PUIG François, Joseph, Ferréol, alias « Dumas », pseudonyme de Résistance.

Par André Balent

Né le 5 novembre 1887 à Céret (Pyrénées-Orientales), mort le 1er septembre 1978 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; militaire de carrière ; chef départemental de l’ORA dans les Pyrénées-Orientales ; communiste après la Libération ; conseiller municipal communiste de Perpignan (1953-1959).

François Puig était le fils de François, jardinier, âgé de vingt-neuf ans et de Catherine Serre, son épouse, âgée de vingt-quatre ans. Il suivit une scolarité primaire. Sa fiche du registre matricule des recrues des Pyrénées-Orientales (1907) indique qu’il avait un degré d’instruction n°2 (sachant lire et écrire).

Le 29 octobre 1906, il signa à Perpignan un engagement pour trois ans au 13e régiment de chasseurs à cheval. Pendant la révolte viticole du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, ce régiment qui se trouvait en garnison à Béziers (Hérault) fut à plusieurs reprises amené à participer à la répression de ces manifestations populaires. Le 30 août 1907 le régiment s’installait dans une nouvelle garnison, Valence (Drôme). François Puig fut promu brigadier le 12 octobre 1907. Il passa au 6e régiment de hussards le 2 octobre 1908 et contracta un nouvel engagement d’une année qui prit effet le 29 octobre 1909. Le 6e hussards était alors en garnison à Commercy (Meuse).

François Puig se maria le 24 août 1911 à Commercy avec Amélie, Jeanne Leib. Née à Commercy le 22 septembre 1890, Amélie Leib était la fille de François, Frédéric Leib, voiturier de trente-sept ans et de Marie Maillard, trente-quatre ans. À la veille de la guerre, le 17 juin 1914, Puig signa un rengagement de un an à compter du 29 octobre de la même année.

À la déclaration de guerre (1914), le 6e régiment de hussards était caserné à Marseille (Bouches-du-Rhône). Ce régiment rattaché à la 6e division de cavalerie fit mouvement vers l’est et participa à l’offensive initiale contre l’Allemagne en Lorraine puis en Sarre. Le 6 juin 1915, Puig fut promu sous-lieutenant à titre temporaire et muté toujours à titre temporaire au 150e régiment d’infanterie (RI). De janvier jusqu’au 10 août 1915, ce régiment était en position en Argonne. En août 1915, il fut déplacé en Champagne et participa à l’offensive française dans cette région à partir de septembre. Ce fut pendant cette offensive que Puig fut cité à l’ordre de la division : « officier très dévoué et très courageux stimulant pour ses hommes par sa présence constante aux points dangereux pour l’organisation des positions conquises. S’est particulièrement distingué les 25 septembre et 6 octobre 1915 ». Le 1er mars 1916, il fut promu sous-lieutenant à titre définitif. Le 15 mars 1916, le 150e RI prit position au Mont-Homme, à 15 km de Verdun (Meuse). Puig participa donc, en mars 1916, à la bataille de Verdun. Du 28 septembre au 12 octobre 1916, le 150e RI fut jeté dans la bataille de la Somme. Relevé à la mi-octobre, il repartit à l’attaque du 6 au 13 novembre. En janvier 1917, le régiment de Puig fut cantonné à Ville-sur-Tourbe (Marne). Le 16 avril 1917, rattaché à la 40e division d’infanterie, il fut engagé dans l’offensive du Chemin des Dames et participa à l’attaque de Mont-Sapigneul où il subit de très lourdes pertes. Bien que relevé après cet échec, il fut à nouveau engagé dans d’autres assauts meurtriers. Le 25 juin 1917, François Puig fut muté au 133e RI, unité gravement affectée par les et connut en juin les mutineries qui firent suite à l’offensive du Chemin des Dames. Le 6 juillet, il était promu lieutenant. Cette mutation et cette promotion faisaient partie des mesures adoptées afin de reprendre en main le 133e RI. La plupart de ses officiers (22 sur 37) furent mutés et remplacés par des hommes, dont Puig, venant d’autres régiments. Le 133e RI demeura d’abord en Champagne pendant l’été 1917, puis fut affecté dans le secteur de Verdun en novembre 1917. En janvier 1917, alors que le 133e RI faisait mouvement vers la Lorraine, Puig fut mis, le 5 de ce mois, à disposition du 5e régiment d’infanterie coloniale (RIC), cantonné d’abord dans le secteur de Saint-Mihiel (Meuse) jusqu’au mois d’avril, puis en Picardie. Puig a été remis à disposition du 133e RI à compter du 16 juin 1918. Le 15 septembre 1918, affecté à l’armée d’Orient, il participa à la campagne qui aboutit à la signature d’un armistice avec la Bulgarie le 19 septembre 1918 puis avec l’Autriche le 3 novembre1918. Puig fut cité à l’ordre du jour des troupes de Macédoine pour une action audacieuse contre des voleurs qui étaient venus se saisir de mulets dans le camp de Zeitelinck [Stavroupoli, camp du corps expéditionnaire en Orient, près de Thessalonique]. S’étant lancé à leur poursuite, « (..) après une chevauchée de 60 km a fait preuve d’audace en pénétrant au crépuscule dans un village perdu dans la montagne » et a mis la main sur les mulets quelques uns des voleurs. Cette action valut à Puig la croix de guerre avec étoile d’argent. Si l’on suit sa fiche du registre matricule, Puig cessa le combat le 23 octobre et participa du 24 octobre 1918 au 28 mars 1920 à l’occupation en « Orient « (sans précision de lieu). Le 27 octobre 1920, il fut affecté au 24e RIC puis au 1er régiment de tirailleurs sénégalais (RTS).

