POPEREN Claude, Émile

Par Robert Kosmann

Né le 22 janvier 1931 à Angers (Maine-et-Loire) ; chaudronnier tôlier ; syndicaliste CGT et militant communiste ; secrétaire général du syndicat CGT de Renault-Billancourt (1958-1967), secrétaire de l’USTM (1967-1970), membre du bureau de la Fédération CGT de la Métallurgie (1964-1970) ; membre du bureau national de l’UJRF (1955-1956), membre du comité central (1967-1987) et du bureau politique du PCF (1970-1987) ; co-fondateur du mouvement des Reconstructeurs puis d’Alternative démocratie socialisme (ADS) et de la Convention pour une alternative progressiste (CAP).

Claude Poperen
Claude Poperen

Le père de Claude Poperen, Maurice Poperen, était instituteur, militant du Syndicat national des instituteurs au sein de la tendance École émancipée et membre du Secours rouge. Sa mère, Marie Graffeuil était ouvrière dentellière. Elle mourut alors que Claude Poperen avait six ans. Son père se remaria en 1941 avec une institutrice, Alice Lamirault. Le frère aîné de Claude, Jean Poperen s’engagea dans la résistance communiste en 1942. Secrétaire national des étudiants communistes à la Libération et permanent du Kominform pendant un an, il devint professeur d’histoire. Exclu du PCF après l’insurrection de Budapest en 1956, il participa à la fondation du PSU puis rejoignit la FGDS et le Parti socialiste dont il fut un des dirigeants. Claude Poperen, effectua sa scolarité à l’école primaire de Villevêque (Maine-et-Loire) dans la classe de son père. Il réussit en juin 1943 le Diplôme d’études primaires préparatoire (DEPP) et l’année suivante décrocha le Certificat d’études primaires. Il effectua ensuite une année au collège de La Flèche (Sarthe) avant d’intégrer l’École nationale professionnelle (ENP) Eugène Livet à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) qui formait aux métiers de l’industrie. Il y resta quatre années et sortit en juin 1949 avec un diplôme équivalent au baccalauréat technique.

Influencé par le climat familial et par l’exemple de son frère autant que par le prestige dont bénéficiaient le PCF et l’URSS après la victoire sur le nazisme, Claude Poperen adhéra à l’UJRF en janvier 1946, dès quinze ans, à l’ENP, où militait également le fils d’Arthur Dallidet. Il devint secrétaire du cercle de l’école, entre janvier 1948 et juillet 1949. En 1948, il effectua un stage de formation d’un mois chez Renault à Billancourt, dans l’île Seguin (département 12), à la retouche des pièces de tôlerie 4 CV. L’année suivante, il donna son adhésion au PCF alors qu’il était toujours scolarisé à Nantes.

Après l’obtention de son diplôme, il quitta la province pour se faire embaucher à la Régie nationale des usines Renault, à Billancourt, qui bénéficiait alors d’une grande réputation de combativité ouvrière. Il fut engagé le 1er septembre 1949 comme stagiaire P1 agent technique tôlier au département 51, à l’entretien. Il adhéra aussitôt à la CGT et milita à l’UJRF au sein de l’usine. Il devint rapidement collecteur et responsable pour son département de la diffusion de l’Acier journal de la section PCF Renault et de France Nouvelle. Dans le même temps, il militait dans son quartier et, en 1950, il devint secrétaire du cercle UJRF du XIIIe arrondissement.

Les années d’après guerre furent celles de la protestation contre la guerre d’Indochine. La Régie Renault fabriquait des automitrailleuses et, sous la direction de Roger Linet, Claude Poperen participa au « déchargement » d’un train transportant les véhicules militaires. Le 14 avril 1950, à la suite d’une grève avec occupation à la SNECMA, bd Kellerman (XIIIe arr.), un groupe de jeunes communistes, dont Claude Poperen, vint apporter la solidarité aux grévistes. La police intervint, arrêta les occupants extérieurs à l’usine et les emprisonna à la Santé. Ils furent relâchés au bout de six jours, mais Claude Poperen ne put justifier son absence de l’usine. Il ne fut pas réintégré dans son atelier et fut affecté à la chaîne des fourgonnettes de l’usine « O », dans un travail non qualifié. En raison de son absence d’avril, son contrat d’agent technique stagiaire ne fut plus renouvelé au 31 août 1950. Il fut tout de même réembauché le 3 septembre, mais déclassé comme ouvrier spécialisé. Il choisit de rester à ce poste pour continuer à militer dans l’usine. Dans la même période, il suivit sa première formation militante lors d’une école de la fédération de la Seine destinée aux jeunes, en juin-juillet 1950.

