ARAGER-OGUSE Stéphanie, Jeanne

Par Chantal Dossin

Née le 16 juin 1903 à Paris ( XIVe arr.), morte le 12 septembre 1983 à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ; médecin, communiste, résistante déportée.

Fille de Joseph Oguse, docteur en médecine, et de Dorothée Springer, sans profession, Stéphanie Arager-Oguse, appelée Jeanne, de son deuxième prénom, est née à Paris dans le XIVème arrondissement. Son père, originaire de Vilnius en Lithuanie est lui-même médecin. Il vint au secours des plus défavorisés, soigna gratuitement, notamment des immigrés russes, si nombreux à venir de réfugier en France dans l’entre-deux-guerres. Séduit par les idées socialistes qui se développaient en France à la fin du XIXème siècle, il devint un ardent militant socialiste.
Jeanne, suivit le même parcours. Elle entreprit des études de médecine en 1920 , fut reçue douzième au concours de l’internat des hôpitaux de Paris où elle exerça de 1935 à 1938.
Le 8 septembre 1927, elle épousa à la mairie du XIVe arrondissement, Jacob Arager, originaire de Pologne, médecin également. Enthousiasmé par la victoire du Front Populaire en France, Jacob partit le 25 novembre 1936 comme médecin volontaire aux côtés des Républicains espagnols. Il fut tué un mois plus tard le 24 ou le 25 décembre 1936, par des mercenaires marocains lors de la bataille de Lopéra .
Jeanne Oguse-Arager, restée seule, poursuivit, sous d’autres formes, le combat de son mari contre le fascisme.
Dès août 1940, des lois anti-juives interdisirent aux médecins étrangers d’exercer leur profession. Française, donc pas encore concernée par ces lois d’exclusion, elle vint en aide à ses confrères étrangers. Elle figura également parmi les premiers médecins qui intervinrent au dispensaire « La mère et l’enfant » situé au 56 de la rue Amelot, très près de la rue de la Folie-Méricourt où elle habitait. Son père en était directeur. Ce dispensaire cacha toutes les activités du comité Amelot. Il contribua largement à éviter des déportations, les docteurs établissant de vrais-faux diagnostics pour hospitaliser et éviter des arrestations
En juillet 1941, un numérus clausus fixé à 2 % de médecins juifs par département interdit à Jeanne Arager d’exercer la médecine. Elle participa alors à la fondation, en 1942, du MNCR, Mouvement national contre le racisme, sous l’autorité d’Adam Rayski*, responsable de la section juive de la MOI. Elle résume ainsi son rôle dans son dossier de résistante : « J’ai eu pour tâche de rechercher des refuges et des fonds pour sauver des enfants juifs en danger. J’ai aussi hébergé chez moi pendant 3 semaines le docteur Meyer Zeller [Un ancien brigadiste polonais et juif, recherché par les forces de police allemandes], évadé de l’hôpital Rotschild en mars 1942. » puis, « Je rédigeais des articles dans deux journaux clandestins édités par le Mouvement, « J’accuse » et « Combat médical » ainsi que des tracts antinazis et assure leur diffusion », dans le métro par exemple, disent des membres de sa famille. Adam Rayski, dans son livre Qui savait quoi cite bien le docteur Arager-Oguz comme responsable de la rédaction du journal J’accuse.
Elle fit également partie du Front National des médecins qui rassemblait de nombreux médecins juifs . Le Front National était un mouvement lancé par le parti communiste en juin 1941. Elle participa au travail clandestin : « Depuis 1941, je m’occupais de la propagande et de la collecte de fonds parmi le corps médical principalement, et diffusais le journal le Médecin français. En 1942 et 1943, j’ai collecté des médicaments pour les FTP( Francs-Tireurs et partisans) et ai donné des soins à des clandestins. »
Elle fut arrêtée à son domicile, rue de la Folie-Méricourt, le 27 mars 1943 . C’est la première des filatures exercées par les Brigades spéciales de la Préfecture de police chargées de la traque des communo-terroristes au cours de l’année 1943. Elles aboutirent à l’arrestation du groupe Manouchian à l’automne 1943. Interrogée au dépôt du 1er au 15 avril, elle fut soupçonnée d’avoir rédigé un tract communiste, trouvé chez elle, sur la situation des Juifs, d’être doctoresse au dispensaire, « L’Ordre médical », association secouriste israélite, de tendance communiste, et de militer au Parti communiste. Elle fut internée à la prison de la Petite Roquette où passèrent 4 000 femmes résistantes sous l’occupation. Elle y resta plus d’un an jusqu’à ce que le Tribunal d’État, une création du gouvernement de Vichy statue sur son sort le 10 juin 1944. En tant que résistante juive, elle fut traitée différemment des résistantes non juives arrêtées avec elle. Elle fut condamnée à la déportation et livrée aux Autorités allemande. Elle entra au camp de Drancy le 16 juin et fut déportée le 30 juin 1944, dans l’avant-dernier convoi Drancy-Auschwitz, le convoi 76.
Elle arriva au camp d’Auschwitz-Birkenau le 4 juillet 1944, matricule A - 8522 . Le 28 août, elle quitta Auschwitz, affectée comme docteur au Revier d’un petit camp, le camp de Parchnitz, annexe du camp de Gross-Rosen, situé en Tchécoslovaquie. Ce qui, selon les dires de Jeanne à sa famille, assura sa survie. Jeanne Arager rentra donc de déportation le 18 juin 1945.
Âgée de 42 ans, en charge de sa mère, très âgée, elle resta cependant une militante, notamment à l’Union des femmes françaises, issue des comités féminins de la résistance, au Parti communiste. Elle fut médecin légiste à la clinique des Bluets fondée par le syndicat CGT des métallos et où était pratiqué l’accouchement sans douleur, méthode de pointe à l’époque.
Elle est toujours restée, selon les témoignages de ses neveux et petits-neveux, optimiste, confiante, dévouée aux autres, notamment dans son métier. Elle a d’ailleurs rendu des services à de nombreuses femmes dans les prisons où elle est passée et au camp. La fin de sa vie a été assombrie par les révélations sur la réalité des pays socialistes. Tellement en contradiction avec ses engagements anti-fascistes et anti-nazis aux côtés des communistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161078, notice ARAGER-OGUSE Stéphanie, Jeanne par Chantal Dossin, version mise en ligne le 28 août 2018, dernière modification le 28 août 2018.

Par Chantal Dossin

SOURCES : : CDJC/1-264( photographie). — AVCC Caen,SHD Vincennes, AC 218627818( dossier de déportée résistante) PPo, interrogatoire Archives nationales, Microfilm audience du 10 juin 1944. — État civil en ligne cote 14N 344, vue 27.

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