PÉRILLIER Louis, Marcelin, Marie

Par Gilles Morin

Né le 1er avril 1900 à Nîmes (Gard), mort le 15 avril 1986 à Paris (Seine) ; successivement militaire, préfet puis conseiller maître à la Cours des Comptes ; Résident général en Tunisie ; élu divers gauche de l’Yonne ; maire de Ronchère ; conseiller général de Bleneau (1967-1973) ; député CIR-FGDS (1967-1968).

Fils d’Henri, représentant de commerce et négociant et son épouse née Claire Allemand, Louis Périllier appartenait à une famille originaire de Nîmes. Après avoir fréquenté le lycée de Nîmes, il s’engagea volontairement en 1918 et suivit les cours de l’école de Saint-Cyr (promotion de la victoire, 1918-1920). À l’issue de ses trois années de service militaire, il prolongea son temps comme officier d’active et fit au total une carrière de quinze années, pour l’essentiel en Tunisie où il vécu sa première grande expérience de l’Afrique du Nord, comme jeune officier, affecté tout d’abord au 4e régiment de tirailleurs, puis au 4e régiment de zouaves. Revenu en France comme instructeur à Saint-Cyr en 1929, Louis Périllier soutint en 1932 une thèse de doctorat à la faculté de droit de Paris, portant sur la limitation des armements par la méthode budgétaire et le contrôle de cette limitation et se vit détaché à ce titre à la délégation française du désarmement auprès de la Société des nations (SDN) en octobre suivant. Il quitta l’armée comme capitaine en 1934, pour entrer dans l’administration préfectorale. Il fut successivement secrétaire général de la préfecture des Hautes-Pyrénées, sous-préfet de Bagnères-de-Bigorre dans le même département, avant d’exercer de nouveau en Afrique du Nord comme sous-préfet d’Orléansville (ex-El-Asnam et future Chlef) en octobre 1938. Favorable à une évolution progressive dans le monde colonial, il publia un ouvrage intitulé L’obstacle du statut personnel : le problème de l’intégration des indigènes algériens au sein de la famille française.

Mobilisé en septembre 1939, il exerça la fonction de capitaine d’un régiment de zouave et de tirailleurs Nord-Africains. En novembre 1940, revenu à la vie civile, il fut secrétaire général de la préfecture d’Alger. Il reprit l’uniforme après le débarquement du 8 novembre 1942, combattit en Tunisie puis fut nommé en juin 1943 secrétaire général du commissariat à l’intérieur auprès d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, puis préfet de Constantine, puis, le 1er juin 1944, préfet d’Alger. Il avait prêté serment au maréchal Pétain au cours du voyage de Pucheu en Algérie, en tant que représentant volontaire des fonctionnaires. L’épisode était connu à Alger et pesait alors qu’il avait été nommé Préfet. Il le plaçait en situation difficile "tant à l’égard des groupements patriotiques qu’à l’égard des membres des anciens groupements vichyssois” selon une note d’avril 1945. Ceci l’aurait amené à faire preuve de faiblesse “excessive” vis-à-vis des groupements politiques et syndicaux en 1945. Son rôle dans les événements qui précèdent les événements du 8 mai 1945 et la sanglante répression qui a suivie est discuté. Le gouverneur général Chataigneau, qui trouvait qu’il allait trop à l’encontre de sa politique a demandé sa mutation le 9 avril 1945. A-t-il participé à un « complot » de l’administration, avec Pierre-René Gazagne ? Venu le 18 avril comme préfet d’Alger dans la commune de Reibell lors du rassemblement annuel de l’Achaba – lequel organise le déplacement des nomades dans la zone tellienne, en présence de personnalités et de chefs musulmans –, il a ordonné l’arrestation de quatre nationalistes membre de la délégation au congrès des AML. Il a dû faire face à une émeute qui a libéré les prisonniers et humilié publiquement a dû fuir le terrain. Cette faute lui fut imputée, mais les événements suivants, avec la déportation de Messali et l’explosion du 8 mai devaient redistribuer les cartes.

Louis Périllier revint en métropole où il fut nommé préfet de la Moselle (mai 1947-1950) et Inspecteur général de l’Administration en mission extraordinaire (IGAME) pour la VIe Région militaire (Metz) à partir d’avril 1948. Sa carrière dans l’administration culmina avec sa nomination au poste de Résident général de France à Tunis en juin 1950, pour remplacer Jean Mons. Il avait pour se faire été mis à la disposition du ministère des affaires étrangères qui géraient les protectorats. Le ministre était Robert Schuman, par ailleurs député de la Moselle département dans lequel Périllier avait exercé trois ans. Schuman avait fixé sa mission, dans un discours le 10 juin 1950 : « comprendre et conduire la Tunisie vers le plein épanouissement de ses richesses et de l’amener vers l’indépendance qui est l’objectif final pour tous les territoires au sein de l’Union française ». Périllier, sans doute échaudé par son expérience de l’Algérie, s’efforça de procéder à des modifications institutionnelles dans le but d’ouvrir la voie à une « autonomie interne », puis à l’issue d’un cheminement très progressif d’aller vers l’indépendance. Cette politique qualifiée alors de « libérale » est marquée par un geste symbolique, la nomination de Salah Ben Youssef, secrétaire général du Néo-Destour, comme ministre de la Justice dans le gouvernement de Mohamed Chenik, à l’été 1950. Cette politique correspondait aussi à celle de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), l’organisation politique à laquelle avait adhéré Périllier, qui cherchait à définir une troisième voie entre ceux qui refusaient toute évolution et les séparatistes. L’UDSR comprenait dans ses rangs des personnalités qui eurent des responsabilités importantes outre-mer : Alexandre Varenne, Maurice Viollette, le général Legentilhomme ou bien encore François Mitterrand qui avait dirigé le ministère de la France d’Outre-mer et rallié à son parti le Rassemblement Démocratique Africain. Mais le déclanchement de la guerre de Corée et l’élection d’une nouvelle assemblée nationale plus à droite en juin 1951 vinrent bientôt freiner les aspirations libérales. Périllier rencontra la double opposition des colons français et des partisans de l’indépendance derrière Bourguiba. Le 31 octobre 1951, le premier ministre tunisien Chenik remit au président du Conseil, René Pleven, un mémorandum qui réclamait le plus rapidement possible l’autonomie interne. Périllier dans un rapport confidentiel qui accompagnait le document mit en garde le gouvernement sur des incidents qui ne manqueraient pas d’avoir lieu si la délégation tunisienne repartait les mains vides et proposait la reconnaissance symbolique de la pleine souveraineté de la Tunisie. Le 15 décembre 1951, après délibérations, le gouvernement par une lettre au Bey mit un terme à tout espoir d’évolution et reprit à son compte le concept de co-souveraineté défendu par la colonie française. Louis Périllier demanda à être relevé de ses fonctions. Il fut remplacé en janvier 1952 et nommé préfet hors cadres. Il intégra la Cour des comptes en qualité de conseiller-maître le 16 avril 1953. Peu après, il participa à la fondation de France-Maghreb, comité qui protesta contre l’arrestation du sultan du Maroc et rassemblait autour d’une majorité d’hommes politiques allant de la gauche modérée au socialistes, des administrateurs coloniaux et des intellectuels d’origine diverses, comme Robert Barrat et François Mauriac venus du catholicisme, l’historien socialiste Charles-André Julien ou Jean Dresch, proche du Parti communiste.

François Mitterrand, ministre de l’Intérieur du gouvernement Mendès France, nomma Louis Périllier Inspecteur général de l’Administration en mission extraordinaire (IGAME) pour les départements d’Outre-mer en septembre 1954. Il cumula cette fonction avec celles de directeur de cabinet de deux secrétaire d’État à l’Intérieur, Joseph Conombo (du 4 septembre 1954 au 20 janvier 1955), puis Raymond Mondon (25 janvier-5 février 1955). Louis Périllier fut ensuite nommé préfet de la Haute-Garonne et Inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire (IGAME) pour la 5e région militaire (Toulouse) le 23 septembre 1955. En mai 1958, il s’opposa au général Miquel, commandant la 3e Région militaire et chef de l’opération « Résurrection » visant à ramener au pouvoir le général de Gaulle par l’intimidation des autorités. Aussi, il dut quitter ses fonctions après le retour au pouvoir du général de Gaulle et, à sa demande, reprit ses fonctions de conseiller maître à la Cour des comptes du 15 juillet 1958. Il y travailla pendant quatre ans, avant de bénéficier d’un congé spécial en novembre 1962. Il exerça ensuite dans le secteur privé les fonctions de délégué général du Syndicat français de l’industrie du sucre, de 1962 à 1968. Il exerça ensuite comme avocat à la Cour d’Appel de Paris et fut professeur à l’Institut d’études d’outre-mer.

