REBEYROL Jacques

Par Gilles Morin

Né le 3 février 1909 à Paris (VIe arr.), mort le 4 novembre 1951 ; avocat à la Cour d’Appel et journaliste ; militant socialiste parisien ; résistant, secrétaire général de l’OCM, chef du Service de renseignement Navarre ; député à l’Assemblée consultative provisoire (1944-1945).

Fils de Jean, Auguste, directeur au ministère des Travaux publics, et d’Yvonne Davy, Jacques Rebeyrol naquit dans un milieu bourgeois. Son grand-père paternel était avocat, son grand père paternel avait été Commissaire à la Marine. Il fit ses études au lycée Montaigne de 1917 à 1920, puis au lycée Louis le Grand, de 1920 à 1925. Il obtint alors le baccalauréat philosophie. Inscrit à la Faculté de Droit de Paris en décembre 1926, il obtint sa licence en Droit en 1929. Il passa 6 mois, d’octobre 1929 à mars 1930, à l’Institut de France à Londres. Il était par ailleurs titulaire d’un certificat de géographie coloniale et d’histoire moderne et contemporaine et diplômé de l’École des Sciences politiques. Il effectua son service légal dans la marine de guerre, à Cherbourg et à Toulon. Incorporé au 1er dépôt des équipages de la Flotte le 22 avril 1930, il fut embarqué sur le cuirassé Provence et sur le torpilleur le Foudroyant et fut libéré en avril 1931. Il avait été promu aspirant de réserve le 15 décembre 1930.

Inscrit au barreau de Paris en octobre 1929, stagiaire à la Cour d’Appel, Jacques Rebeyrol prêta serment comme avocat en février 1932 et exerça à la Cour de Paris jusqu’en 1941. Secrétaire de la conférence du stage des avocats en 1934, et secrétaire de la conférence à la Cour de Cassation et au Conseil d’État, il était en outre secrétaire de Me Laurent Cely, avocat à la Cour d’Appel et de Me Boniel, avocat au Conseil d’État. Il prépara à Sciences Po, le concours de l’auditoriat au Conseil d’État en 1931 et en 1934 et fut admissible. Il fut septième secrétaire de la conférence sous le bâtonnat de Thorp, après avoir réussi l’année précédente au concours de secrétariat de la Cour de cassation. Il plaida dans d’importantes affaires criminelles.

Jacques Rebeyrol a épousé le 30 avril 1938 à Paris XVIe, Jacqueline Roederer, née le 5 février 1911 à Leysin (Suisse). Ils eurent deux filles.

Des fiches de police le présentaient en 1927 comme passant dans son entourage comme proche des Jeunesses patriotes, mais le fait ne s’appuyait que sur des on dit. Il ne se fit plus remarquer par la suite sur le plan politique jusqu’aux années trente. Avec Georges Izard* et Gaston Bergery, il fut l’un des créateurs de La Flèche à laquelle il collabora durant trois années. En 1937, militant socialiste, après avoir été membre du parti frontiste, il collaborait par intermittence au journal L’Express du Midi, quotidien toulousain.

Rappelé en 1939, comme officier de réserve, au Front de mer de Sète à bord du croiseur Koutoubia, il participa aux combats de Méditerranée contre la marine italienne, puis fut démobilisé en octobre 1940 à Toulon avec le grade d’enseigne de 1ère classe. Rebeyrol ne reprit pas son activité au barreau après l’armistice, il fut commissaire à la marine durant la guerre.

Jacques Rebeyrol entra dans la Résistance dès 1940 par le biais du Mouvement national révolutionnaire (MNR) situé à l’extrême gauche, puis après la répression qui frappa celui-ci, en 1941 son ami et collègue Jacques-Henry Simon le recruta dans l’Organisation civile et militaire (OCM). Si le mouvement passait plutôt pour être de droite, il y côtoya d’autres socialistes, comme Georges Izard* et Jacques Piette*. Il participa à l’une des émanations de l’OCM, le réseau de renseignement Centurie, sous le pseudonyme de Robin. Blocq-Mascart élargissant en octobre 1942 le bureau civil de l’OCM y fit entrer les deux amis, Jacques-Henry, chargé de relations extérieures, et Jacques Rebeyrol, chargé de l’action politique et de la propagande. Il participa à la rédaction des Cahiers de l’OCM. Selon Blocq-Masquart, il avait dans la Résistance la double préoccupation de chasser l’occupant mais aussi de préparer l’après-Libération « pour arrêter une certaine décadence des institutions françaises et, bien plus, pour replacer la France en tête de la civilisation ». Il siégea au Comité directeur clandestin de l’OCM.
J. H. Simon ayant créé le réseau de renseignement Navarre, Rebeyrol en fut successivement agent P2, puis P1, principal adjoint de Simon, puis le chef. Il fut enfin nommé inspecteur régional des FFI pour le Sud-Ouest après l’affaire Grandclément qui avait décapité la Résistance régionale. Fin 1943, il fut l’un des trois avocats siégeant au Comité national judiciaire (voir les travaux de Liora Israël). Il était alors l’objet de recherches de la police allemande. Il quitta son domicile du 8 de la place Bonaparte en octobre 1943, entrant semble-t-il dans la clandestinité et son logement et celui de sa belle-mère firent alors l’objet d’une perquisition. Il fut arrêté le 29 février 1944 par les services de police allemands qui décapitaient alors l’OCM. Emprisonné à Loos trois semaines, puis transféré à Fresnes, il fut condamné à mort par un tribunal militaire allemand, semble avoir été oublié dans la confusion de l’été 1944 et fut libéré le 17 août par les Résistants. Il participa immédiatement aux combats parisiens.

Secrétaire général de l’OCM le 28 novembre 1944, puis vice-président de l’OCM l’année suivante, partageant le souhait d’un travaillisme français qui unirait les résistants sur un programme commun humaniste il fut membre du bureau politique de l’UDSR, puis membre de son comité directeur en 1946. Mais, comme Guy Mollet et Jacques Piette, qui figuraient dans la direction du mouvement de Résistance, il devait se replier sur la SFIO après l’échec de la création d’un grand mouvement issu de la Résistance.

Après la Libération, Rébeyrol a été nommé chargé de mission auprès des commissaires de la République pour le ministère de l’Intérieur. Désigné en octobre à l’Assemblée consultative provisoire de Paris, comme délégué du groupe des délégués de la Résistance, sa nomination étant validé le 7 novembre 1944 au titre de l’OCM. Il appartint à trois commissions : l’information et la propagande, la Justice et l’épuration, la réforme de l’État et la législation. Il a été le premier signataire d’une proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à frapper de nullité les décisions prises par les tribunaux d’Etat et les sections spéciales des cours d’appel (deuxième séance du 20 mars 1945, n° 367 rapport fait par Édouard Depreux, 7 juin 1945, n° 439). Celle-ci fut adoptée le 27 juin 1945. Il siégea au bureau politique de l’UDSR.

Comme d’autres anciens animateurs de la Résistance, Jacques Rébeyrol prit des responsabilités dans la presse nouvelle après la Libération, avec toutefois une préoccupation particulière pour les questions internationales. Directeur politique du Parisien Libéré en 1945, il en fut co-directeur en avril 1946, puis administrateur en juillet suivant. Il fit un voyage d’étude en Afrique et, à son retour, publia divers articles favorables à une évolution au Maroc. Correspondant de presse à la conférence de San Francisco, il fut éliminé de ce poste en février 1947, tant pour des raisons politiques que par un désaccord sur le fond du rôle d’un journal. Il déposa le titre d’un nouveau journal hebdomadaire, Vra, en octobre 1947. Il fit alors une série de chroniques à la Radiodiffusion.

En 1948, il se réinscrivit au tableau des avocats de la Cour de Paris et se spécialisa dans les affaires de propriété industrielle. Il fut candidat à l’Assemblée de l’Union française en 1948.

Militant de la 7e section SFIO, Rebeyrol participa à la rédaction du rapport de la délégation française à la conférence des Partis socialistes ayant accepté le principe de l’aide américaine en mars 1948. Il avait été tête de liste SFIO à la deuxième Assemblée nationale constituante en juin 1946 et aux législatives de et novembre 1946 en Haute-Saône, la fédération cherchant un candidat d’envergure nationale après que Deniau* se soit désisté, puis au Conseil de la République en 1946 dans le même département et enfin en 1951 dans l’Yonne. Il y fut placé en tête de liste, devant Gérard Vée* député sortant qui ne voulait plus être tête de liste. Revenu épuisé de la campagne électorale, il mourut d’une crise cardiaque quelques jours plus tard à quarante deux ans.

Officier de la Légion d’honneur à titre militaire, il était titulaire de la Croix de guerre et de la médaille de la Résistance.

Après sa mort, un groupe d’ami publia une plaquette d’hommage préfacée par Vincent Auriol. Tous évoquaient sa grande intelligence, son courage, mais surtout son charme, son humour et son ironie, allant jusqu’à l’autodérision. Robert Buron, ami de jeunesse, laissait discerner un homme tourmenté derrière cet humour, attiré par le moyen-âge, l’épopée Cathare. Il eut un enterrement religieux à l’église de Passy, puis fut inhumé au cimetière de Saint-Mandé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article161846, notice REBEYROL Jacques par Gilles Morin, version mise en ligne le 30 juillet 2014, dernière modification le 30 juillet 2014.

Par Gilles Morin

SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/113/A ; F/1cII/127/B ; 20010216/119/ 3160. — Arch. PPo, 1W958/44931 ; 77W790/262052. — Arch. de l’OURS, fond Lucien Coll et correspondance Haute-Saône. — Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 31. — D. Mayer, Les socialistes dans la Résistance, op. cit., p. 70. — La Gazette du Palais, 10-12 décembre 1952. — Jacques Piette, Vincent Auriol, Gaston Defferre, Maxime Blocq-Mascart, Georges Izard, J. L. Costa, Copper-Royer, Jacques Rebeyrol, Provins, sd, 120 p.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable