BERGENEAU Édouard

Par Michel Pigenet

Né le 6 avril 1930 à Bordeaux (Gironde) ; marin puis docker ; syndiqué CGT ; membre du comité national (1966-1968), de la commission exécutive (1968-1986), du bureau (1968-1986) et du secrétariat (1984-1986) de la Fédération CGT des Ports et Docks ; militant communiste, conseiller municipal, maire adjoint (1968-1989) de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône).

Originaire du Bordelais où il reçut une éducation catholique, Édouard Bergeneau arriva à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), en vélo, à l’âge de dix-huit ans. Engagé comme marin par la Compagnie Charles-Leborgne, il travailla pendant neuf ans sur les bateaux qui assuraient le service entre l’Afrique du Nord et la ville où résidaient son épouse et leurs nombreux enfants - deux filles et six garçons, dont l’un devait décéder sur le port, victime d’un accident du travail. En 1957, il quitta un métier qui le tenait trop souvent éloigné des siens pour s’embaucher sur les quais de Port-Saint-Louis. Militant communiste et cégétiste dynamique, il devait rapidement gravir les échelons du syndicat des dockers. Élu à son secrétariat en 1963, il accéda à celui de l’Union locale trois ans plus tard.

Délégué pour la première fois, en 1962, au congrès national de la Fédération des Ports et Docks, il s’était fait remarquer par une intervention critique à l’adresse d’une direction fédérale. Cette attaque, impensable tant que Marcel Baudin* dirigeait l’organisation, témoignait de l’aggravation de tensions déjà anciennes qui, malgré la communauté d’appartenance partisane, opposaient Désiré Brest* aux militants des sites méditerranéens. En 1966, Bergeneau réitéra ses reproches et accusa les responsables nationaux d’être en retrait par rapport aux objectifs de la Confédération. Partisan d’une relève, il annonça que ses camarades voteraient contre le rapport moral. Minoritaire, il fut cependant élu au comité national. Hostile, en 1968, à la signature du protocole national conclu alors que la lutte continuait à Dunkerque et à Marseille, il contesta le mode de fonctionnement des organismes fédéraux. À la faveur du renversement de majorité survenu cette année-là, Édouard Bergeneau entra au bureau fédéral.

Fort de ses responsabilités locales et nationales, il eut bientôt à affronter, en compagnie d’Honoré Charrière*, les problèmes posés par l’ouverture du site de Fos, érigé en bassin occidental du port autonome de Marseille. Mandaté par ses camarades de Port-Saint-Louis, il obtint que ceux-ci soient reconnus prioritaires à l’embauche sur les nouveaux quais. Vue de Marseille, la décision n’allait pas de soi. La question de Fos se révéla toutefois plus délicate lorsque la Solmer, concessionnaire exclusive du domaine public, manifesta son intention, au nom de la spécificité des industries à feux continus, de modifier les conditions d’intervention des dockers. D’octobre 1973 à juillet 1974, un long et difficile conflit allait s’ensuivre au terme duquel les dockers, de l’avis de Bergeneau, laissèrent quelques « plumes ». Dans l’épreuve, le militant confirma ses qualités de tacticien et de négociateur. Nommé au BCMO de Marseille-Ouest en février 1974, il devint, l’année suivante, secrétaire général du syndicat des dockers du golfe de Fos, structure née du regroupement des organisations ouvrières du site et représenta, plusieurs années durant, les salariés au conseil d’administration du port autonome de Marseille.

Instruit par l’expérience acquise à Fos, il se montra particulièrement attentif à maintenir l’unité des différents syndicats affiliés à la Fédération. En 1980, il reprocha aux Havrais d’en prendre trop à leur aise avec les mots d’ordre nationaux et envisagea qu’on ne maintienne pas plus longtemps au bureau fédéral leur responsable si celui-ci ne soutenait pas davantage « l’action unie sur des bases définies par tous ». Il dit également son hostilité à l’institution d’un prélèvement financier au profit des Unions régionales de la CGT. Édouard Bergeneau exprima encore son inquiétude et son agacement devant certaines incompréhensions confédérales. En 1984, à la veille d’entrer au secrétariat fédéral, il déplora la faiblesse des appuis reçus des autres corporations et n’hésita pas à rectifier des propos tenus par Henri Krasucki*. « Nous pouvons difficilement accepter d’être présentés comme des passéistes », répliqua-t-il aux détracteurs des luttes portuaires.

À l’occasion de la cérémonie organisée, le 16 janvier 1986, à Port-Saint-Louis pour son départ en pré-retraite, il engagea l’auditoire « à éviter toute tentative de division avec Marseille ». À propos de l’indépendance syndicale, Édouard Bergeneau précisa qu’il ne la confondait pas avec la neutralité politique. En foi de quoi, il souligna combien il importait de donner « le maximum de poids » au PCF, le seul qui, à ses yeux, se déterminait « toujours dans l’intérêt des travailleurs ».

Élu au conseil municipal de Port-Saint-Louis depuis 1965, il était devenu maire adjoint en 1968 et détint ce mandat de façon ininterrompue jusqu’en 1989, année qui vit la victoire d’une liste de droite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16325, notice BERGENEAU Édouard par Michel Pigenet, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 16 octobre 2019.

Par Michel Pigenet

SOURCES : CAC, 870150 articles 174, 177, 180. — Arch. PPo, note 63591. — Congrès nationaux de la Fédération des Ports et Docks de 1962 à 1984. — L’Avenir des Ports de février-mars 1986. — J.-L. Bonillo (dir.), Marseille, ville et port, Parenthèses, 1996. — Honoré Charrière, Histoire d’une vie, manuscrit inédit. — A. Pacini, D. Pons, Dockers à Marseille, Payot, 1996. — Michel Pigenet, Normes juridiques, impératifs industriels et compromis social : les dockers français et la « privatisation des quais ». Les cas de Dunkerque et de Fos au début des années 1970, Colloque environnements portuaires, Le Havre, 24 au 24 mai 2001. — Entretien avec E. Bergeneau, 18 mars 2000.

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