D’avril 1951 à octobre 1952, Claude Poperen effectua son service militaire durant dix-huit mois à Angers, au 6e régiment du génie et termina avec le grade de sergent instructeur. À la fin 1952, il fut repris à l’usine de Billancourt (département 55), dans un travail semi qualifié (perçage, taraudage, puis rectifieuse cylindrique). Il devint alors membre de la Commission exécutive du syndicat CGT de son département, en même temps que responsable de l’UJRF pour l’usine de Billancourt et membre du bureau de la fédération UJRF de la Seine. Au printemps 1953, il fut élu au comité national de l’UJRF. En avril de la même année, il devint délégué au comité d’entreprise Renault, fonction qu’il conserva jusqu’en 1956. Il fut ensuite délégué du personnel, de 1956 à 1958. En décembre 1953, lors de la décentralisation de la fédération de la Seine, Claude Poperen intégra le comité fédéral de Seine-Ouest. En mai 1954, il ne fut pas reconduit, les dirigeants fédéraux, appuyés par François Billoux, jugeant plus opportun qu’il se consacre à ses responsabilités à l’UJRF. La perspective était alors d’en faire un dirigeant national de l’organisation de jeunesse et, en 1955, Claude Poperen accéda au bureau national de l’UJRF. Dans le même temps, il s’affirma comme un cadre en devenir à Billancourt. En juin 1954, il avait suivi l’école centrale d’un mois du PCF. Les évaluateurs le distinguèrent comme « le meilleur élève » de la promotion et suggéraient une réorientation de ses responsabilités, considérant que « ses qualités naturelles s’épanouiraient et seraient plus utiles à la tête d’une section du parti aussi importante que celle de Renault. » En janvier 1956, la direction du PCF et celle de la fédération Seine-Ouest souhaitèrent créer les conditions du remplacement de Roger Linet à la tête du syndicat Renault. Lucien Lanternier, secrétaire de la fédération Seine-Ouest, mit en avant le nom de Claude Poperen, choix validé par le secrétariat du PCF le 18 janvier 1956.

Claude Poperen intégra le secrétariat du syndicat CGT de Renault-Billancourt dans les semaines suivantes. Il fut également élu au comité exécutif de l’Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie (USTM). S’il était resté formellement membre du bureau national de l’UJRF, à la demande de François Billoux, il n’y exerçait plus aucune tâche pratique. À la fin de l’année 1956, il fut délégué au congrès de l’Union de la jeunesse communiste, qui remplaçait désormais l’UJRF, et remit ses mandats. En juin 1956, il avait également réintégré le comité de la fédération Seine-Ouest, où il siégea sans interruption jusqu’en 1972.

En août 1958, Claude Poperen démissionna de son emploi d’ouvrier pour devenir permanent du syndicat. En novembre suivant, il fut élu secrétaire général du syndicat CGT Renault-Billancourt, en remplacement de Roger Linet. Il conserva cette responsabilité jusqu’en 1967. Selon son témoignage, Claude Poperen avait bénéficié du manque de militants chez Renault, après les nombreux licenciements provoqués par les grèves de 1952. De plus, il n’avait pas été ébranlé par « l’affaire Marty-Tillon », par les événements de 1956 (rapport Khrouchtchev, Hongrie), ni même par l’exclusion de son frère pour « travail fractionnel ». Sensibilisé aux questions coloniales par la guerre d’Indochine, il s’opposa au vote des pouvoirs spéciaux en 1956, mais défendit la position officielle du PCF dans le syndicat, malgré l’opposition quasi unanime des militants algériens qui démissionnèrent alors du PCF chez Renault. Il prononça l’exclusion des « porteurs de valises », dont une puéricultrice de Renault qui transportait des fonds pour le FLN en liaison avec Aboubekr Belkaïd, délégué CGT au département 49. Pour autant, dans la limite de ce qui était acceptable par le parti, il soutint les militants algériens, fermant les yeux sur les tracts tapés et tirés en cachette sur le matériel du syndicat, et participa, au nom de la CGT, au comité de défense des emprisonnés Renault, en commun avec la CFTC.

