BERENGUIER Henri, Nicolas

Par Jacques Girault

Né le 5 avril 1882 à Collobrières (Var), mort le 19 décembre 1964 à Collobrières ; ouvrier à l’Arsenal maritime de Toulon ; secrétaire général du syndicat CGT des Travailleurs de la Marine ; maire SFIO de Collobrières (1947).

Fils de Bérenguier César, conseiller municipal SFIO de Collobrières en 1919, Henri Bérenguier reçut les sacrements catholiques. Après avoir obtenu le certificat d’études primaires, il apprit le métier de menuisier à Collobrières puis à Pierrefeu. Après s’être engagé dans la Marine pour cinq ans, il reprit son métier de menuisier-tourneur à Toulon.

Henri Bérenguier passa des essais à l’Arsenal maritime de Toulon, le 18 juin 1912 et obtint la note 17,40. Admis comme ouvrier auxiliaire, le 7 octobre 1912, à l’atelier de charpentage (direction des constructions navales), il se maria en octobre 1919 religieusement bien que libre penseur. Sa fille reçut les sacrements catholiques.

Receveur-délégué du syndicat aux ateliers à bois, Henri Bérenguier, secrétaire adjoint du comité fédéral des Travailleurs de la Marine de l’État, archiviste du syndicat, signa plusieurs articles dans Le Petit Var en février 1919. Il prenait position dans le « différend Lamarque-Collin » en faveur du premier, c’est-à-dire pour une ligne « réformiste ». Il réclamait par ailleurs, à plusieurs reprises en tant que membre de la commission de réglementation des heures d’entrée et de sortie (dans le cadre de l’aménagement de la semaine de quarante-huit heures), des modifications d’horaire au moment de la pause de midi.
Bérenguier fut présenté avec Lamarque par des receveurs syndicaux comme candidat pour les auxiliaires, aux élections de la commission locale mixte des révisions des salaires contre les candidats officiels du syndicat. Le 22 mars 1919, il fut élu par 3 217 ouvriers sur 4 011 votants, ce qui provoqua la démission de la direction syndicale. Le 25 avril, il devint, à la suite de cette crise, le secrétaire général du syndicat des Travailleurs de la Marine, le 25 avril 1919, et, à ce titre, prit la parole dans l’important meeting du Casino de Toulon, du 1er mai. La presse publia son plan qui décalquait le plan présenté par Lamarque. Elle le présentait de petite taille et parlant correctement.

Bérenguier représenta les Toulonnais au congrès de la Fédération des travailleurs de la Marine de l’État et présida la dernière séance, le 23 juin. Il s’y prononça notamment pour le maintien de la commission mixte (organisme consultatif administration-ouvriers), position qui était celle défendue par Lamarque et qui fut battue d’une voix. Il vota aussi pour le rapport moral de la direction sortante.

Au cœur de la crise interne du syndicat de l’Arsenal (il s’était opposé au principe d’une grève de solidarité avec les grévistes des chantiers de La Seyne proposée par des militants « révolutionnaires »), devant les assauts des « révolutionnaires », Bérenguier démissionna, le 22 juillet 1919 du conseil d’administration et du poste de secrétaire général. Il exprimait son « écœurement » dans Le Petit Var : « Depuis notre arrivée au conseil et sa constitution, nous sommes traqués, calomniés et combattus par un groupe d’adversaires qui emploient tous les moyens, même les plus déloyaux [...] Tous les militants les plus dignes, les plus capables [...] s’en vont fatigués, lassés ou écœurés. » Et, ajoutait-il, « notre organisation syndicale passant en d’autres mains sera peut-être conduite à l’abîme ». Il avait toutefois accepté de faire partie de la commission administrative provisoire qui devait gérer le syndicat dans l’attente de nouvelles élections. Mais, la CGT ayant décommandé la grève du 21 juillet, il démissionna définitivement.

Pour la nomination d’un délégué du syndicat au congrès national de la CGT, un référendum fut organisé en septembre 1919 ; Bérenguier arrivait en quatrième position avec 351 voix. Il participait à toutes les réunions de l’office ouvrier (organisme consultatif du ministère de la Marine).`

Toussaint Flandrin, dans Le Petit Var, le 16 novembre 1920, l’accusa d’avoir défendu en novembre 1919 à la commission des salaires des positions proches du ministère, d’avoir démissionné de son poste de secrétaire général en juillet 1919, d’avoir été favorable au renvoi des auxiliaires et surtout de ne pas avoir fait grève en mai 1920. C’était un des points forts de la polémique de presse jalonnée notamment par un violent article de Bérenguier, le 12 novembre, « Mensonges et calomnies ».

Bien que non-candidat, il l’avait rappelé dans Le Petit Var, le 4 décembre 1920. Bérenguier fut réélu, avec Lamarque, comme délégué à la commission locale des salaires, le 10 décembre 1920 avec 2 709 voix sur 7 346 inscrits. Cette élection était la trace la plus visible des tensions croissantes qui agitaient les travailleurs de l’Arsenal et le syndicat dirigé par les « révolutionnaires ». Flandrin demanda alors son exclusion qui fut votée le 17 décembre par l’assemblée générale « pour acte antisyndical et préjudice causé au syndicat ».

Henri Bérenguier fut de ceux - Lamarque ayant choisi les responsabilités politiques - qui reconstituèrent un syndicat d’orientation réformiste à l’Arsenal, sans attendre la scission nationale. En tant que délégué à la commission locale des salaires, avec Lamarque, il convoqua, le 8 mars 1922, les ouvriers de l’Arsenal. Un syndicat affilié à la CGT fut créé et, six jours plus tard, il était nommé secrétaire général. Écrivant au préfet maritime, le 28 mars 1922 pour lui demander le remboursement de frais de mission à Paris (réunion de l’office ouvrier), Bérenguier se présentait comme « secrétaire général du syndicat des Travailleurs de l’Arsenal ». Il assuma cette responsabilité jusqu’au milieu de 1925. À ce titre, il participa aux congrès nationaux de la Fédération des travailleurs de la Marine de l’État, suivis des congrès nationaux des travailleurs de l’État. La dernière mention de sa participation fut en mai 1925. Il fut aussi délégué dans les congrès nationaux de la CGT (ainsi en février 1923 à Paris).

Bérenguier fut réélu à la commission locale mixte des salaires en mars 1922 comme représentant des ouvriers immatriculés. Il resta aussi délégué du personnel ouvrier à la commission mixte du travail du ministère de la Marine. Il dirigea les revendications des ouvriers de l’Arsenal. Ainsi, le 23 mai 1922, il présidait à la Bourse du Travail de Paris, la réunion des délégués ouvriers de l’Office ouvrier. À la réunion de l’Office qui suivit où devait être élaboré un plan de réduction des effectifs et des salaires, il protesta contre l’inobservation du facteur, coût de la vie, dans la réduction des salaires envisagée. Le 17 août 1922, il démissionnait de la commission locale des salaires et s’en expliquait dans la presse. Il entendait protester contre la diminution de l’indemnité de cherté de vie alors que la vie augmentait. Il était réélu, six jours plus tard, à la commission par 1 080 ouvriers sur 6 833 inscrits. Dans la période qui suivit, il devint la cible du syndicat affilié à la CGTU et des divers comités d’ouvriers auxiliaires et immatriculés qui s’étaient créés. Bien que réélu régulièrement à la commission des salaires, les critiques étaient constantes. Aussi, décidait-il de ne pas se représenter, le 9 janvier 1924, laissant aux unitaires le soin d’affronter directement l’administration. Il semblait alors préconiser les audiences auprès du ministre, contacts rendus plus faciles après la victoire du Cartel des Gauches. À nouveau candidat à la commission des salaires, il était réélu en octobre 1924. Toujours délégué à la commission mixte du travail, il y protesta notamment, le 2 février 1925, contre les mesures restreignant les déplacements dans l’Arsenal des délégués élus. Il cessa cette année-là de représenter les personnels dans les différentes commissions. Son effacement contribua certainement à favoriser la victoire des syndiqués de la CGTU en octobre 1926.

Parallèlement à cette activité syndicale, Bérenguier appartenait à la section SFIO de Toulon qu’il contribua à reconstituer en mai 1921. Le 7 février 1921, il fut désigné par le conseil municipal à majorité socialiste comme membre de la commission d’enquête sur une affaire immobilière dite des « terrains de Brunet ». Mais le Préfet maritime lui refusa l’autorisation de s’absenter de l’arsenal pour répondre aux convocations de la commission. Cette « affaire » fut l’occasion d’une première crise municipale. Neuf conseillers appartenant à la majorité et à la minorité démissionnèrent. Aux élections municipales du 20 février 1921, les démissionnaires, seuls candidats, ne furent pas réélus, n’ayant obtenu que les suffrages d’un sizième des électeurs. Le maire socialiste SFIO accepta alors de patronner une liste constituée par la section socialiste SFIO qui comprenait Bérenguier et divers socialistes et républicains. Le 28 février 1921, cette liste « du comité d’action républicaine et socialiste » fut battue alors que Bérenguier arrivait en tête avec 3 668 voix sur 19 956 inscrits. Onze conseillers municipaux, cette fois, démissionnèrent collectivement peu après. La liste « municipale » fut à nouveau reconstituée pour le deuxième tour. Battu comme ses colistiers, Bérenguier arrivait parmi les derniers, le 10 avril 1921, avec 3 458 voix sur 19 381 inscrits.

Pendant la campagne électorale législative de 1924, Bérenguier signa plusieurs articles sans faire mention de sa responsabilité syndicale, dans le journal Le Var rouge : « Industries d’État et monopoles », « La nationalisation industrielle des services publics », « Assurances sociales et retraites ». La section SFIO le délégua, le 7 mars 1924, pour le congrès des « rouges » du Luc (9 mars) où furent désignés les candidats.

Henri Bérenguier occupait en raison de ses fonctions syndicales une place importante dans la vie ouvrière toulonnaise. Ainsi, par exemple, en 1924, le directeur de la compagnie des Tramways sanctionna les délégués syndicaux. Un comité de défense pour le respect de la loi de 1884 fut constitué, le 17 septembre 1924, qu’il présida. Il fut candidat aux élections municipales de 1925 sur la liste sortante du Cartel des Gauches. Le 3 mai 1925, sur 21 843 inscrits, la liste Claude arrivait légèrement en tête ; Bérenguier obtenait 5 976 voix (dernier de la liste). Le dimanche suivant, il n’était pas élu, comme Elie Coulomb, avec 7 324 voix. Son passé syndical « réformiste » avait certainement joué en sa défaveur.

Délaissant ses fonctions syndicales, Henri Bérenguier fut alors nommé au conseil d’administration du Bureau de bienfaisance de la ville le 26 juin 1926 dont il devint le vice-président par la suite (service d’assistance et de prévoyance sociale). Cette activité l’occupa beaucoup. Il participa notamment à la conférence des caisses de crédit municipal et des monts de piété de France (29 juin - 5 juillet 1929 à Paris). Il resta membre du conseil d’administration du Crédit municipal jusqu’en mars 1931.

Sa défaite aux élections municipales n’empêcha pas sa présence sur la liste « socialiste et d’union des gauches » en 1929. Le 5 mai 1929, sur 25 500 inscrits, la liste arrivait en deuxième position. Bérenguier obtenait personnellement 5 477 voix. Le dimanche suivant, elle était battue et lui-même arrivait en avant-dernière position avec 7 168 voix. Il abandonna naturellement ses fonctions humanitaires.

Henri Bérenguier joua un rôle de plus en plus effacé dans le Parti socialiste et suivit Émile Claude, l’ancien maire, au Parti socialiste de France en 1933. À aucun moment par la suite, il ne reparut dans la vie politique ou syndicale de Toulon. Il revint à la SFIO par la suite.

Ouvrier tourneur sur bois à l’arsenal, Bérenguier fut sanctionné (un jour de mise à pied) pour avoir fait la « grève des bras croisés » du 30 novembre 1938. Mis à la retraite, le 1er mars 1942, il se retira à Collobrières, son village natal où il possédait une petite propriété qu’il cultivait.

Après la guerre, Henri Bérenguier, qui n’avait pas approuvé le régime de Vichy, membre du cercle socialiste « L’Avenir social », trésorier de la section SFIO, fut candidat au conseil municipal le 29 avril 1945. Il fut élu avec 374 voix sur 580 inscrits. Deuxième adjoint, il participa aux commissions des finances, des travaux de la voirie, des adjudications et au Bureau de bienfaisance. Le 24 juillet 1947, après la mort du maire, il devint maire. À nouveau candidat, le 19 octobre 1947, il obtint 226 voix sur 535 votants et fut élu au deuxième tour, avec 102 voix sur 445 votants. Minoritaire, il dut exercer les fonctions d’adjoint supplémentaire. Le 26 avril 1953, il était candidat sur la liste « d’union républicaine socialiste et d’intérêt local » aux côtés de Victor Mathieu. Il obtint 269 voix sur 588 votants et avec 277 voix sur 609 votants au deuxième tour, ne fut pas élu. Il participa à la fondation de la coopérative vinicole, « La Treille des Maures » (26 août 1955) et resta pendant quelques années correspondant local du quotidien d’opinions socialistes, République du Var. Ses obsèques furent civiles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16314, notice BERENGUIER Henri, Nicolas par Jacques Girault, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 21 février 2020.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Nat. F7/13021, 13085. — Arch. Dép. Var, 2 M 7.28.4 ; 2 M SOURCES : Arch. Nat. F7/13021, 13085. — Arch. Dép. Var, 2 M 7 28 4, 30 3, 31 1, 32 3 ; 4 M 53, 55, 56 7 ; 3 Z 2 5, 22, 23, 4 21, 4 24, 25, 28. — Arch. Troisième Région mar. : 2 A 1/2045, 2053, 4/12, 4/20, 2 G 2/396, Registre des matricules : 5162. — Arch. Com. Collobrières. — Presse locale. — Renseignements fournis par Madame S. Couzon, sa fille et par Jean Masse et Jean-Marie Guillon.

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