Le 24 août 1921, le 1er RTS fut muté au Maroc. Puig embarqua à Marseille pour Casablanca le 21 novembre. Il participa à des opérations militaires en 1923 et fut de retour à Marseille le 21 août pour un congé de fin de campagne. Nommé capitaine le 25 septembre 1923, il embarqua à nouveau pour le Maroc, le 8 juin 1925, avec le 24e RTS (ex 24e RIC), l’un des régiments « perpignanais », afin de participer à la guerre du Rif. Le 16 octobre 1926, il embarquait à Casablanca pour un congé de fin de campagne.

Ayant réintégré son corps le 9 février 1927, puis affecté à la division d’infanterie coloniale de Marseille il quitta, 26 mai 1927, Bordeaux pour Fort-de-France (Martinique) afin de prendre le commandement d’une compagnie affectée dans cette colonie. Le 30 juin 1930, le conseil de réforme de Fort-de-France le maintint en activité, avec une pension temporaire de 20 % pour « sclérose pulmonaire légère et séquelle de paludisme ». De retour en métropole —il débarqua au Havre le 14 juillet 1932—, il fut affecté au 13e RTS à Alger. La commission de réforme de cette ville constata un emphysème pulmonaire avec un léger ralentissement cardiaque et un paludisme ancien. Elle décida de son maintien en activité avec une pension temporaire de 10 %. La même commission fit un constat identique le 13 juillet 1934. Puig obtint malgré tout un congé à l’hôpital militaire d’Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) du 7 au 27 août 1934. Il embarqua pour Alger à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) le 5 octobre 1934. Il fut promu chef de bataillon (commandant) le 20 mars 1935. Il quitta Alger le 20 avril 1938 et rentra en métropole où il fut affecté au 24e RTS à Perpignan.

Déjà chevalier de la Légion d’honneur, Puig fut promu officier le 13 décembre 1938. Après la Seconde Guerre mondiale, il accéda au rang de commandeur de cet ordre entre 1946 et 1947.

Nous ignorons quand Puig quitta l’armée. Sa fiche du registre matricule des Pyrénées-Orientales ne va pas au delà de 1938 et reste, évidemment, muette en ce qui concerne les années 1939-1943. Après la seconde guerre mondiale, il fut promu au grade de lieutenant-colonel entre 1946 et 1947, après son départ à la retraite.

Dans un texte manuscrit (Rapport sur le mouvement ORA [dans les Pyrénées-Orientales], s. d., 3 p.), le capitaine FFI Jean Coste affirme que le commandant Puig fut « un résistant de la première heure ». Il n’indique toutefois pas dans le cadre de quel mouvement ou réseau. À ce jour, aucun document ou témoignage n’est venu étayer cette affirmation.

Au début de 1943, son engagement résistant était cependant suffisamment affirmé puisqu’il était en contact avec le colonel Joseph Guillaut chef de l’Organisation métropolitaine de l’Armée (OMA) en train de se structurer dans la XVIe région militaire. François Puig était membre de cette organisation depuis le 10 juin 1943. Le 10 août 1943, il participa, au mas Pistache (Perpignan) à la mise en place de l’Organisation métropolitaine de l’Armée, la future Organisation de la résistance de l’Armée (ORA), dans les Pyrénées-Orientales en présence du colonel Guillaut venu de Montpellier. Il commença par recruter, le 20 août, son adjoint, le capitaine Georges Bonfils puis étoffa et structura son organisation dans le département (Voir : Pruneta Noël, Sévajols Maurice, Reverte François) en recrutant non seulement des militaires de carrière mais aussi, en janvier 1944, parmi les cadres des chantiers de jeunesse et de Compagnons de France membres actifs de réseaux de résistance (Voir Pierre Cartelet, Blanc Charles). Sous son autorité, les Pyrénées-Orientales furent divisés en trois secteurs confiés au capitaine François Granet, par ailleurs ingénieur à la Société hydro-électrique du Roussillon (SHER) au nord de la Têt, au commandant Laurent Poch au sud de la Têt et au lieutenant Pruneta (Cerdagne et Capcir). L’ORA entreprit des actions de sabotage de lignes téléphoniques et de renseignement sur les fortifications allemandes le long de la côte roussillonnaise. D’après Jean Coste, elle regroupa jusqu’à 300 membres dans les Pyrénées-Orientales (printemps 1944). L’estimation des effectifs de l’ORA des Pyrénées-Orientales donnée par Camille Fourquet dans un tapuscrit inédit est moindre : l’ORA comptait 70 membres en mars 1944, 90 en avril, 110 à la veille du 6 juin. Le 9 mai 1944, Puig fut arrêté à son domicile par la Siecherheitspolizei (Sipo), mais « grâce à un artifice sur son identité » il fut relâché. Le lendemain la Sipo vint à nouveau l’arrêter, mais il s’était enfui et se cacha dans le département après avoir passé le commandement de l’ORA à l’aspirant Jean Coste. Il demeura cependant en contact avec l’ORA départementale jusqu’à la Libération (19-20 août 1944). Après la libération du département, Dominique Cayrol, chef des FFI devenu commandant de la subdivision militaire des Pyrénées-Orientales, lui confia lui confia le commandement des unités chargées de surveiller la frontière : elles devaient contrôler à la fois les collaborationnistes fuyant vers l’Espagne et les opérations des guérilleros de l’AGE se lançant à l’assaut d’un pays qu’ils voulaient libérer de la dictature franquiste et qui échouèrent en octobre-novembre 1944.

Après la Libération, François Puig adhéra au PCF. Rien dans ses antécédents n’avait révélé au grand jour une sympathie avec des idées de gauche qui auraient pu nuire à sa carrière dans l’Armée. La fédération départementale du parti ne manquait jamais une occasion de mettre en avant ses grades de lieutenant-colonel et de commandeur de l’ordre de la Légion d’Honneur dont l’éclat et le prestige confortait les siens.

En novembre 1946, il fut candidat du PCF sur la liste des candidats aux fonctions de grands électeurs chargés d’élire le Conseil de la République conduite par Pierre Terrat dans le premier secteur de Perpignan-Est. Il ne fut pas élu.

