RAJMAN Marcel [RAJMAN Miezyslaw, dit couramment RAYMAN Marcel]

Par Daniel Grason

Né le 1er mai 1923 à Varsovie (Pologne), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; tricoteur ; militant communiste ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.

Marcel Rajman.
Marcel Rajman.

Fils d’un couple de tricoteurs Moszek et Chana, née Peltin, Marcel Rajman était le frère de Simon, la famille demeurait 1 rue des Immeubles-Industriels à Paris (XIe arr.). Il alla à l’école primaire obtint le CEP et le Certificat d’Études Commerciales (CEC). Il fréquenta le patronage laïc du Yiddisher Arbeiter Sport Club (YASK), affilié à la FSGT. Raflé en décembre 1941, Moszek militant communiste était déporté le 22 juin 1942 par le convoi n° 3 au départ de Drancy à destination d’Auschwitz (Pologne), il y mourut.
Prévenus de la rafle du 16 juillet 1942, Simon et Chana quittèrent leur domicile, se réfugièrent dans une planque au 296 rue de Belleville, (XXe arr.), près de la Porte des Lilas, puis 68 boulevard Soult à Paris (XIIe arr.) Marcel Rajman fut membre de l’Union de la Jeunesse Juive animée par Henri Krasucki, FTP-MOI, membre du 2e détachement juif matricule 10305, puis en juin 1943 de l’équipe spéciale. Dans la clandestinité il rendait régulièrement visite à son petit frère et à sa mère boulevard Soult, (XIIe arr.).
Il participa à la diffusion de tracts, collage de papillons, inscriptions à la craie sur les murs, à la suite de contacts, il entra dans les FTP. Il participa le 27 février 1943 vers 19 heures 50 à un attentat contre l’Hôtel Saint-Honoré réquisitionné par les allemands au 12 rue Berryer (VIIIe arr.), un soldat allemand a été blessé. Il porta le pseudonyme de Michel, matricule 10505, fut affecté à l’équipe spéciale des FTP-MOI.
Le 3 juin 1943 vers 17 heures à la hauteur du 1 rue Mirabeau, « Michel » et « Charles » ainsi que Marcel Rajman et Émile Verlynt attaquaient un autocar transportant des marins allemands. L’un lança une grenade qui éclata à l’intérieur faisant sept blessés dont un grave. Des marins se lançaient à la poursuite des deux hommes, tiraient à plusieurs reprises blessant Émile Verlynt, celui-ci se suicida. Trois passants dont une fillette étaient blessés par les marins, la fillette mourut à l’hôpital. Le 18 juillet Marcel Rajman était dans l’équipe qui jeta une grenade contre un officier supérieur allemand. Le 21 juillet dans la matinée, il était dans l’équipe qui élimina un traître, Frydkowski à l’angle des rues Dieu et de l’Entrepôt dans le Xe arrondissement.
Marcel Rajman était repéré par des policiers des Renseignements généraux le 27 juillet 1943 vers 10 heures 45, alors qu’il entrait au 68 boulevard Soult pour rendre visite à la mère et à son frère, le lieu était surveillé par des inspecteurs des Renseignements généraux. En cet été 1943 très chaud, Marcel et ses camarades fréquentaient la piscine des Tourelles et celle de la Porte de Pantin. Il retrouvait ses copains des Jeunesses communistes et de la M.O.I. André Terreau, René Coureur et Ladislas Fulop et son frère Simon dans leurs bistrots attitrés « Chez Bouboule », au 80 boulevard Diderot, (XIIe arr.) ou « Aux Platanes » 39 avenue de la Porte de Pantin, (XIXe arr.).
Le 28 juillet 1943 vers 9 heures, ils étaient quatre dont Raymond Kojitski dit Pivert et Marcel Rajman dans l’équipe qui lança une grenade contre l’automobile du lieutenant-colonel Ratibor à l’angle de l’avenue Paul-Doumer et de la rue Vital (XVIe arr.). En compagnie de trois autres jeunes FTP parmi lesquels Raymond Kojitski, le 9 août 1943 il participa dans le XIIIe arrondissement à une opération de récupération de documents au domicile d’une militante de l’organisation qui avait été arrêtée.
