PIOLOT Marc, Georges, Ernest

Par Paul Boulland, Nathalie Éthuin, Yasmine Siblot

Né le 26 janvier 1921 à Créteil (Seine, Val-de-Marne), mort le 10 juin 1998 à La Rochelle (Charente-Maritime) ; employé de l’Assistance publique ; syndicaliste CGT, directeur du Centre confédéral d’éducation ouvrière de la CGT (1947-1982), membre de la Commission exécutive de la CGT (1972-1978), secrétaire général de l’Institut d’histoire sociale CGT (1982-1985) ; militant communiste ; résistant.

Fils de Georges Piolot, ébéniste, et de Germaine Piolot, blanchisseuse puis femme de service, Marc Piolot fut élève du lycée d’Arsonval à Saint-Maur (Seine, Val-de-Marne). Il était titulaire du Brevet élémentaire, du Brevet d’études primaires supérieures et d’un CAP de sténo-dactylo comptable. Marc Piolot évoquait fréquemment la mentalité « anarcho-syndicaliste » de son père. Entre-deux guerres, son environnement familial était semble-t-il proche du Parti communiste, sans toutefois y adhérer. En 1947, dans le questionnaire biographique rempli pour la Section de montée des cadres du PCF, il décrivait ses parents comme sympathisants du parti, précisant que son père l’était déjà avant-guerre. Dans le même temps, Marc Piolot indiquait n’avoir lui-même porté que peu d’attention aux accords de Munich ou à la signature du Pacte germano-soviétique. À l’issue de sa formation, il devint agent de l’Assistance publique à Paris, comme auxiliaire de guerre, en 1940. Dans le cadre de son travail, il côtoya Madeleine Delon, mère de Pierre Delon, et fit la connaissance de Charles Grodzenski, militant communiste et cégétiste, qui fut l’un des responsables clandestins de l’Union des syndicats CGT de la région parisienne. Cette rencontre contribua très directement à la politisation et à l’engagement de Marc Piolot, qui rejoignit le Front national en juin 1943. Lorsque Charles Grodzenski passa dans la clandestinité, Marc Piolot resta en contact avec lui et mit à profit ses activités professionnelles pour fournir stencils, papiers, fausses cartes de l’administration ou cachets. Plusieurs fois convoqué pour le STO, il parvint à échapper à la réquisition en raison de problèmes cardiaques. Résidant chez ses parents à Chènevières (Seine-et-Oise, Val-de-Marne), il ne put prendre part aux débuts de l’insurrection parisienne en raison de la grève des cheminots mais il rejoignit ensuite ses camarades de l’Assistance publique à la Libération de Paris.

Marc Piolot adhéra formellement au Parti communiste et à la CGT en septembre 1944. Dans le centre de l’Assistance publique où il travaillait, avenue Victoria (IVe arr.), il devint très rapidement membre du bureau de la section syndicale et secrétaire de la cellule communiste. Il militait également sur la base locale à Chènevières, où il fut tête de liste aux élections municipales en 1947. Dès 1945, Marc Piolot devint permanent de l’Union des syndicats de la région parisienne, comme responsable à l’éducation et adjoint d’André Lunet. Sur la proposition d’Eugène Hénaff, secrétaire général de l’UD-CGT de la Seine et membre du comité central du PCF, Marc Piolot suivit les cours de l’école centrale de quatre mois du Parti communiste, de novembre 1947 à mars 1948. Les formateurs louèrent ses qualités intellectuelles (« très intelligent », « très subtil, doué de finesse ») tout en notant les effets d’une expérience et d’une formation militantes essentiellement syndicales (« Le rôle dirigeant du Parti lui a été révélé à l’école, il croyait que le syndicat était l’organisation supérieure »). Ils concluaient : « doit être un bon éducateur ».

De fait, à cette même époque, Marc Piolot fut désigné directeur du Centre confédéral d’éducation ouvrière (CCEO) de la CGT, après le départ de Georges Vidalenc, passé à Force ouvrière lors de la scission. Il conserva cette responsabilité durant plus de trois décennies, jouant un rôle considérable dans le développement de la formation syndicale au sein de la CGT. Dès le début de l’année 1948, dans un article du Travailleur parisien, Marc Piolot présenta les principes d’une « éducation syndicale » fondée sur des savoirs au service du syndicat et de ses orientations, par contraste avec « l’éducation ouvrière » d’avant-guerre, tournée vers la « culture prolétarienne ». Selon le témoignage de Jean Magniadas, l’un de ses plus proches amis, Marc Piolot avait été encouragé par Benoît Frachon à développer et à généraliser au niveau confédéral les pratiques de formation alors en vigueur dans la région parisienne, sous la forme d’écoles élémentaires d’une semaine. Cependant, jusqu’à la fin des années 1950, Marc Piolot fut quasiment le seul animateur du CCEO, qui peinait encore à développer ses activités en raison de moyens limités. Il estimait ainsi que seuls 1500 militants passèrent par les premiers niveaux de formation entre 1949 et 1957.

Après la loi sur le congé d’éducation ouvrière de 1957, la formation syndicale gagna en légitimité. De plus, les années 1950 virent la création des Instituts du travail, que Marc Piolot accompagna au titre de la CGT, à partir de 1954. Une grande amitié le lia d’ailleurs avec Marcel David. À partir de la fin des années 1950, le CCEO entra dans une phase d’instutionnalisation croissante. En 1965, le XXXVe congrès de la CGT adopta le principe d’un cursus structuré en stages de trois niveaux (« base », « moyen » et « supérieur »). Le modèle s’imposa durablement, atteignant son apogée dans les années 1970-1980, et put alors s’appuyer sur un appareil permanent étoffé.

En tant que directeur du CCEO, Marc Piolot anima lui-même de nombreuses sessions de formation et participa à la rédaction des brochures et des manuels de formation de la CGT. Cependant, Jean Magniadas souligne qu’en dépit de sa grande culture et de son attention à de nombreuses questions socio-économiques ou théoriques, Marc Piolot fut toujours réticent à se consacrer au travail d’écriture. Il jouait plus volontiers un rôle de relecteur et de correcteur, dans lequel il mobilisait également son expérience de formateur et son grand intérêt pour les méthodes pédagogiques propres à la formation des adultes. Marc Piolot fut élu membre de la commission exécutive confédérale de la CGT à l’occasion du XXXVIIIe congrès (Nîmes, avril 1972) et y siégea jusqu’au congrès de Grenoble, en décembre 1978.

Au sein des formations du CCEO, Marc Piolot accorda une place particulière à l’histoire du mouvement ouvrier. C’est d’ailleurs sur ce terrain qu’il s’affirma le plus visiblement comme auteur en nom propre, notamment pour la rédaction, avec Jean Bruhat, de l’ouvrage Esquisse d’une histoire de la CGT, (1e édition 1959, 2e édition revue et augmentée en 1966). Par la suite, il contribua à l’ouvrage CGT, approches historiques (1988), dirigé par Maurice Moissonnier et Georges Pruvost, ainsi qu’au recueil CGT (1895-1995) : le premier siècle qui commémorait le centenaire de la CGT. Il fut également le représentant de la CGT au conseil d’administration du Centre de recherche sur l’histoire du syndicalisme et des mouvements sociaux (CRHMSS) de l’Université Paris 1. Cet engagement sur le terrain de l’histoire se concrétisa dans les responsabilités occupées ensuite par Marc Piolot. En 1982, il quitta en effet la direction du CCEO, confiée à Pierre Roger, pour devenir à la fois directeur du Centre confédéral d’archives et secrétaire général de l’Institut d’histoire sociale de la CGT, nouvellement créé sous la présidence de Georges Séguy. Il quitta ces responsabilités au début de l’année 1985 et fut remplacé par Georges Pruvost.

Marc Piolot avait épousé Renée Morisset, sténo-dactylo, le 20 avril 1946, à Paris (XIIIe arr.). Ils eurent une fille, née en janvier 1947. Divorcé en 1955, Marc Piolot se remaria en 1957 à Châtenay-Malabry (Seine, Hauts-de-Seine). Sa seconde épouse, Denise Lacène, fut militante de la CGT à la Caisse centrale d’allocations familiales de la région parisienne. Elle était déjà mère de deux enfants, que Marc Piolot contribua à élever, et le couple eut deux fils (Jean-Jacques et Jean-Marc) et une fille (Évelyne).

Marc Piolot fut inhumé à Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), en présence notamment de Georges Séguy et de Didier Niel, secrétaire confédéral de la CGT .

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article162851, notice PIOLOT Marc, Georges, Ernest par Paul Boulland, Nathalie Éthuin, Yasmine Siblot, version mise en ligne le 21 août 2014, dernière modification le 23 novembre 2021.

Par Paul Boulland, Nathalie Éthuin, Yasmine Siblot

ŒUVRE : avec J. Bruhat, Esquisse d’une histoire de la CGT, Paris, CCEO-CGT, 1e édition 1959, 2e édition revue et augmentée en 1966. — contributeur de M. Moissonnier et G. Pruvost (dir.), CGT, approches historiques, Montreuil, CCEO, IHS-CGT, 1988. — contributeur de l’ouvrage collectif, CGT (1895-1995). Le premier siècle, Montreuil, VO Éditions, 1995. — Nombreux articles dans la presse syndicale et dans les Cahiers de l’institut d’histoire sociale CGT. — rédacteur ou contributeur anonyme de très nombreux manuels et brochures du CCEO.

SOURCES : Arch. du CCEO et de la formation syndicale, IHS-CGT. — Arch. du comité national du PCF. — Cahiers du l’institut d’histoire sociale CGT, n°67, septembre 1998 (nécrologie par Jean Magniadas). — N. Éthuin, Y. Siblot, « Du cursus d’éducation syndicale aux parcours de la formation des militants de la CGT (années 1950-2000) », Le Mouvement social, n°235, avril-juin 2011. — N. Ethuin et Y. Siblot, « De l’éducation des militants à « la science de la lutte des classes » à la formation de « syndiqués acteurs » à la CGT », in Éthuin N. et Yon K. (dir.), La fabrique du sens syndical. La formation des représentants des salariés en France (1945-2010), Éditions du Croquant, 2014 M. Pigenet, « Entre exigences historiennes, impératifs d’organisation et démarche identitaire : l’Institut CGT d’Histoire sociale (1982-2002). », in C. Andrieu, M.-C. Lavabre et D. Tartakowsky, Politiques du passé, usages politiques du passé dans la France contemporaine, Publications de l’Université de Provence, 2006. — Entretien de Sophie Béroud, Nathalie Éthuin et Yasmine Siblot avec Jean Magniadas, mars 2008. — Entretien de Yasmine Siblot avec Jean Magniadas, octobre 2009. — État civil.

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