RIGAUD Thérèse épouse CARON alias « Rose » alias « Nadine »

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Née le 12 mai 1914 à Paris (XIIe arr.), morte le 12 novembre 2003 à Clamart (Hauts-de-Seine) ; militante communiste de Paris ; membre de la résistance communiste ; déportée.

Thérèse Rigaud Arch. PPo GB 187 (D.R.).
Thérèse Rigaud Arch. PPo GB 187 (D.R.).

Fille de Jean Claude et de Louise Bois, Son père soldat au 1er Régiment d’artillerie à pied fut tué à l’ennemi le 6 avril 1917 dans la Marne pendant la Première Guerre mondiale. Thérèse Rigaud obtint à l’issue de l’école primaire le CEP. Elle adhéra aux Jeunesses communistes en 1937 et y milita. Elle travaillait en décembre 1939 chez une femme qui était ingénieur conseil et habitait 20 rue du Mont-Cenis dans le XVIIIe arrondissement de Paris, Thérèse était alors employée comme femme de chambre, elle y était logée.
Son frère Pierre Rigaud était à l’époque secrétaire particulier de Maurice Thorez. Il a été fusillé le 7 mars 1942 à Carlepont (Oise) comme otage, en représailles d’un attentat commis contre une sentinelle allemande. Elle démissionna en mai 1943 et logea au 7 rue Pestalozzi à Paris Ve arrondissement dans une chambre que lui prêtait une camarade. Elle assura les liaisons entre les secteurs FTP de la région parisienne et leur responsable interrégional qu’elle ne connaissait que sous le pseudonyme de « Gilles » (Joseph Epstein). Pour ses chefs, elle était « Nadine ». Pour ses autres liaisons, elle était « Rose ». Elle dactylographiait également des rapports.
Elle avait le 19 novembre 1943 rendez-vous avec « Monique » Blanche Tourtebatte rue Yvonne à Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine). Deux inspecteurs de la BS2 l’interpellèrent à 9 heures 30, elle était l’agent de liaison de Roland Cauchy. Mais cette dernière avait été arrêtée la veille, ainsi que son chef. L’un ou l’autre a-t-il craqué sous les coups et livré le rendez-vous avec « Nadine » ? Thérèse Rigaud n’en eut jamais la certitude.
Emmenée dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, elle fut fouillée par une femme policière. A été saisi sur elle : trois mille cinq cents francs ; un ticket de métro annoté ; une feuille sur laquelle était noté des rendez-vous ; une lettre dans une enveloppe ; un tract ; un lot de cartes de pommes de terre ; un paquet adressé à Geneviève qui contenait un tract dans une enveloppe et plusieurs cartes de pommes de terre ; un paquet adressé à Monique qui contenait une enveloppe au nom de Piot dans laquelle était une carte grise de vélo en blanc et une lettre ; deux lettres au nom de Fabert, dans la première un tract et un lot de cartes de pommes de terre ; dans la seconde au même nom différents tracts.
Son domicile au 7 rue Pestalozzi à Paris Ve (arr.) a été perquisitionné en présence de la concierge. Les policiers découvraient : une machine à écrire Underwood ; une enveloppe au nom de Victor Poncet qui contenait 3 745 francs et deux billets de cinq marks ; dans une seconde enveloppe au même nom, quatre feuillets d’effectifs et deux comptes rendus. Dans une troisième enveloppe au nom de Jules Raison : un feuillet annoté, deux feuilles sur l’organisation, quatre feuillets annotés ; trois feuilles dactylographiées « Lettre de Danielle (Casanova]) au Fort de Romainville » ainsi qu’un exemplaire dactylographié de « La Vie du Parti » de novembre 1943 ; une feuille dactylographiée adressée aux Commissaires Centraux ; une note dactylographiée ; deux lettres d’internés ; un lot de stencils et deux annotés.
Thérèse Rigaud avait été noté par le commissariat du IVe (arr.) pour avoir vendue avant la guerre des insignes de la Fédération des Jeunesses Communistes sur la voie publique. Les policiers lui demandèrent de donner les noms et pseudonymes des militants avec qui elle était en contact. Elle refusa, assuma son engagement : « Ma fonction était d’assurer le transport du courrier ; depuis le mois d’août, j’étais appointée par l’organisation. » Concernant les lettres qui avaient été saisis, elle affirma ignorer les fonctions de celles et ceux qu’elle rencontra.
Elle eut la même attitude concernant « Brébion », Commissaire aux effectifs inter-régional qui lui avait adressé une note : « Nadine, je vois dans ton rapport de répartition du matériel une colonne pour le camp de Pithiviers, qui nous l’a passé et à qui donnes-tu ce matériel. » Un policier lui demanda : « Veuillez répondre à la question que vous pose « Brébion » ? Sa réponse a été laconique « Je refuse de répondre ».