Le 19 août vers 9 heures, Parc Monceau, (XVIIe arr.) Marcel Rajman était dans l’équipe qui attaqua un officier allemand le blessant d’un coup de feu. Christina Boïco dite Monique, juive roumaine, responsable du service de renseignements des FTP-MOI parisiens remarqua en mai 1943 une grosse Mercedes qui pénétrait rue Saint-Dominique interdite aux automobiles et entrait dans la Maison de la Chimie. Immatriculée « ZF 10 » (Zivil Fahrzeuge), fanions à croix gammées sur les ailes indiquaient l’importance du personnage transporté. Elle repérait à plusieurs reprises le véhicule et d’où il partait, le 18 Rue Pétrarque derrière le Trocadéro dans le XVIe arrondissement. Tous les matins l’homme partait à 8 heures 30 de son domicile, elle transmettait l’information à Boris Holban.
L’équipe spéciale composée de Marcel Rajman, Celestino Alfonso et de Leo Kneler furent chargés d’exécuter l’illustre inconnu. L’attentat eut lieu le 28 septembre 1943 vers 9 heures 20, Celestino Alfonso tira le premier, les balles brisèrent les vitres du véhicule, l’homme était gravement blessé, tentait de sortir par la porte opposée et se trouva face à Rajman qui tira à trois reprises. L’homme abattu, Julius Ritter était général SS, responsable de l’envoi des jeunes Français pour le STO en Allemagne, sous l’autorité de Sauckel, ami personnel d’Hitler. Le journal collaborationniste Le Matin du 29 septembre 1943 rendit un hommage à Ritter qui se concluaient ainsi : « Tous les Français flétriront un tel crime et souhaiteront l’arrestation et le châtiment des assassins, à la solde de la collusion anglo-américano-communiste ».
Le 2 octobre 1943 vers 20 heures 55, un autobus des troupes d’occupation passait à la hauteur du 190 avenue d’Italie, (XIIIe arr.). Un engin explosif était jeté, seize soldats furent blessés, l’un décéda des suites de ses blessures. Le 12 octobre vers 19 heures 30, deux hommes se présentaient au 2e étage de l’immeuble du 69 Boulevard Voltaire, (XIe arr.). Anna Migdal entrouvrit la porte, l’un des deux hommes demandait à parler à Leyser son mari, tailleur pour lui confier du travail. Le mari répondit que les juifs n’avaient pas le droit de travailler. Les hommes entrèrent en force, l’un sortit deux pistolets et tira à bout portant. Atteint au poignet gauche et au bas ventre, hospitalisé à l’Hôtel Dieu, ses intestins perforés provoquèrent une hémorragie interne. Leyser Migdal était connu comme un indicateur de la police.
Plusieurs FTP-MOI Marcel, Celestino Alfonso [Pierrot] et Marcel Rajman [Michel] se retrouvèrent le 22 octobre à la station de métro Ternes. Ils se dirigeaient vers l’avenue de la Grande-Armée. Objectif, le grenadage du café « La Terrasse » où l’armée allemande avait ses habitudes. Un gardien de la paix était de surveillance devant l’établissement, un combattant lança une grenade, le policier se précipita vers lui, siffla pour alerter ses collègue. Marcel Rajman tira en l’air pour l’intimider. L’équipe se dirigea très rapidement à la station Ternes…
Nouvelle opération le 26 octobre où Marcel Rajman [Michel] retrouva Marcel et Celestino Alfonso [Pierrot] vers 16 heures 30 à la station de métro Cadet. Marcel Rajman lança une grenade à travers les vitres de la fenêtre de la salle de restaurant. Deux gardiens de la paix qui surveillaient l’établissement se précipitèrent sur Alfonso qui tira plusieurs coups de feu, les policiers de dirigèrent alors sur Rajman qui les évita et s’enfuyait en tirant tout en courant. Tous les trois se retrouvèrent au métro Sentier où ils rendirent les armes et se séparèrent. Á la suite de cette opération mouvementée, Marcel Rajman exprima le souhait de changer d’équipe, il rencontra Missak Manouchian dit Georges, et il attendit sa nouvelle affectation.
