CHARPENTIER Henri

Par Frédéric Stévenot

Né le 26 juin 1924 à Neufchâtel-sur-Aisne (Aisne), fusillé le 8 avril 1944 à Saint-Quentin (Aisne) après condamnation à mort ; soudeur ou quincaillier ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans français (FTPF), groupe Liberté (ceux de la Résistance), région C du département de la Marne.

Henri Charpentier
Henri Charpentier
SOURCE : Collection particulière

Célibataire et domicilié à Neufchâtel, Henri Charpentier y fut arrêté sur dénonciation le 24 février 1944 avec vingt-trois autres résistants du même groupe par la Sipo-SD de Saint-Quentin pour « actes de franc-tireur, attentats et sabotages de voies ferrées ». Les arrestations suivirent celle de Paul Gillant, intervenue le 19, ce qui a jeté la suspicion sur lui : il a été accusé post mortem d’avoir donné les noms de ses camarades lors de l’interrogatoire, ce qu’aucun élément n’a permis de confirmer. Quoi qu’il en soit, dix-sept d’entre eux périrent : huit ont été fusillés ; huit sont morts en déportation ; un autre a été tué en mission.

Membre des FTPF depuis le 1er août 1943, Henri Charpentier était déjà engagé dans la Résistance. Depuis le mois d’août 1940, avec son père Albert, quincaillier à Neufchâtel, il avait facilité des évasions de prisonniers de guerre et avait constitué des dépôts d’armes dans la cave de la maison familiale.

Emprisonné à Saint-Quentin, il fut traduit devant le tribunal militaire allemand FK 602 de la ville (au 23 rue d’Isle), qui prononça le 7 avril 1944 sa condamnation à mort. Il a été fusillé le lendemain au champ de tir de La Sentinelle, route de Cambrai, par les autorités allemandes.

Homologué comme membre de la Résistance intérieure française (RIF) et DIR (GR 16 P 121684), la mention « mort pour la France » n’a pas encore pu être établie. Un site (GenWeb) indique que sa tombe porte une inscription indiquant qu’il aurait reçu la Légion d’honneur : cela n’a pas été retrouvé. Peut-être y a-t-il eu confusion avec son père, qui en fut décoré en juin 1962.

Henri Charpentier laissa deux dernières lettres à sa famille, l’une a transité par le canal officiel ; l’autre dans l’ourlet d’une manche de chemise.

Voici celle retrouvée par sa mère dans l’ourlet d’une manche de chemise :

« Ma chère Maman, frères et soeurs,
C’est le dernier mot que je vous envoie ; nous avons passé devant le tribunal ce matin : Gillant, Bégard, Dussart, Guibald, Virgile [Muteau], Diferdange, Liverneau. Soyez courageux et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Voici le verdict : le tribunal prononce pour chacun de nous la peine de mort.
J’ai été très courageux. Vous pouvez être fier de moi. Je n’ai pas peur de mourir. Nous avons demandé le recours en grâce. Maintenant il n’y a plus qu’à attendre. On ne sera peut-être pas fusillé. Je vais demander pour vous écrire. Prévenez Pol [il s’agit de son frère aîné, qui habitait Saint-Quentin]. Je suis en cellule avec Bégard, il y a un mot pour sa femme. Surtout que Maman soit courageuse ; qu’elle pense aux deux petits et qu’elle soit fière d’avoir un fils qui va peut-être mourir pour la France.
Je n’ai fait que mon devoir, je ne regrette rien.
J’ai bien pensé à vous ces jours derniers, ainsi qu’à Papa. Savez-vous où il se trouve. Vous embrasserez bien Pol et Denise pour moi, ainsi que toute la famille. Je revois encore les bons moments que nous avons passé ensemble. J’ai bien fait d’en profiter. Enfin tout n’est peut-être pas perdu et courage.
Je te quitte ma chère Maman en t’embrassant bien tendrement et pardonnes moi les fautes que j’ai commises, car si j’avais su, j’aurais été plus gentil avec toi, et vous, mes chères sœurs, je vous embrasse pour la dernière fois et promettez moi d’être gentilles avec Maman. Embrassez bien surtout mes deux petits frères que j’aime tant.
Adieu chers tous, Courage,
Henri ».

Voici ce qu’Henri Charpentier indiqua dans sa dernière lettre adressée par la voie officielle à sa famille (les points de suspension correspondent aux mots rayés par la censure allemande) :

« Mon cher Papa, ma chère Maman, mes grandes sœurs et petits frères, c’est la dernière lettre que vous recevrez. Soyez très courageux et forts. Je vais mourir […]. Nous avons été jugés hier à huit de Neufchâtel et nous avons été condamnés à mort. Dans deux heures, nous ne serons plus. Je n’ai pas peur de mourir […].
Nous allons nous confesser, puis communier avant de partir pour toujours. J’ai bien pensé à vous, mon cher Papa qui est encore prisonnier [il avait également été arrêté le 24 février 1944] ; tu m’avais pourtant bien prévenu. Et toi, ma chère Maman, qui t’es donnée tant de mal pour moi, je n’ai pas toujours été gentil avec toi, pardonne-le moi.
Vous mes chères sœurs, soyez fortes et courageuses. Soutenez Maman, car ça va lui faire un rude coup. Pour moi ce n’est rien. Dans deux heures, je n’y penserai plus et c’est à vous que je pense surtout en ce moment.
Nous n’aurons pas suivi Maurice [1] de loin. Vous, mon cher Pol, vous ma chère Denise et mon petit Alain que je n’ai pas connu, je vous dis adieu et je vous embrasse tous les trois bien tendrement.
Que Maman soit contente, je vais mourir en [Français] et en chrétien. Je ne croyais pas qu’on nous aurait été fusillés pour ce qu’on a fait. Moi qui voulais tant voir la fin de la guerre.
Enfin, n’en parlons plus, ce n’est pas moi qui suis le plus à plaindre. Je suis avec Bégard en cellule, il est très courageux aussi. Pensez à lui avec ses 3 gosses. C’est encore pis que moi.
Faites-vous une raison et que Maman pense qu’elle a deux petits garçons encore à élever et qui, je l’espère, ne verront plus de guerre si terrible. Je pense qu’on vous rendra mes affaires ainsi que mon portefeuille. Papa doit être bien triste. Ça va lui faire un rude coup, que son fils disparaisse comme celà, car je sais qu’il m’aimait bien, car à la maison, je faisais ce que je voulais. Qu’il me pardonne les fautes que j’ai pu commettre envers lui.
Je n’ai plu beaucoup de place. Je vous quitte donc, mon cher Papa bien aimé et vous ma chère Maman chérie. Je vous embrasse bien tendrement pour la dernière fois. Soyez forts et courageux. Pensez à ceux qui restent. Je vous embrasse aussi, mes chères grandes sœurs et surtout veillez sur Maman.
Embrassez bien Jean-Claude et Gérard [ses deux jeunes frères] pour moi. Adieu et courage, votre fils et frère qui aime. Henri ».

Vingt-sept résistants furent abattus le même jour, comme le rappelle la plaque commémorative posée sur le mur de l’ancien tribunal allemand. Après leur exécution une affiche fut apposée à Saint-Quentin : « Avis Important. Les 6 et 7 avril 1944, le tribunal Allemand compétent a condamné à mort une bande de terroristes pour avoir perpétré des attentats dans les départements de l’Aisne et du Nord, depuis l’été 1943 jusqu’au mois de février 1944. Ces terroristes ont non seulement commis des actes de sabotage sur les voies ferrées, les locomotives de chemin de fer et le canal de l’Aisne mais ont aussi attaqué à main armée les mairies et les fermes de la Région. Ce sont des armes et des explosifs lâchés par des avions anglo-américains qu’ils ont ramassés et qui leur ont servi à exécuter leurs attentats, par suite desquels nombre de personnes pour la plupart de nationalité française ont été tuées ou blessées. De plus, le secteur économique, c’est-à-dire notamment la population française du pays a essuyé des pertes déplorables. Les arrêts de mort précités ont été mis à exécution. Il y a lieu à cette occasion de rappeler encore une fois à la population civile les graves conséquences auxquelles s’expose quiconque participe à de pareils actes de terrorisme ou bien néglige d’avertir les autorités aussitôt qu’il a connaissance d’un attentat, soit effectué, soit projeté. Der Feldkommandant » (BVII). L’avis concernait les résistants arrêtés appartenant à différents groupes de la moitié nord du département et de Busigny (Nord), mais aussi la population de l’Aisne.

Un monument fut inauguré à Neufchâtel -sur-Aisne le 21 septembre 1947 avec les noms des dix-sept victimes du groupe. Il figure sur le monument de La Sentinelle à Saint-Quentin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161452, notice CHARPENTIER Henri par Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 9 juillet 2014, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Frédéric Stévenot

Henri Charpentier
Henri Charpentier
SOURCE : Collection particulière

SOURCES : Arch. dép. Aisne, J1447, J 1461/13, 6 M 641/3. DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). SHD, dossiers adm. des résistants. Notes Jean-Pierre Besse, Jocelyne et Jean-Pierre Husson. Jacques Sénéchal, « Aisne 44. La dernière lettre », L’Union, non daté (lettre non intégrale). Pol Charpentier, La Résistance dans l’Aisne. Neufchâtel-sur-Aisne. Le groupe « Liberté », sans lieu ni date, ni pagination (rédigé « quarante ans après » les faits, il comporte les deux lettres). — Monument de La Sentinelle, et plaque commémorative au 23 rue d’Isle (Saint-Quentin). — Sites Internet : Mémorial GenWeb. — Renseignements communiqués par Gérard Charpentier.

ICONOGRAPHIE. Coll. part.

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