RAIGA Aude, Germaine, Jacqueline

Par Pascale Le Brouster

Née le 29 mars 1932 à Paris (XVIe arr.), morte le 12 avril 2016 à Clamart (Hauts-de-Seine) ; enseignante au lycée privé Charles Péguy et à l’Université de Vincennes (1968-1977) ; secrétaire confédérale au secteur économique de la CFDT (1962-1968), au secteur international (1977-1989) ; chargée de mission pour la CFDT auprès de l’IRES et du CES (1989-1997) ; secrétaire générale adjointe de l’UCR-CFDT de 1991 à 2000 ; militante au CISED depuis 2000.

Notices et portraits des membres du Conseil économique et social, février 1985.

Fille d’un médecin, petite-fille d’un officier supérieur par sa mère, Aude Raiga naquit à Paris dans le XVIe arrondissement au sein d’une famille bourgeoise très ancrée à droite. Quoiqu’issue d’un milieu très traditionnel, sa sœur et elle purent faire les mêmes études que leurs deux frères aînés, et Aude Raiga fut même encouragée dans cette voie. Elle suivit son cursus secondaire dans le très renommé centre Madeleine Daniélou Sainte-Marie de Neuilly et obtint son bac en 1950. À cette date, elle entra à Sciences-Po Paris. Les années qu’elle y passa jouèrent un rôle important dans la construction de son identité militante. En effet, ce fut au sein de cette grande école qu’elle découvrit l’histoire ouvrière, en particulier à partir du rapport Villermé sur la condition ouvrière, et qu’elle « se convertit au socialisme ». Sachant qu’une partie de la CFTC menait une réflexion sur le socialisme démocratique, sensible également à la méthode initiée, avec laquelle militants ouvriers et intellectuels s’enrichissaient mutuellement, Aude Raiga décida de faire un stage d’études au sein de la centrale. Elle sortit diplômée de Sciences-Po Paris en 1954. Parallèlement, elle obtint une licence d’histoire-géographie (1953) ainsi qu’une licence de droit (1958). Enfin, elle s’engagea dans une thèse de sciences économiques intitulée La théorie du « take-off » et les économies sous-développées qu’elle soutint en 1961.

Devenue docteure, et à la recherche d’un emploi, elle postula, sur les conseils d’un ami, au secteur économique de la CFTC. Forte de ses compétences et de l’intérêt qu’elle avait manifesté quelques années plus tôt pour cette organisation syndicale, elle y fut embauchée comme secrétaire confédérale le 1er novembre 1962. Elle travailla ainsi aux côtés d’un militant pour qui elle a toujours gardé un grand respect, René Bonety, alors responsable du secteur économique de la CFDT. Au sein de ce secteur, elle fut chargée des informations économiques, des études économiques, de participer aux activités du « Plan », d’intervenir aux sessions de formation.

À côté de son activité au sein du secteur économique, elle s’engagea également à la commission féminine confédérale de la CFTC-CFDT (CFC) qui connaissait alors un profond renouvellement. Remarquée pour ses qualités d’écriture et de synthèse, Simone Troisgros*, alors secrétaire générale adjointe de la CFTC et présidente de la CFC, la convainquit de participer à ladite commission ce qu’elle fit à compter de septembre 1963. Un an plus tard, en septembre 1964, Aude Raiga intégra même l’équipe fonctionnelle, équipe restreinte dont la CFC s’était dotée depuis 1963 pour suivre les questions « travailleuses » ; elle y participa aux côtés de Jeannette Laot, Simone Troisgros, Renée Lambert, Élisabeth Martinie et Aimée Jeantet. Au sein de cette commission, elle était, selon ses propres mots, « quelqu’un d’un peu à part ». En effet, contrairement aux autres membres de la CFC, qui étaient toutes des militantes en responsabilité, Aude Raiga y était en tant que secrétaire confédérale employée par la CFTC-CFDT. De même, quand la majorité des membres de la CFC était issue d’un milieu modeste et était pour la plupart ouvrières, Aude Raiga venait d’un milieu bourgeois et était universitaire. D’ailleurs, au sein de la CFTC-CFDT, de part son statut de jeune femme célibataire, intellectuelle, universitaire et bourgeoise, elle avait l’impression de cumuler tous les handicaps ce qui la conduisit à s’autocensurer et à travailler deux fois plus pour se faire accepter. De 1963 à 1968, elle participa activement aux travaux de la CFC et œuvra à la Stratégie pour les femmes, initiée par Jeannette Laot et Aimée Jeantet. Dans le cadre de l’élaboration d’études et de colloques, elle mit au service de la CFC ses compétences rédactionnelles, en particulier, lors du colloque de mai 1967 « Femmes au travail » avec lequel les militantes de la CFC proposèrent un ensemble de revendications égalitaristes (réduction du temps de travail et retraite à soixante ans pour tou(te)s, accroissement des structures collectives et répartition égalitaire des tâches entre les sexes), refusant toutes mesures particulières pour les femmes, à l’exception de la maternité. L’intégration de ces mesures au rapport de synthèse du congrès confédéral de 1967 marqua une première reconnaissance du travail collectif entrepris par la CFC. Ce colloque fut l’un des derniers projets de la CFC dans lequel Aude Raiga s’investit. En effet, le 1er septembre 1968, arrivant au terme de son contrat, elle quitta ses fonctions à la CFDT afin de s’engager dans la voie de l’enseignement et de se consacrer à l’éducation populaire.

À la rentrée 1968, elle fut nommée comme professeure d’économie dans un important lycée privé parisien – le lycée Charles Péguy – ce qui n’est pas sans lien avec son parcours scolaire. En effet, ce lycée faisait partie des centres Madeleine Daniélou, tout comme l’établissement où Aude Raiga fit ses études secondaires. Elle y resta en poste jusqu’en 1977. Au cours de cette période, elle fit partie de la section syndicale SGEN-CFDT de son établissement et continua à coopérer aux activités de l’Institut syndical de coopération technique international (ISCTI), créé par la CFTC en 1960 et dont l’un des buts était de coopérer à la formation des militants syndicaux des organisations syndicales croyantes d’Afrique, de Madagascar et du Vietnam. Parallèlement, son engagement en faveur de l’éducation populaire fit qu’elle s’investit au sein de l’Université de Vincennes où elle enseigna également l’économie. Que cela soit à la CFDT, et particulièrement dans les sessions de formation, dans ses cours au lycée Charles Péguy et, bien sûr, à Vincennes, ce qui était important pour Aude Raiga était de mettre en œuvre une méthode inductive, c’est-à-dire de partir du vécu des femmes et des hommes pour élaborer une réflexion.

Après avoir passé dix années dans l’enseignement, elle souhaita réintégrer la CFDT. Son passé en tant que secrétaire confédérale, ses compétences d’universitaire, le fait qu’elle soit femme – alors que la CFDT initiait une politique de mixité, sa venue contribuerait au rééquilibre homme-femme du secrétariat confédéral – sont autant de facteurs qui firent que sa candidature fut acceptée. Elle quitta alors le lycée Charles Péguy, ainsi que l’Université de Vincennes, pour retrouver un poste de secrétaire confédérale à la CFDT à compter du 16 août 1977. Succédant à Yves Arcadias, alors en charge des problèmes généraux du tiers-monde, de la coopération, des Dom-Tom et du secrétariat de l’ISCTI, les fonctions d’Aude Raiga s’exercèrent cette fois dans le cadre du secteur international, sous la responsabilité de René Salanne*. Aude Raiga assuma ces fonctions jusqu’en 1989. À cette date, elle se mit en préretraite. Elle fut alors chargée de mission pour la CFDT au CES où elle suivit les questions d’économie internationale et plus spécialement européenne (communauté–espace économique européen) et à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Elle prit sa retraite en 1997.

Par la suite, Aude Raiga quitta Paris pour s’installer dans une résidence à Montrouge. Toujours fidèle à ses convictions, elle est restée adhérente de l’UCR-CFDT ; elle fut élue au bureau national de l’UCR-CFDT lors du congrès de 1991 et élue au poste de Secrétaire adjointe de Gilbert Billon*, SG ; son mandat fut renouvelé lors des congrès de 1994 à La grande-Motte et de 1997 à Lille. Elle ne se représenta pas au congrès de 2.000 mais demeura adhérente. À partir 2000, elle s’investit également dans une nouvelle association d’éducation populaire, le Centre d’initiatives et de services des étudiants de Saint-Denis (CISED). Initié par des jésuites et soutenu par l’association Michel de Certeau, le CISED était une association laïque ayant pour but de soutenir les étudiant(e)s de l’Université Paris VIII dans leurs études et dans leurs projets professionnels. Dans la continuité de ce qui l’a toujours animée, Aude Raiga y enseigna comme elle le fit à l’Université de Vincennes, ou encore au lycée Charles Péguy, et c’est non sans émotion qu’elle retrouva à la bibliothèque de Saint-Denis, où l’Université de Vincennes fut transférée en 1979, des ouvrages sur lesquels était encore tamponné « Université de Vincennes ». Aude Raiga mourut le 12 avril 2016 à l’hôpital Antoine Béclère à Clamart ; ses obsèques eurent lieu le mercredi 20 avril dans l’église Saint Joseph de Montrouge (Hauts de Seine) où Gilbert Billon lui rendit un hommage au nom de la CFDT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article162765, notice RAIGA Aude, Germaine, Jacqueline par Pascale Le Brouster, version mise en ligne le 31 mars 2017, dernière modification le 18 juin 2020.

Par Pascale Le Brouster

Notices et portraits des membres du Conseil économique et social, février 1985.

ŒUVRE : Aude Raiga, « Les belles de nuit ! », in Syndicalisme hebdomadaire, 1118, 7 janvier 1967, p. 2. – La Théorie du « take-off » et les économies sous-développées, thèse de doctorat d’économie, Paris, 1961.

SOURCES : Arch. conf. CFDT : activité du secteur « femmes » (1961-1982) ; réunions statutaires : congrès confédéraux, bureaux, conseils, comités (1961-1989). — Michel Branciard, Secrétariat confédéral 1953-1980, BRAEC, 1980. — Entretien avec Pascale Le Brouster, 13 décembre 2005.— Notes de Michel Gorand. — « Retraité Militant CFDT » n° 2016.05-25.

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