En 1964, Claude Poperen fut été élu membre du bureau de la Fédération CGT de la Métallurgie (FTM). En janvier 1967, il quitta la direction du syndicat Renault et fut désigné en mars secrétaire de l’USTM, comme permanent. Il fut d’abord chargé de la propagande puis de l’organisation. Ses responsabilités se déplacèrent alors progressivement vers le Parti communiste. Dans les années 1960, il avait poursuivi sa formation politique à l’école centrale de quatre mois du PCF, d’octobre 1961 à février 1962. Il fut lui-même directeur adjoint de l’école d’un mois à Choisy-le-Roi en janvier 1966, son rôle consistant à vérifier l’assimilation des connaissances par la soixantaine d’élèves. À l’occasion du XVIIIe congrès du PCF (Levallois, janvier 1967), il fut élu membre suppléant du comité central. Au congrès suivant (Nanterre, février 1970), il devint titulaire et membre suppléant du bureau politique. Il quitta alors ses responsabilités syndicales pour devenir permanent du PCF.

Au sein du bureau politique, Claude Poperen fut responsable des relations entre le comité central et les fédérations. Titularisé au bureau politique lors du XXe congrès (Saint-Ouen, décembre 1972), il fut également chargé de suivre les comités régionaux du PCF, nouvellement créés. Affecté alors au comité fédéral des Yvelines (1972-1976), il rejoignit ensuite la Loire-Atlantique (1976-1985) et, de 1976 à 1984, il fut responsable régional des Pays de Loire. Jusqu’en 1983, il continua de défendre la stratégie du PCF, y compris lorsqu’en 1981 il vota pour Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles, « pour faire barrage à la social démocratie », comme beaucoup des militants du comité central. Au cours de cette période, il fut lui même candidat aux élections législatives par deux fois, à Nantes, en 1977 et 1981, obtenant respectivement 16% et 11% des voix.

En 1983, Claude Poperen signa l’ouvrage Renault, regards de l’intérieur, diffusé à 6 000 exemplaires. Comme le souligne Aude Marécaille, il en retire la double satisfaction d’accéder au statut d’auteur-militant et de revenir aux sources de son engagement. Mais, il se trouvait en décalage croissant avec les analyses de la direction, et exprima au bureau politique ses premiers doutes sur la prétendue « remontée de l’influence communiste » aux élections de mars 1983, en même temps que ses réserves sur le soutien apporté à l’URSS par Georges Marchais lors de l’intervention des troupes soviétiques en Afghanistan. En juin 1984, il fut responsable du collectif chargé d’animer la campagne pour les élections européennes. Celles-ci se soldèrent par un échec important pour le PCF, avec un score 11,2% des voix (6,1% des inscrits). Le 19 juin, il présenta au bureau politique un rapport sur les résultats des élections. Il y relevait notamment le très fort taux d’abstention, y compris chez les électeurs communistes qui reprochaient au PCF sa participation au gouvernement ou ses critiques contre les socialistes. Il notait aussi le peu d’enthousiasme des adhérents et les limites du soutien à la politique extérieure de l’URSS. Ce rapport critique mais relativement modéré ne fut pas accepté par Georges Marchais et par une partie des membres du bureau politique qui ne voulaient pas envisager d’autre responsabilité que celle des socialistes. Le secrétariat du parti, par l’intermédiaire de Georges Marchais, exigea une refonte du rapport, réécrit par Claude Poperen avec la collaboration de Pierre Juquin et de Philippe Herzog. Cette nouvelle mouture fut considérée inacceptable lors d’une nouvelle réunion du BP. Une troisième version, rédigée cette fois avec Guy Hermier et Claude Llabrès, fut soumise au comité central des 26 et 27 juin. La session fut houleuse, malgré les corrections. Dans un climat marqué par des tensions internes exacerbées et par les critiques virulentes de Georges Marchais, Claude Poperen fut progressivement marginalisé. Lors du XXVe congrès (Saint-Ouen, février 1985), il fut reconduit au bureau politique mais désormais en charge du secteur « santé, protection sociale, retraites » et affecté à la région Champagne-Ardennes. Il était néanmoins déterminé à mener son mandat jusqu’à son terme. Il exprima encore ses désaccords à l’issue des élections législatives de 1986 mais démissionna finalement du bureau politique le 26 janvier 1987, désormais convaincu de la cécité volontaire du parti et de son impossibilité d’agir au sein de la direction.

Sa déception n’était pas isolée et Claude Poperen participa alors au mouvement des « Reconstructeurs » avec Marcel Rigout* et Félix Damette (1988-1989). En octobre 1988, il fut parmi les signataires de la brochure Qu’est ce qu’un révolutionnaire dans la France de notre temps, signée « Initiative pour la Reconstruction Communiste ». En octobre 1989, émergea le mouvement des « Refondateurs » (Anicet Le Pors, Guy Hermier, Charles Fiterman) (1989-1993). De leur côté Claude Poperen, Gilbert Wasserman* et Marcel Rigout, créèrent Alternative démocratie socialisme (ADS) en 1990. Avec le renfort de Charles Fiterman l’année suivante, la petite organisation devint Convention pour une alternative progressiste (CAP). À la suite de ces tensions avec la direction du PCF, celle ci tenta d’exclure Claude Poperen, mais sa cellule refusa. Mettant fin à sa double appartenance, il rendit sa carte du PCF de lui même, le 12 novembre 1991. Revenant sur son parcours en 2012, il déclarait n’avoir jamais eu grande confiance dans ces mouvements parallèles au PCF qui regroupèrent au mieux 300 à 400 adhérents. Toutefois, il leur servit de porte drapeau car il était à l’époque un militant emblématique, issu du bureau politique après une longue carrière au sein du parti et au syndicat Renault.

Après sa démission du bureau politique, Claude Poperen perdit aussi son poste de permanent et dut rechercher du travail. À 56 ans, les possibilités d’embauche comme tôlier chaudronnier n’existaient pas. René Piquet l’aida à trouver un emploi à la CCAS. Bien qu’incité à taire ses désaccords, Claude Poperen fut interviewé à diverses reprises et réitéra ses critiques. Il dut alors quitter son emploi au bout de dix huit mois, en août 1988, et fut mis en préretraite en décembre de la même année. Durant ces années, encouragé par son ami l’historien Alain Croix, Claude Poperen consacra ses week-ends et ses vacances à la rédaction de ses mémoires, restées inédites.

Le 16 septembre 2011, Claude Poperen reçut les insignes de chevalier de la légion d’Honneur des mains de Lydia Brovelli, membre du Bureau confédéral CGT, à la Maison des Métallos, rue Jean-Pierre Timbaud, à Paris (XIe arr.).

Revenant sur son parcours en septembre 2012, Claude Poperen, regrettait d’avoir accepté sa nomination au bureau politique du PCF, considérant qu’il n’était pas fait pour ces fonctions marquées par les luttes de clans. Déçu, il regrettait également de ne pas avoir pris ses distances plus tôt et n’avait plus d’espoir dans une rénovation du PCF. Citant Enrico Berlinguer, il affirmait que « le souffle de la Révolution d’Octobre était épuisé », sans pour autant porter foi en la social-démocratie. Il se sentait davantage proche du mouvement ATTAC et de l’altermondialisme. En septembre 2012, il était toujours adhérent au syndicat CGT Renault des retraités, à l’Institut d’histoire sociale CGT de la Métallurgie et au Secours populaire.

Dans le cadre de ses activités militantes, Claude Poperen avait rencontré Eliane Gilbert, militante de l’UJFF, de la CGT et du PCF. Elle devint secrétaire puis secrétaire de direction chez Renault. Ils se marièrent le 31 juillet 1954, et eurent une fille, Anne, née en 1967.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163146, notice POPEREN Claude, Émile par Robert Kosmann, version mise en ligne le 26 août 2014, dernière modification le 24 février 2022.

Par Robert Kosmann

Claude Poperen
Claude Poperen

ŒUVRE : Renault, regards de l’intérieur, Paris, Editions sociales, 1983.

SOURCES : Fonds Claude Poperen, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (383 J), inventaire en ligne. — Arch. comité national du PCF. — Arch.PPo. —Fonds Claude Poperen, Centre d’histoire sociale du XXème siècle — Discours de Lydia Brovelli et Claude Poperen lors de la remise de sa légion d’Honneur, septembre 2011. — A. Marécaille De l’engagement au détachement, itinéraire de C. Poperen, mémoire de maîtrise sous la direction de C. Pennetier et J.L. Robert, Université Paris 1, –– G. Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Paris, Éditions JCM, 1990. — P. Boulland, Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations de banlieue parisienne (1944-1974), Thèse de doctorat, (Université Paris 1), 2011. — G. Quashie-Vauclin, L’Union de la Jeunesse Républicaine de France (1945-1956), Paris, l’Harmattan, 2009. ---- Entretien et correspondance avec Claude Poperen, septembre 2012.

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