Aux élections municipales des 19 et 26 octobre 1947, François Puig fut candidat sur trente-cinq noms sur la liste du PCF conduite par André Tourné. Il ne figura pas parmi les douze élus du parti. Aux élections municipales des 26 avril et 3 mai 1953, le PCF conserva onze des douze sièges conquis en 1947. François Puig fut l’un d’entre eux. Il obtint 7503 voix, André Tourné étant l’élu communiste ayant rassemblé le plus de suffrages (7964). Les élus communistes continuèrent à siéger dans l’opposition municipale, le poste de maire ayant été confié au socialiste Félix Depardon, maire sortant, élu en 1949 après le décès de Félix Mercader. Aux élections municipales des 9 et 16 mars 1959. Au premier tour, il figurait sur la liste communiste conduite par Raoul Vignettes*. Avec 7723 voix, il obtint le sixième meilleur résultat (Vignettes, premier de la liste, 8074). Au second tour, il fut candidat sur la liste d’Union des gauches conduite par Félix Depardon, issue de la fusion des listes du PCF, de l’UFD (PSA, UGS, UP, Ligue des droits de l’Homme), une partie de la liste SFIO. Il obtint 11491 voix et se plaça en 21e position. La liste d’Union des gauches fut battue par celle conduite par Paul Alduy.

Après cette participation aux premières élections de la Cinquième République, François Puig se retira de la vie publique. En 1962, il rédigea, à l’intention de Camille Fourquet, correspondant départemental du comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale une monographie concernant les activités de l’ORA dans les Pyrénées-Orientales. Il collabora au travaux de ce comité sans doute jusqu’à la mort de Fourquet en 1965.

François Puig adhérait aussi à l’ARAC et à l’Association France-URSS. Outre les décorations déjà mentionnées dans la notice, François Puig avait reçu les Croix de Guerre 1914-1918 Orient, TOE (théâtres d’opérations extérieures), 1939-1945, la médaille de la Résistance, la Croix de combattant volontaire de la Résistance.

Après la Seconde Guerre mondiale, François Puig était domicilié 18 chemin de Mailloles à Perpignan. Veuf, il mourut à l’hôpital de Perpignan. Il fut enterré dans la plus stricte intimité. La secrétaire départementale de France-URSS et le secrétaire fédéral du PCF, Henri Costa, firent parvenir des messages de condoléances. Le Travailleur Catalan du 7 septembre 1978, souligna les qualités de François Puig, "homme bon et affable" qui "avait milité tout au long de son existence pour la paix et la démocratie".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161242, notice PUIG François, Joseph, Ferréol, alias « Dumas », pseudonyme de Résistance. par André Balent, version mise en ligne le 7 juillet 2014, dernière modification le 27 mai 2018.

Par André Balent

OEUVRE : Renseignements concernant l’Organisation de la résistance de l’Armée (ORA) dans les Pyrénées-Orientales, tapuscrit, 6 p., transmis le 3 octobre 1962 au Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale (Pyrénées-Orientales) le 3 octobre 1962 (Arch. dép. Pyrénées-Orientales 13 J 33, dossier ORA, fonds Camille Fourquet).
SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 2 E 754, registres de l’état civil de Céret, acte de naissance de François Puig ; 1 R 486, registre matricule, f° 564 ; 13 J 33, fonds Camille Fourquet (dossier ORA, plusieurs rapports dont celui rédigé par François Puig). — Arch. dép. Meuse, 2 E 125, état civil de Commercy, acte de naissance d’Amélie Leib. — Arch. com. Perpignan, acte de décès de François Puig, 1er septembre 1975. — Camille Fourquet, Le Roussillon sous la botte nazie, tapuscrit inédit , s.d. [1965), p. 40 (arch. privées André Balent). — Ramon Gual et Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, pp. 430, 441, 444, 781. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, pp. 204, 207, 216, 230-231, 316. — Le Républicain du Midi, 9 octobre 1947, 11 octobre 1947, 21 octobre 1947, 25 octobre 1947. — Le Travailleur Catalan, 22 novembre 1946, 30 novembre 1946, octobre 1947, avril 1953, mars 1959, 7 septembre 1978. — L’Indépendant, 28 et 30 avril 1953, 9 et 16 mars 1959, 6 septembre 1978.

ICONOGRAPHIE, Gual et Larrieu, op. cit., 1998, p. 441.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable