BÉNETON Jules, Adrien

Par Madeleine Singer

Né le 3 août 1918 à Paris (XIVe arr.), mort le 13 avril 1994 à Créteil (Val-de-Marne) ; chef d’atelier de CET ; membre du bureau national du Syndicat général de l’éducation nationale (SGEN) de 1964 à 1977.

Jules Béneton
Jules Béneton

Jules Béneton était l’aîné des deux enfants de Jules, Léon Béneton, mécanicien qui devint ensuite artisan dans l’Yonne ; il avait épousé Marie Delahache, cuisinière. Sorti de l’école primaire avec le certificat, Jules Béneton fut ouvrier mécanicien jusqu’à la guerre de 1939 ainsi que pendant sa captivité. Il appartint alors au MUR (Mouvement unifié de résistance) et au groupe Liberté. À son retour en France, il travailla dans un garage et passa en 1949 le concours d’entrée à l’ENNA. Il en sortit PTA et exerça à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) ; il fut ensuite muté à Rueil-Malmaison. Lors de l’élection à la Commission administrative paritaire nationale (CAPN) des PTA en 1969, il était titulaire d’un poste au CET annexé au lycée technique de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Permanent au SGEN de 1963 à 1977, il avait été nommé chef d’atelier en 1973. Il devint en 1977 permanent confédéral et prit sa retraite en 1981. Agnostique, il avait en septembre 1945, épousé une catholique, Jeanne Prat. Mais ils ne s’entendirent pas et se séparèrent ultérieurement, tout en continuant à habiter dans la même maison. Ils avaient eu trois enfants, une fille enseignante, les autres comptable et électronicien.

Jules Béneton ne se syndiqua qu’en sortant de l’ENNA. Il choisit la CFTC et en indiqua la raison dans une lettre d’octobre 1979 : « Pas question d’aller à la CGT : j’avais pratiqué les communistes en organisation de résistance en Allemagne. FO laissait déjà entrevoir ce qu’elle allait devenir : organisation réformiste, trop liée aux impérialistes et dont les responsables avaient pour objectif essentiel de "se placer". Restait la CFTC : les responsables de cette organisation à l’ENNA ont failli m’en écarter définitivement ; je n’avais et je n’ai toujours rien de commun avec le syndicalisme chrétien. Toutefois son évolution, la dynamique enclenchée au SNCPA, les perspectives offertes par le SGEN ont contrebalancé mes réticences ». Dès le congrès d’avril 1954, il fit partie de l’équipe nationale du Syndicat national des centres publics d’apprentissage (SNCPA) : membre du bureau et du secrétariat, il était trésorier des ENNA pour toute la France, avec en sus à partir de 1958 la responsabilité de la catégorie PTA.

En octobre 1963 il devint permanent car il était secrétaire national adjoint de la section des CET qui s’était intégrée dans le SGEN en 1962 ; le secrétaire de la catégorie, Paul Martinet* venait en effet de prendre la charge de l’action revendicative générale après le décès subit de Jean Brocard*. Réélu secrétaire des CET au congrès de 1964, P. Martinet fut de moins en moins disponible ; au comité national de septembre 1964, Jules Béneton fut donc élu secrétaire et entra en même temps au bureau national en cette qualité, tout en continuant à siéger au comité national où il avait été élu en 1962.

Ce furent pour lui des années d’intense activité. De 1959 à 1972, il siégea à la commission administrative paritaire nationale (CAPN) des PTA. De 1954 à 1969, il fut membre de la 5e sous-commission (réparation auto) de la commission professionnelle consultative de la métallurgie. Il participa aux groupes de travail du Haut comité de la formation professionnelle (1960-1961) ainsi qu’à l’intergroupe « formation-qualification » lors de l’élaboration du Ve plan (1969-1970). Il avait en même temps des fonctions internes à la CFDT : il fut membre de la Commission confédérale de formation professionnelle (1959-1972) et du groupe de travail « apprentissage » (1972-1979), avec rédaction des dossiers Apprentissage et de la plaquette Apprenti connais tes droits qu’il confectionna avec Marie-Thérèse Lina*. Lors de la préparation du rapport « Perspectives et stratégie » pour le congrès confédéral de 1970, on le retrouva dans le groupe de travail « Lutte contre les inégalités et les ségrégations ».

Mais depuis 1964 c’était sa charge de secrétaire des CET qui prenait la majeure partie de son temps. Les quatre organisations syndicales avaient déclenché une grève les 19 et 20 octobre pour protester contre les conditions difficiles dans lesquelles l’enseignement était dispensé, réclamant notamment un allégement des maxima de service. Dans les années qui suivirent, les éditoriaux de Jules Béneton évoquèrent régulièrement tant les diverses formes d’action (refus de fournir les sujets d’examen, etc.) que les multiples problèmes qui se posaient dans les CET : intégration en 1965 d’ex-officiers dans le corps enseignant, création en 1966 par le plan Fouchet des CET préparant en deux ans au brevet d’enseignement professionnel, ce qui aggravait les charges professionnelles, alors que ce plan prévoyait en outre un développement de l’enseignement professionnel patronal. On comprend qu’en février 1966, un de ses éditoriaux s’intitulât : « Notre vrai patron, le CNPF ». Le ministre Fouchet avait également prévu des sections d’éducation professionnelle pour les élèves de 14 ans qui n’avaient trouvé place ni en CEG, ni en CET. Informé par Jules Béneton, le comité national d’octobre 1967 vota une motion rappelant notamment la nécessité d’une scolarité à plein-temps jusqu’à 16 ans pour ces élèves qui n’avaient que 12 heures d’enseignement hebdomadaire, parfois moins. En même temps Jules Béneton participait à toutes les activités du SGEN, relatives à la formation professionnelle : lors des journées d’études des 14 et 15 janvier 1967, consacrées à la « formation des ouvriers qualifiés dans les perspectives du Ve plan », il fit un historique de l’enseignement technique et professionnel depuis la loi Astier. Le 20 janvier 1968, il présenta la « session nationale de formation professionnelle » en retraçant l’évolution de la situation.

C’est seulement en décembre 1966 qu’une circulaire ministérielle avait ramené à 23 heures le maximum de service des PEG et des PETT qui continuaient à réclamer les 21 heures dont bénéficiaient les professeurs de CEG. Il fallut les événements de Mai 68 pour qu’ils aient satisfaction. Quant aux PTA qui faisaient toujours 40 heures alors qu’ils en demandaient 30, c’est également en mai 1968 qu’ils obtinrent 32 heures. Jules Béneton avait fait partie de la délégation SGEN qui avait mené les négociations des 4 et 5 juin ; il avait participé le 27 juin aux discussions sur la prolongation de la scolarité, puis en juillet à la Commission de vie scolaire ainsi qu’aux audiences du ministre de l’Éducation nationale. La période qui suivit ne fut pas pour lui de tout repos car il fallut batailler pour obtenir l’application des mesures décidées en 1968. Le 16 avril 1970, il s’élevait encore contre le fait que le service de 21 heures des PEG et PETT n’était toujours pas officialisé, que pour les PTA le Ministre promettait seulement l’application de leur nouvel horaire à la rentrée de 1970 ! Il annonçait donc deux jours de grève la semaine suivante.

Nous ne pouvons nous étendre sur les péripéties de l’action syndicale pendant les sept années suivantes au cours desquelles Jules Béneton affronta les ministres successifs de l’Éducation nationale : Olivier Guichard, Joseph Fontanet, René Haby. Négociations et grèves alternèrent notamment à partir de 1972 car les quatre organisations syndicales des CET avaient lancé en mars une pétition réclamant une revalorisation indiciaire. Le 18 mai, O. Guichard annonça que les candidats au recrutement des ENNA justifieraient désormais de deux années d’études supérieures ; cela entraînait « le classement de tous les personnels de CET dans une catégorie unique bénéficiant d’une majoration indiciaire moyenne de 50 points ». Cette mesure, déclara Jules Béneton, « cadrait avec le principe que nous avions posé d’une revalorisation se situant à mi-chemin entre les indices actuels et ceux des certifiés ». Mais l’année 1973 fut l’année de « la grande mystification », selon l’expression de Jules Béneton. Le Ministre parlait de revalorisation « exceptionnelle » alors que la moitié des 50 points provenait des retombées du cadre B dont les fonctionnaires avaient été reclassés ; 25 points seulement constituaient une promotion de l’enseignement technologique. En outre cette revalorisation ne concernait pas les débuts de carrière et le Ministre en subordonnait l’octroi à l’acceptation par les syndicats d’un plan de perfectionnement qui commanderait l’application personnalisée de la revalorisation. Nouvelle bataille d’une année au sujet de ce plan dont Jules Béneton dénonça le caractère sélectif et autoritaire. Aussi le bureau CET déconseilla à ses adhérents de solliciter la charge d’animateurs de ces sessions instaurées par le Ministre, ceux-ci jouant en fait le rôle d’agents de transmission des directives ministérielles. Jules Béneton réclamait au contraire une formation continue correspondant aux vrais besoins du personnel. En outre, avec l’appui du SGEN tout entier, Jules Béneton continuait à revendiquer le respect de la scolarité à plein-temps jusqu’à 16 ans alors que la loi Royer que Fontanet avait fait voter en décembre 1973, autorisait les stages en alternance à partir de quatorze ans.

L’arrivée de René Haby en 1974 ne fit que substituer aux anciens griefs de nouveaux sujets de discorde. Le statut du personnel, modifié sans concertation avec les syndicats, fut contesté par Jules Béneton, notamment parce que ce statut renforçait les mesures disciplinaires. Quand se prépara le budget de 1975, Jules Béneton lança un « cri d’alarme », vu la dégradation des locaux, la situation critique des maîtres auxiliaires : on réduisait les postes budgétaires pour privilégier les formations privées alimentées par des jeunes issus de la loi Royer. Sous sa direction la section des CET participait à l’action menée depuis la rentrée de 1974 par le SGEN général sur le thème « Effectifs-emploi-conditions de travail » : il s’agissait de refuser dans les classes les élèves dépassant le chiffre maximum exigé pour l’efficacité pédagogique. Les créations de poste requises devaient à la fois alléger le travail des maîtres et fournir un emploi aux auxiliaires, alors que « les CET détiennent la palme en matière d’auxiliariat ». Au congrès de mars 1977, Jules Béneton reprit l’appel à la lutte qu’il lançait depuis des mois dans Syndicalisme universitaire : il faut se battre pour « l’avenir des CET », car le gouvernement prépare « la disparition de l’enseignement technique public ».

On peut donc être étonné de constater qu’après avoir mené un tel combat, l’équipe animée par Jules Béneton ne fut pas réélue à ce congrès. C’est que, depuis le changement de majorité intervenu en 1972 au sein du SGEN, la section nationale des CET était la seule ayant conservé les anciens dirigeants qui avaient soutenu Paul Vignaux* et Charles Piétri*. En 1968 Jules Béneton avait tout de suite adhéré à l’analyse de ceux-ci car, très lié à la tradition ouvrière, il avait été très méfiant à l’égard des discours étudiants de l’époque. Or en 1977 surgit dans quelques académies une opposition qui reprochait à l’équipe Béneton un « manque de démocratie » ainsi que son accord avec le SNETP-CGT sur les revendications et les formes d’action. Cet accord, qui faisait suite à l’accord CFDT-CGT de juin 1974, s’expliquait parce que Jules Béneton n’obtenait pas d’action commune ni avec le SNETAA, ni avec FO, vu que ces organisations faisaient confiance aux promesses du Ministre. C’est d’ailleurs pourquoi le SGEN-CET s’était en 1973 pour la première fois présenté seul aux élections des CAPN et s’était classé troisième par le nombre des suffrages, derrière la CGT longtemps majoritaire et le syndicat FEN en croissance.

Mais les opposants reprochèrent à l’équipe Béneton d’avoir signé « sans consultation réelle du syndicat général et des académies », alors que le texte de l’accord avait été soumis à la Commission permanente du SGEN qui l’avait accepté après de légères modifications de rédaction, acceptées également par le SNETP. Au congrès de 1977, le rapport d’activité du bureau sortant fut adopté par 48,8 % des suffrages. Mais le rapport d’orientation fut rejeté : l’écart était de 72 voix. Christine Berthonnet devint secrétaire nationale des CET. Jules Béneton quitta alors, avec la direction de la section, le bureau national et le comité national où il siégeait depuis tant d’années.

Mais il ne quitta pas pour autant l’action syndicale car il devint aussitôt permanent confédéral. Jusqu’à sa retraite en 1981, il s’occupa à la CFDT d’abord du recrutement et de la formation du personnel, puis d’études et de recherches sur la formation professionnelle. Il participa à des colloques à Bruxelles sur ce sujet, fit des voyages d’études en RDA et en URSS sur les systèmes éducatifs et les méthodes de formation professionnelle.

Jules Béneton avait adhéré au parti socialiste en 1977, après son éviction du SGEN. À cette époque la politique générale du secteur éducation du PS était assurée par le Premier secrétaire qui nommait un délégué national, lequel recrutait une équipe dont Jules Béneton fit aussitôt partie et où il demeura jusqu’à sa mort. Il dirigea le groupe de travail sur la formation professionnelle, puis joua un rôle d’animateur politique global du secteur auprès des différents responsables. Il assura en outre le secrétariat de rédaction de la revue École et Socialisme. Quand il prit sa retraite en 1981, il devint de fait un permanent qui préparait les réunions, qui coordonnait les actions lorsqu’il s’entendait bien avec le secrétaire chargé du secteur, ce qui fut presque toujours le cas. Par ailleurs en contact avec plusieurs députés socialistes, il tenait à jour une documentation de qualité qui facilitait leurs interventions à l’Assemblée nationale : il est ainsi devenu le président de l’amicale des assistants parlementaires. Toujours au second plan, il n’a jamais brigué de mandat électif, mais aida les élus, notamment ceux qui partageaient son idéal de probité et de dévouement à une œuvre collective. Il fut un militant exemplaire par son dévouement, son implication dans le travail, comme par son efficacité et la sûreté de ses analyses. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1982 par le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16238, notice BÉNETON Jules, Adrien par Madeleine Singer, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 23 juin 2010.

Par Madeleine Singer

Jules Béneton
Jules Béneton

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Th. Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, PUL ; Le SGEN Des origines à nos jours, 1993, Le Cerf (Arch. dép. Nord, J 1578). — Syndicalisme universitaire (1962-1977). — Photocopie des actes de naissance et de décès. — Lettres de J. Béneton à M. Singer, notamment 14 octobre 1979, 30 mai 1980, 25 juillet 1983, 14 janvier 1984. — Texte rédigé par M.-T. Lina avec le concours des amis de J. Béneton, 1er juin 1995. — Fiche remplie par le fils de J. Béneton, 29 avril 1997. — Lettres de Maurice Rémy à M. Singer, 2 mars 1997, 14 avril 1997, 19 mai 1997. — Lettres de Jean-Louis Piednoir à M. Singer, 18 janvier 1997, 7 avril 1997.

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