Désormais, Louis Périllier, tenu jusqu’alors par le devoir de réserve des hauts fonctionnaires, s’engagea plus ouvertement en politique. Il fut désigné membre du Conseil consultatif de l’Union des forces démocratique (UFD), constitué en juillet 1958 pour rassembler la gauche non communiste hostile à la Ve République (UGS, minoritaires socialistes, radicaux mendésistes, UDSR, LDH et des intellectuels). Proche de François Mitterrand*, il se présenta le 30 novembre 1958 aux élections législatives dans la 1ère circonscription de la Nièvre, comme “centre gauche”. Toujours membre de l’UDSR, il fut de toutes les tentatives de regroupement autour de Mitterrand qui préfigurait la constitution de la Convention des Institutions républicaines en juin 1964 : Ligue pour le Combat Républicain en 1959, Centre d’action institutionnelle en 1963, Rassemblement démocratique en octobre 1964, dont il fut membre du Comité directeur. Il appartint encore au comité national d’Horizon 80 qui appuya le projet d’une candidature de Gaston Defferre à la Présidence de la République en 1964-1965. Il participa aux principales rencontres qui marquent l’histoire du difficile rassemblement de la gauche non communistes, les colloques juridiques organisés par le bâtonnier Thorp* (il rapporta sur “les devoirs de l’État” au colloque sur l’enseignement d’octobre 1964) et les colloques socialistes organisés par Georges Brutelle en 1964. Il était présent encore au côté de François Mitterrand à la première réunion qui devait aboutir à la constitution de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), le 13 juillet 1965, peu avant l’élection présidentielle. Membre du comité national de l’UDSR en 1965, puis du présidium de la Convention des Institutions républicaines en 1967, ce fidèle du député de la Nièvre devait être nommé trésorier de l’Association nationale pour la candidature de François Mitterrand crée en novembre 1965.

Louis Périllier qui bénéficiait du soutien de la gauche non communiste en voie de rassemblement pouvait désormais se lancer dans une carrière électorale. Il choisit de se présenter désormais dans l’Yonne où la famille de sa seconde épouse, enseignante, avait une partie de ses origines. Élu maire de Ronchère, petite commune d’une centaine d’habitants en mars 1965, il fut nommé président de la fédération départementale de la FGDS l’année suivante. Investit par la FGDS dans la 1ère circonscription de l’Yonne, en vue des élections législatives de mars 1967, il mettait en avant dans sa profession de foi sa « large expérience des problèmes administratifs, économiques et sociaux » et proposait de la mettre « au service d’une population qui a besoin d’être défendue ». Son programme était résolument progressiste et à la pointe dans les rangs de la FGDS, avec la suppression des zones de salaires, une politique de « promotion de la femme » intégrant le soutien au planning familial, la retraite à 60 ans et un abaissement de la durée du service militaire. Il proposait la renonciation à la force de frappe et la construction d’une Europe démocratique à forme fédérale. Son suppléant était l’ancien député socialiste Gérard Vée, conseiller général de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Arrivé en quatrième position au premier tour, il fut des rares membres de la FGDS qui bénéficièrent du retrait du candidat communiste, [Guy Lavrat*, qui l’avait devancé au 1er tour (9 026 voix contre 8 454). Il l’emporta sur Jean-Pierre Soisson, candidat de la majorité, avec 54 % des voix des électeurs et fut élu député CIR-FGDS le 12 mars 1967. Parmi les élus de la FGDS, il était le vétéran avec François Mitterrand. Il siégea à la prestigieuse Commission des finances, de l’économie générale et du Plan de l’Assemblée nationale et se montra très actif au Palais-Bourbon (voir le Dictionnaire des Parlementaires français). Bien que semblant avoir consolidé sa position politique en octobre 1967, en étant élu conseiller général de Bléneau (il gagna le siège d’un indépendant qui ne se représentait pas), Périllier subit la vague gaulliste aux élections législatives qui suivirent les événement de Mai 1958. En dépit de la division de la majorité, il fut battu par Jean-Pierre Soisson en juin 1968, alors qu’il l’avait dépassé de plus de 3000 voix en 1967.

Louis Périllier s’éloigna alors de François Mitterrand en participant en mai 1969 au congrès d’Alfortville préparant le nouveau Parti socialiste où il intervint au double titre de président du bureau provisoire du nouveau parti pour le département de l’Yonne et comme membre de la CIR partisan d’une conciliation entre les deux organisations. Il appelait pour le deuxième tour à faire bloc contre Georges Pompidou avec le centre et proposait comme Gaston Defferre un président arbitre qui fasse appliquer la Constitution et qui immédiatement dissolve l’Assemblée. Il appartint au comité de soutien du courant animé par André Chandernagor qui publiait Démocratie socialiste, en mai 1970. Avec ce dernier, il participa à une initiative de caractère centriste en devenant secrétaire général de l’Association pour une alternative démocratie et progrès qui publiait le journal le Réformateur. Elle rassemblait le centriste Pierre Abelin, le socialiste, André Chandernagor, et les anciens radicaux Edgar Pisani et Michel Soulié. Contrairement à Chandernagor, il ne suivit pas François Mitterrand lorsque ce dernier prit la tête du Parti socialiste en 1971. Il abandonna ses prétentions électorales dans l’Yonne, ne se représenta pas aux élections municipales de Ronchères en 1971 dans sa petite commune de l’Yonne, mais fut candidat à Metz, et ne fut candidat pas non plus pour son renouvellement aux élections cantonales de 1973.

Périllier se situait désormais au centre gauche. Secrétaire général du Mouvement réformateur en mai 1971, il rompit rapidement avec son président Jean-Jacques Servan-Schreiber et adhéra au Mouvement des radicaux de gauche (MRG). Il fut candidat avec l’appui du MRG à une élection sénatoriale partielle le 3 juin 1973. Installé dans la banlieue sud, il participe au meeting départemental unitaire de la gauche en avril 1975, comme président de la fédération du Val-de-Marne du MRG.
Désormais, Louis Périllier se donna surtout à l’écriture et consacra les dernières années de sa vie à défendre les thèses mondialistes. Président du comité exécutif de l’Union fédéraliste mondiale (comité français), il assumait des fonctions plus ou moins honorifiques dans des associations internationales : il a été président, puis président d’honneur, de l’association France-RDA jusqu’en 1978, membre du club de Dakar depuis 1976, président de l’Association France-Tunisie de 1977 à 1986,. Il a été encore co-président, avec Gérard Jaquet, de l’Association démocratique des français à l’étranger, crée en 1980, parmi les sympathisants socialistes, il était enfin membre de l’Académie des sciences d’Outre-Mer.
La gauche au pouvoir n’oublia pas totalement Périllier qui fut désigné par le ministre des Relations extérieures Claude Cheysson en septembre 1982 au Conseil supérieur des Français de l’étranger, dont il assumait la Vice-présidence. Candidat aux élections sénatoriales de septembre 1983 pour représenter les Français établis hors de France, il ne fut pas élu.

L’ancien militaire, colonel de réserve, décéda à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à quatre-vingt-six ans Croix de guerre 1939-1945, il a avait été peu avant cela nommé Commandeur puis Grand Officier de la Légion d’Honneur en janvier 1986.
Marié, le 15 novembre 1921 à Clémence Cubisol, décédée le 8 mai 1955, il se remaria le 27 juillet 1955 suivant à Yolande Azeau, institutrice née le 31 décembre 1929. Il fut père de cinq enfants, dont trois pour son deuxième mariage.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article162388, notice PÉRILLIER Louis, Marcelin, Marie par Gilles Morin, version mise en ligne le 10 août 2014, dernière modification le 10 août 2014.

Par Gilles Morin

OEUVRE : Louis Périllier, outre sa thèse citée, était l’auteur de nombreux articles sur l’Islam et sur les problèmes administratifs, comme « L’évolution du statut personnel dans le monde musulman ,- conférence prononcée le 22 mars 1958 à l’Association Guillaume Budé par Louis Périllier, parue en brochure. Il publia plusieurs ouvrages Demain le gouvernement mondial, Grassin, 1975 ; La Patrie planétaire, Robert Laffond, 1976 ; Le Mondialisme, ed. Que Sais-je ? PUF ; La conquête de l’indépendance tunisienne, Robert Laffont, 1979.

SOURCES : Arch. Nat., F/1cII/562 ; F/7/15555 ; 19780654/61 ; 19890523/9 ; 20040455/5. — Arch. de l’OURS, dossiers Yonne ; 2/APO/1 et 2. — Arch. PPo. 66 336. — Arch. de l’OURS, dossiers Yonne et 2/APO/1 et 2. — Arch. Assemblée nationale, dossier biographique. — Notice du Dictionnaire des Parlementaires français, site de l’Assemblée nationale.

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