son premier emploi aux Câbles de Lyon, où il débuta le premier janvier 1969, alors que son épouse, infirmière puéricultrice, fut mutée à l’hôpital Edouard Herriot de la ville. Cependant à son arrivée dans l’entreprise, il découvrit que le poste proposé n’existait pas, et devant son refus d’un détachement en Amérique du Sud, il accepta la proposition d’un poste au laboratoire de recherche, bien que le salaire y fût inférieur, et son premier travail fut consacré à la réparation du câble 200 000 volts SACOI (Sardaigne, Corse Italie). Sa facilité de contact avec tous les gens du labo, pour la plupart des techniciens de haut niveau, déboucha sur une première grève pour les salaires, qui restaient bien en deçà de leurs qualifications. La conséquence immédiate fut sa mise au placard. Sur les conseils d’une collègue de son épouse il se rendit à l’usine Phoenix de Pont-de-Chéruy, où il fut embauché le premier avril 1971 en qualité de technicien responsable de la conception du produit d’un secteur de profilé de caoutchouc. Avec une équipe de quatre personnes, il avait en charge la mise au point de la filière et du prototype. L’usine comptait alors vingt-et-une nationalités, et la CGT y était premier syndicat en 1971. Il fut très vite élu délégué du personnel et membre du comité d’entreprise dans le second collège, et sa première grève survint rapidement contre des conditions de travail terribles : brûlures, respiration de produits, cadences…Il suivit des stages syndicaux à Lyon, puis s’engagea dans la création de l’Union locale de Pont-de-Chéruy, dont il fut élu secrétaire contre l’avis de certains lui reprochant de n’être pas adhérent du PCF. Élu à la commission exécutive de l’union départementale du Rhône, il y côtoya notamment Jean Vincent, alors responsable local de la chimie qui devait devenir secrétaire général de la fédération des industries chimiques. Avec l’UL il réussit à gagner l’adhésion des travailleurs du chantier de construction de la centrale nucléaire de Bugey.

Au décès du grand-père de Monique Populin, le couple décida alors de racheter la demeure familiale de Jussarupt dans les Vosges, où ils s’installèrent au mois d’avril 1977, après une promesse d’embauche de l’entreprise Autocoussin à Laveline-devant-Bruyères (Vosges). Entre temps, et après avoir obtenu l’adoption de Daniel, était survenue la naissance de leur fils Claude en décembre 1976. Cependant quelle ne fut pas leur surprise, lorsque la veille de la date d’entrée convenue, un appel téléphonique avertit Pietro Populin du veto de la direction parisienne à son embauche, laissant la famille sans argent ni travail, et contrainte de payer la maison. Il embaucha cependant le 2 mai aux bureaux de la scierie de Granges-sur-Vologne (Vosges) pour la réalisation de fermettes préfabriquées, mais ne fut pas reconduit à l’issue de son mois d’essai le 31 mai, le patron ayant appris sa présence au rassemblement du premier mai dans une salle d’Épinal. Après avoir retrouvé un emploi à la scierie de Jussarupt, dans des conditions de travail difficiles, payé au smic à rouler les troncs pour alimenter la scie et détecter les métaux présents dans le bois, surtout les balles et éclats d’obus, il finit par entrer à la CIPA à Bruyères, principal producteur français de rétroviseurs, le premier septembre 1977, où il fut employé à l’ordonnancement.

Il avait adhéré au Parti communiste en 1976 à la section de Bruyères, avec remise de carte par le cheminot Marcel Wirth, et il adhéra à la CGT de la CIPA, où au bout d’un an il participa à une grève avec les ouvriers. Par la suite il fut élu délégué du personnel au second collège, puis au comité d’entreprise, et devint délégué syndical de l’établissement. Le congrès de l’union départementale des Vosges lui ouvrit les portes de la commission exécutive et du bureau, où il milita avec le secrétaire général Jean-Pierre Ferry, notamment pour la création de l’Union locale de Bruyères qu’il dirigea, en impulsant dans les douze nouveaux syndicats les démarches mises en œuvre à la CIPA, comme l’élections des dirigeants et le vote préalable par les syndiqués de la liste des candidats à présenter aux élections professionnelles, ainsi que l’organisation de stages syndicaux. La famille s’était agrandie avec la naissance en 1979 de leur fille Claire, qui devint docteur en droit, et elle devait encore accueillir en 1987 leur seconde fille Béatrice, laquelle opta pour la carrière de sage-femme. Quittant l’ordonnancement, Pietro Populin fut employé au contrôle, pour la mise au point d’un système anti-vibrations. Seule organisation syndicale de la CIPA, la CGT comptait alors un taux de syndicalisation de vingt pour cent, dans un rapport de forces qui se traduisait par un niveau de salaires bien supérieur à la moyenne, et qui permit la transformation en CDI de cent-vingt contrats à durée déterminée.

Pietro Populin se vit alors proposer le remplacement du délégué confédéral à la Vie Ouvrière du grand-est, secteur composé de treize départements. Embauché à la VO après avoir négocié une clause de retour à l’entreprise, il débuta donc le premier avril 1984, participa tant au comité régional de Lorraine qu’au secrétariat de l’UD. Devenu coordonnateur des délégués confédéraux au siège de la CGT, il partit avec sa famille s’installer à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) en août 1986, et suivit la formation syndicale supérieure au centre Benoit Frachon de Courcelles-sur-Yvette. Élu communiste au conseil municipal de Garges en 1989, il devint adjoint au maire Henri Cuckierman jusqu’en 1992, et son épouse Monique Populin, directrice de crèches, s’engagea dans la création de trois mini-crèches dans les quartiers populaires au pied de HLM. Pietro Populin participa avec la VO à sept Tours de France militants au sein de la caravane, jusqu’en 1992. Il fut également un acteur passionné des rendez-vous CGT de la VO, qui le menèrent durant deux ans dans toute la France devant les entreprises à la rencontre des salariés et des structures du syndicat. De retour dans les Vosges en septembre 1991, il poursuivit son mandat de délégué du grand-est, anima le réseau des responsables VO des départements, et à ce titre participa régulièrement aux secrétariats des treize UD de son secteur, ainsi qu’à leurs congrès. De son côté, Monique Populin ne retrouva pas de poste malgré sa tentative de créer une crèche municipale à Bruyères, et fut amenée à exercer à la maison de retraite de Granges, tout en poursuivant son activité associative notamment les mercredis éducatifs. Souffrant d’une hernie cervicale due à son travail, et qu’elle ne déclara pas, celle-ci ne fut pas reconnue et le directeur procéda à son licenciement pour inaptitude. Elle prit sa retraite à l’issue de sa période de chômage. Adhérente du Parti communiste depuis 1978, et trésorière de la section, elle fut candidate aux cantonales à Corcieux en 1988, 1994 et 2001, ainsi qu’aux municipales à Jussarupt en 1983 et 2001.

Pietro Populin fut l’un des principaux artisans de la création de la Marche annuelle de la NVO (Nouvelle VO) à Gérardmer de 1999 à 2013. Avec la suppression des délégués confédéraux à la VO, il intégra le comité régional de Lorraine en 2001, et prit la direction jusqu’en 2005 de Tourisme et Travail de Lorraine, qui par la suite devint ATOLL (Association tourisme et loisirs de Lorraine). Il participa dans la délégation de la CGT Lorraine à plusieurs congrès de la CGIL de Chieti (Abruzzes). Puis il fut mandaté pour reconstituer une équipe à l’UL de Remiremont, où il s’attacha à la syndicalisation des travailleurs saisonniers.

Il fit valoir ses droits à la retraite en 2006. Le couple partagea dès lors son temps entre les Vosges, l’Ombrie, les Abruzzes, la Sicile, et ses activités associatives (groupement d’achats, et jardin collectif), tout en poursuivant son engagement politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article160991, notice POPULIN Pietro par Jean-François Lassagne, version mise en ligne le 4 juillet 2014, dernière modification le 15 avril 2022.

Par Jean-François Lassagne

Pietro Populin
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SOURCES : Arch. personnelles. — Entretien le 30 avril 2014.

PHOTO : Arch. personnelles de 2010.

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