Le même jour des inspecteurs de la BS2 interpellaient Joseph Dawidowicz dit Albert, commissaire politique des FTP-MOI parisien depuis mai 1943. Dans l’un de ses domiciles clandestins, ils saisissaient notamment des listes d’effectifs et un état numérique dactylographié des détachements FTP-MOI. Dawidowicz entraîna dans sa chute l’arrestation de combattants FTP-MOI et de militants de la Main d’Œuvre Immigrée (MOI).
Le 16 novembre 1943 vers 13 heures 30 des inspecteurs de la BS2 interpellaient Marcel Rajman et Golda Bancic rue du Docteur Paul-Brousse, (XVIIe arr.). Fouillé il portait sur lui des faux-papiers au nom de Michel Rougemont, des notes sur la surveillance du commissaire Fernand David de la BS1. À son domicile clandestin du 296 rue de Belleville les policiers saisirent six grenades Mills et six détonateurs, cinq pistolets automatiques avec chargeurs armés et un lot de cartouches de 7,65 m/m, deux brochures, des feuillets dactylographiés portaient des indications sur l’activité des FTPF, une feuille manuscrite relatant la surveillance du commissaire Fernand David de la BS1.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, Marcel Rajman fut battu, torturé, il vit une dernière fois Chana sa mère et son frère Simon. Il fut livré aux Allemands. Marcel Rajman était l’un des vingt-quatre accusés qui comparaissaient le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas, la presse aux ordres des Allemands dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2.300 francs par mois ».
Marcel Rajman fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 heures 40 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Son nom et sa photographie figuraient sur l’Affiche rouge placardée par les nazis sur les murs des grandes villes : « Rayman : Juif polonais 13 attentats ».
Son frère Simon témoigna devant la commission d’épuration de la police, il déclara : « Mon frère a été frappé avec une sauvagerie sans égale par [quatre inspecteurs de la BS2] et peut-être d’autres que je ne connais pas ; le premier jour de son arrestation il a été frappé pendant cinq heures avec deux nerfs de bœuf ; deux jours après son arrestation il ne marchait qu’avec peine et ne pouvait ni s’asseoir ni se coucher et il avait le corps noir des coups reçus. »
« Une perquisition effectuée à mon domicile illégal a amené la découverte de tracts et de journaux clandestins, l’appartement a été mis entièrement au pillage, tout a été dérobé. »
« Je porte plainte contre les inspecteurs qui nous ont arrêtés, je les considère comme responsables de notre déportation et de la mort de mon frère et notamment contre ceux qui nous ont frappés et qui se sont rendus coupables de vol à mon préjudice. »

Le nom de Marcel Rajman figure sur une stèle sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian 19 rue au Maire à Paris IIIe arrondissement, à Marseille, près de la gare d’Evry Petit Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161839, notice RAJMAN Marcel [RAJMAN Miezyslaw, dit couramment RAYMAN Marcel] par Daniel Grason, version mise en ligne le 23 avril 2017, dernière modification le 24 mars 2022.

Par Daniel Grason

Marcel Rajman.
Marcel Rajman.

SOURCES : Arch. PPo. 77W 3460, GB 137 BS2, PCF carton 15 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 29 novembre 1943, BA 1752, JA 235, IML du 5 juin 1943. – DAVCC, Caen, Boîte 5 B VIII, Liste S 1744 098/44 (Notes Thomas Pouty). – Annette Wieviorka, Ils étaient Juifs, résistants, communistes, Éd. Denoël, 1986. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Denis Peschanski, « Rayman Marcel », Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, 2006, p. 511. – Le Matin, 29 septembre 1943, 19 et 20 février 1944, 21 février 1944, 22 février 1944. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 186 cliché du 18 novembre 1943.

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