Elle affirma que depuis le mois de septembre, elle transmettait le courrier destiné aux Groupes spéciaux, à « Chevrier » et à « Marguerite ». Quant au courrier destiné aux camps, elle le remettait à « Gazelle » (Joseph Epstein).
Emprisonnée, elle était le 22 avril 1945 dans un convoi de vingt-quatre femmes à destination de l’Allemagne. Toutes étaient étiquetées « NN » Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), ce qui signifiait condamnés à disparaître sans laisser de traces. Cette expression avait été empruntée par Hitler au livret de L’Or du Rhin de Richard Wagner. Elle a été incarcérée dans la prison de Lauban pour les « NN » ; jugée, condamnée elle a été envoyée au camp de Ravensbrück. Elle a été libérée et rapatriée par la Croix-Rouge le 22 avril 1945.
Une invitation à témoigner devant la Commission d’épuration de la police a été envoyé à son domicile du Ve (arr.). Le président de ladite commission nota : « Il ne nous a pas été possible de savoir ce qu’elle était devenue, aucun ami ou membre de sa famille n’habite à cette adresse. »
En juin 1947, lorsqu’elle compléta le questionnaire de la commission des cadres sur « l’affaire Estain », elle évoqua en effet une autre hypothèse pour expliquer son arrestation : « Il est possible aussi que j’ai été filée sans m’en rendre compte, car arrivée à la Préfecture, alors que je donnais une fausse adresse, un type s’est avancé et a dit : «  je la connais, la poule, elle habite 7 rue Pestalozzi ». Les policiers saisissent sur elle de nombreux documents placés dans des enveloppes destinées aux différentes liaisons qu’elle devait rencontrer ce jour-là. Thérèse Rigaud observa un mutisme total pendant ses interrogatoires.
Livrée aux Allemands et transférée à Fresnes le 6 décembre 1943, elle fut jugée le 23 mars par la cour martiale avec 26 autres FTP, parmi lesquels Joseph Epstein. Elle témoigna après-guerre de l’échange qu’elle put avoir avec ce dernier pendant le procès : « J’ai réussi à parler à Gilles au tribunal (malgré l’interdiction). Il m’a dit aussi sa confiance dans le Parti. Il m’a bien dit qu’il n’avait pas parlé, que malheureusement « Marc » (je ne me souviens plus de son nom véritable) avait été arrêté par sa faute pour un rendez-vous noté sur une feuille de papier à cigarette. Il m’avait demandé aussi de dire au Parti qu’il n’avait jamais rien signé. Comme il se refusait à signer des paroles qu’il n’avait jamais prononcées, il a été torturé et on lui a dit : tu ne veux pas signer, salaud, Eh bien ce sera signé quand même. Il m’a répété : « je t’assure que je n’ai rien signé ». Je dois dire que j’ai eu du mal à reconnaître notre camarade Gilles tant il était enflé. Il m’a parlé des tortures qu’il a subies. »
Dans ses réponses au questionnaire des cadres, elle apporta cet autre témoignage : « À la préfecture, je me suis trouvée pendant une semaine avec notre camarade Manouchian à la salle 25, bureau de la BS2. Je dois dire que notre regretté camarade « Georges » s’est comporté hautement en communiste. Avant de quitter la préfecture, il m’a embrassé en pensant à sa femme et m’a dit comment il saurait mourir en communiste. »
Thérèse épousa le 16 février 1946 en mairie du Vème (arr.) Jean Étienne Caron. En 1947, elle était adhérente de la cellule Monge du PCF dans le Ve (arr.).
Thérèse Rigaud épouse Caron a été homologuée au titre de la Résistance intérieure française (RIF), et Déportée internée résistante (DIR).
Elle mourut le 12 novembre 2003 à Clamart dans les Hauts-de-Seine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163481, notice RIGAUD Thérèse épouse CARON alias « Rose » alias « Nadine » par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 26 novembre 2020, dernière modification le 26 novembre 2020.

Par Daniel Grason, Jean-Pierre Ravery

Thérèse Rigaud Arch. PPo GB 187 (D.R.).
Thérèse Rigaud Arch. PPo GB 187 (D.R.).

SOURCES : Arch. PPo. BS2 carton 1 (Transmis par Gérard Larue), GB 133, GB 137, KB 25. – Archives CCCP. – Site internet Première guerre Mondiale. – État civil numérisé 10N 418 acte n° 2242.

Photographie : Arch. PPo. GB 187

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