Par Daniel Grason, Gérard Larue
Né le 8 janvier 1901 à Carcagente (province de Valence, actuelle Communauté valencienne, (Espagne), mort accidentellement par asphyxie au gaz d’éclairage le 31 janvier 1954 ; imprimeur ; communiste membre dirigeant du Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC) ; résistant membre du premier triangle de direction des FTP-MOI ; déporté ; exclu du PSUC.
Fils de Joaquim et de Rita née Piera, Joaquim Olaso Piera arriva en France à Cerbère (Pyrénées-Orientales) le 5 novembre 1920, il sollicita une carte d’identité, elle lui fut accordée. Il adhéra au parti communiste, milita au sein du groupe espagnol, devint trésorier. En raison de son activité politique, un arrêté d’expulsion lui était notifié le 21 avril 1925. Il rentra en Espagne où il milita en Catalogne, membre de la Fédération communiste de Catalogne et des Baléares (FCCB), du Bloc ouvrier et paysan (BOC), il devint dirigeant du syndicat des Artes Graficas de la Confédération nationale de travail (CNT) à Barcelone. Il rejoignit le Parti communiste d’Espagne en 1931, revenait de temps à autre en France. Il vivait avec Dolorès Garcia, alias Charlotte Jeantet.
Inspecteur général de l’ordre public en Catalogne en 1936, et agent du Service d’investigation militaire (SIM), responsable de la section des cadres du Parti socialiste unifié de Catalogne (PSUC) et de sa commission de contrôle. Joaquim Olaso Piera était un proche collaborateur de Ernö Gerö dit Pedro, hongrois, agent du Komintern, l’un des hommes des services Soviétiques en Espagne. Il rentra définitivement en France lors du retrait de l’armée républicaine espagnole en février 1939. Son nom fut inscrit n° 1 de la Sûreté nationale du 7 avril 1939 des militants à « surveiller étroitement ». Son activité en Espagne au sein du PSUC était rappelée : « Surnommé “L’Œil de Moscou”, il créa la Commission centrale des cadres qui a organisé les groupes d’action communiste et les “tchékas” entre 1936 et 1939 ». Ces groupes enlevaient des opposants de gauche et des sympathisants de la République espagnole qui s’opposaient aux méthodes expéditives et criminelles des “tchékas”, notamment les assassinats de Andreu Nin (POUM), Camillo Berneri (libertaire) et José Robles (ami de l’écrivain américain John Dos Passos).
Il vint à Paris avec Dolorès Garcia, elle fut embauchée dès son arrivée par le consulat général du Chili à Paris et devenait secrétaire de Pablo Neruda, consul, sous le nom de Charlotte Jeantet. À la déclaration de guerre, croyant possible une intervention de l’Espagne contre la France, Joaquim Olaso Piera alla à Perpignan pour mobiliser des émigrés républicains espagnols. Le gouvernement de Franco ayant adopté une position de neutralité, il retourna à Paris en septembre 1940. Il rencontra José Miret-Musté responsable du PSUC, mis en contact avec des dirigeants de la Main d’Œuvre immigrée (M.O.I.). Il devint en juin 1942 membre du triangle de direction des FTP-MOI, responsable technique avec Boris Holban dit Roger et Karel Stefka dit Karol Matuch.
Arrêté le 5 décembre 1942 par quatre inspecteurs de la BS2, fouillé au corps il portait un carnet de notes. À son domicile au 7 rue du Colonel-Oudot à Paris XIIe arr., les policiers saisissaient un rapport sur les actions des FTP en date du 15 décembre 1942, des feuilles manuscrites avec des formules chimiques, un manuel du FTP, La Vie du Parti, etc. Olaso indiqua où se trouvait le matériel permettant de fabriquer des engins explosifs et incendiaires. En sa compagnie, les policiers se rendaient au 47 rue Hallé à Paris, (XIVe arr.). Des ingrédients étaient saisis : nitrate et chlorure de potassium, oxyde de manganèse, oxylithe, chlorate de potassium, soufre, acide sulfurique et essence, des ovules en celluloïd pour engins incendiaires.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, frappé à de multiples reprises, il parla. Il indiqua que des réunions se tenaient rue Guynemer prolongée à Vincennes « chez une femme dont j’ignore le nom ». Sur présentation de sa photographie, il identifia Edmond Hirsch et Matuch, alias de Karel Stefka, indiqua les attentats commis par les trois détachements en novembre 1942, donna une dizaine de signalements de combattants et de femmes agents de liaison, etc.
