STAMBUL Jacov, dit Jacques

Par Daniel Grason

Né le 26 décembre 1917 à Cetatea-Alba (Roumanie, Union soviétique, Ukraine), mort en 1989 ; étudiant, ingénieur chimiste ; résistant ; résistant de la Main-d’œuvre immigrée (M.O.I.) ; déporté à Buchenwald (Allemagne) ; militant du Mouvement de la Paix.

Jacques Stambul
Jacques Stambul

Jacov Stambul quitta la Roumanie pour la France, il étudia à la Faculté des sciences de Paris. Il fit partie du réseau Sylvestre-Buckmaster du 15 janvier au mois de juin 1943 en qualité d’agent P1 (non rémunéré). À la suite de l’arrestation de ses correspondants, il prit contact ainsi que sa compagne Menika Chilischi avec la M.O.I., le couple demeura 31 rue des Petites-Écuries à Paris (Xe arr.).
Deux inspecteurs de la BS2 repérèrent Jacov Stambul lors de filatures. Ils le décrivaient ainsi : « 1,72 m, 22 ans, cheveux bruns légèrement frisés, peignés en arrière, visage ovale allongé, teint pâle, gabardine beige, pantalon golf marron… » Ils l’observèrent le 30 septembre 1943 vers 19 heures » avenue Courteline à Paris (XIIe arr.) alors qu’il parlait avec Joseph Boczor surnommé « Ivry » et Émeric Glasz « Laporte ». Jacov Stambul devint « Courteline » pour les policiers, à 19 heures 45 il prenait le train de la ligne de Sceaux à la station Denfert-Rochereau. Le 15 octobre à 7 heures 45, Jacov Stambul était vu avec Joseph Boczor boulevard Raspail à Paris, puis il était repéré le 20 octobre vers 18 heures 10 sur le quai du métro de la station Réaumur-Sébastopol.
Des inspecteurs de la BS2 arrêtèrent Jacov Stambul le 17 novembre 1943 sur son lieu de travail 19 rue Bouchardon à Paris (Xe arr.), il était porteur d’une fausse pièce d’identité au nom de Jacques Vaja, sellier, demeurant 43 avenue Richaud à Arcueil (Seine, Val-de-Marne).
Sa chute faisait suite aux filatures et à l’arrestation le 26 octobre de Joseph Dawidowicz, commissaire politique des FTP-MOI de la région parisienne qui coordonnait le travail politique, disposait de liaisons avec la direction de la M.O.I. et avec celle des FTP, il en était également le trésorier, un poste clef. Les policiers saisissaient dans ses domiciles clandestins des listes d’effectifs, des comptes rendus d’activité de la M.O.I., des ordres du jour des FTP, un état numérique dactylographié des divers détachements, etc. Le 17 novembre 1943 soixante-sept membres des FTP-MOI et de la M.O.I. étaient interpellés. Emmené dans la salle 36 des locaux des Brigades spéciales il fut battu à coups de nerf de bœuf, torturé.
Livré aux Allemands, incarcéré le 25 novembre à la prison de Fresnes, il était déporté au départ de Compiègne le 23 janvier 1944 à destination de Buchenwald (Allemagne).
Le 11 avril 1945 dans l’après-midi, l’armée américaine conduite par le général Patton libérait Buchenwald. Un Comité militaire clandestin international l’accueillit. Le Comité des intérêts français était composé de : Frédéric-Henri Manhès, Albert Forcinal, Marcel Paul, Robert Darsonville et Jean Lloubes représentaient les français au sein de ce comité précisa Olivier Lalieu dans son ouvrage La zone grise ? La résistance française à Buchenwald.
Dans 1945 La découverte, Annette Wieviorka soulignait : « c’est avec l’arrivée du résistant communiste Marcel Paul, en mai 1944, qui devient l’interlocuteur des dirigeants allemands, que le parti communiste français s’organise véritablement à Buchenwald et qu’il rassemble d’autres courants de la Résistance dans le Comité des intérêts français. Désormais, le Comité est à présent dans l’organisation de résistance du camp et peut protéger certains détenus. »
Jacov Stambul matricule 42077, était parmi les neuf cent quatre-vingt-dix survivants du convoi.
À son retour, il fut hébergé au centre d’accueil de l’Hôtel Lutétia, boulevard Raspail, Jacov Stambul vint témoigner le 4 mai 1945 devant la commission rogatoire présidée par un Juge d’instruction. Concernant son arrestation, il déclara : « J’ai subi plusieurs interrogatoires, à chaque interrogatoire j’ai été frappé brutalement à coups de poings et notamment à coups de nerf de bœuf. Au cours du second interrogatoire, j’ai été frappé pendant plus de quatre heures, j’ai eu sept évanouissements, à chaque fois ils attendaient que [je reprenne] mes sens et la séance de torture recommençait. J’ai été piétiné, et j’ai eu le nez tordu avec une clef anglaise, j’ai eu les doigts enfoncés dans les yeux ».
Il reconnut sur photographies trois inspecteurs tortionnaires : « C’est [Gaston] Barrachin qui m’a tordu le nez avec la clef anglaise et qui m’a enfoncé les doigts dans les yeux ». « Je signale que les inspecteurs qui m’ont arrêté ne m’ont pas frappé ». Il porta plainte contre les inspecteurs qui l’arrêtèrent ainsi que son amie Menika Chilischi et « notamment ceux qui se sont rendus coupables de sévices à mon égard  ». Gaston Barrachin était jugé en octobre 1945, condamné à mort, il fut exécuté.
Jacov Stambul a été homologué au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC) et Déporté interné résistant (DIR).
Il fit connaissance avec Dwora Vaenberg, une compatriote qu’il épousa en 1947. En 1960 le couple demeurait 5 allée Charles-Chaplin au Clos La Garenne à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). La nationalité française leur était accordée par décret du 1er mars 1955. Il fut identifié par la police comme l’un des organisateurs d’une réunion publique du Mouvement de la Paix « contre la renaissance du militarisme allemand » qui se déroula à Fresnes le 21 décembre 1960. Jusqu’au milieu des années soixante-dix, il était connu selon la police pour avoir « des idées de tendance progressiste, sinon communiste ». Il fut membre du PSU à Fresnes.
Le couple Stambul a été enterré dans le carré juif du cimetière de Fresnes.
Leur fils Pierre fut un syndicaliste de l’enseignement, élu national de l’École émancipée puis animateur de l’Émancipation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161670, notice STAMBUL Jacov, dit Jacques par Daniel Grason, version mise en ligne le 27 avril 2017, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason

Jacques Stambul
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SOURCES : Arch. PPo. GB 137 BS2, PCF carton 15 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste du 29 novembre 1943, 77W 3111, 77W 3460, GB 137 BS2 (fiche de filature n° 35). – Bureau Résistance GR 16 P 556103. – Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Les policiers français sous l’Occupation, Éd. Perrin, 2001. 2001. – Annette Wieviorka, 1945 La découverte, Éd. du Seuil, 2015. – Olivier Lalieu, La zone grise ? La résistance française à Buchenwald, préface de Jorge Semprun, Éd. Tallandier, 2005. – Pierre Durand, Les Français à Buchenwald et à Dora, Éd. Sociales, 1977. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004.

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