Incarcéré à Fresnes, le 23 août 1943 Joaquim Olaso Piera était dans un wagon de quarante-deux détenus qui partit de la gare de l’Est à destination de Mauthausen (Autriche). Classé « NN » Nuit et Brouillard (condamné à disparaître), dès son arrivée il était mis en quarantaine par les déportés politiques en raison des renseignements qu’il avait donné aux tortionnaires de la BS2. Transféré à Ebensee, matricule 34584, le camp était libéré le 5 mai 1945 par les soldats de l’armée américaine commandée par le Général Omar Bradley. Son amie Dolorès Garcia, déportée sous sa fausse identité à Ravensbrück (Allemagne), puis à Mauthausen (Autriche) était libérée le 22 avril 1945 par la Croix-Rouge.
Il témoigna le 14 août 1945 devant la commission d’épuration de la police, Joaquim Olaso-Piera reconnaissait sur des photographies les trois policiers qui le frappèrent. Il porta plainte contre ceux qui l’arrêtèrent et le frappèrent. Il précisa que le domicile servit pendant dix jours de souricière et fut mis « au pillage contre les inspecteurs qui s’y sont relayés ». Outre des vêtements, « une somme de 700 dollars américains, 5000 pesetas espagnols, une certaine somme d’argent français […] et une machine à écrire » furent saisis. Il porta plainte pour vol en son nom et en celui de sa compagne Dolorès Garcia. Joaquim Olaso-Piera a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Dès leur retour Joaquim Olaso Piera et Dolorès Garcia étaient convoqués par la direction du Parti socialiste unifié de Catalogne et exclus de l’organisation. Olaso Piera fut accusé par la PSUC d’avoir dénoncé à la Sipo-SD l’organisation clandestine du parti à Paris dirigée par Lluís Miret Musté, démantelée en novembre 1942. Mais ce fut la police française, la Brigade spéciale, qui, après une longue et minutieuse enquête, obtint ce résultat. Par ailleurs ses accusateurs du PSUC, dans l’après-guerre, se fiant à la rumeur, ignoraient que Joaquim Olaso avait été arrêté cinq jours après Josep Miret, ce qui le disculpait totalement d’avoir été le responsable de l’arrestation de ce dernier ( op. cit.). Olaso Piera et sa femme moururent asphyxiés accidentellement par le gaz d’éclairage à leur domicile le 31 janvier 1954. Dans une note du 1er mars 1954 les policiers des Renseignements généraux établissaient que Joaquim Olaso Piera « entretenait des relations épistolaires permanentes avec des individus résidant en Espagne ou dans les pays d’Amérique du Sud, sans qu’il ait été possible à la Police parisienne d’en déduire l’existence d’un “réseau” ou d’une organisation internationale soviétique ». Une liste de vingt-sept noms de correspondants hommes et femmes suivaient domiciliés en Espagne, au Chili, en Argentine, au Mexique, à Andorre, aux États-Unis et à Cuba.
Le frère de Dolorès, Henri, vint de Cerbère (Pyrénées-Orientales), il reconnut les corps à l’Institut médico-légal (IML). Les obsèques se déroulèrent le 6 février 1954.
Par Daniel Grason, Gérard Larue
SOURCES : Arch. PPo. BS2 carton 20, PCF carton 14 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste, 77W 1454, 77W 1757, KB 5, 77 W 5351-292132. – IML registre de 1954. – Bureau Résistance GR 16 P 449512. – David Wingeate Pike, Jours de gloire, jours de honte. Le Parti communiste d’Espagne en France depuis son arrivée en 1939 jusqu’à son départ en 1950, SEDES, 1984, 311 p. [p. 232]. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989. — Boris Holban, Testament. Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle…, Calmann-Lévy, 1989. – Pierre Broué, Histoire de l’Internationale communiste. 1919-1943, Fayard, 1997, pp.617, 620, 747, 1059. — Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Robert Surroca i Tallaferro, Premsa catalana clandestina a París sota l’ocupació alemanya, 1er février 2014, site llibertat.cat, consulté le 10 janvier 2018 (André Balent). – État civil, Paris 12e arr. – Note d’André Balent.