BERLAND Léon

Par Justinien Raymond

Né le 2 juillet 1885 à Limoges (Haute-Vienne), mort le 20 décembre 1961 à Limoges ; employé, puis comptable ; il a joué un rôle de premier plan dans l’implantation du socialisme en Limousin ; un des animateurs du mouvement socialiste minoritaire pendant la guerre de 1914 à 1918.

Ses parents, Antoine Berland, petit cultivateur de Meilhard (Corrèze) et Marie Lacorre, née à Pierrebuffière (Haute-Vienne), étaient venus à Limoges exercer le métier de Crainquebille. L’un et l’autre étaient analphabètes. Léon Berland fréquenta l’école primaire jusqu’à l’âge de douze ans et, muni du Certificat d’études primaires, entra à l’École pratique de commerce et d’industrie. Il la quitta à l’âge de quinze ans, en cours d’année scolaire, sans diplôme de fin d’études, pour devenir employé de coopérative. Il le demeura jusqu’en 1918, parvenu au rang de chef comptable. De janvier 1918 à la fin de 1935, il dirigea une autre coopérative dont il avait été un des fondateurs en 1914. De 1935 à 1958, il exerça la profession libérale d’expert-comptable. Pendant de nombreuses années et jusqu’à la fin de sa carrière, il fut le président régional des experts-comptables et comptables agréés. Il exerça les fonctions de président de la compagnie des commissaires agréés par la Cour d’appel. Il poursuivit après sa retraite professionnelle son activité de militant et d’élu.
Celle-ci avait commencé en 1903 dans le mouvement des Universités populaires où le poussa son goût inassouvi de l’étude. À dix-huit ans, il était le secrétaire du comité central de Limoges qui groupait six universités. À ce titre, il organisa maintes conférences publiques, avec le concours notamment de Gustave Téry, Clovis Hugues, Georges Yvetot. Dans le prolongement de sa vie professionnelle, Léon Berland milita, dès sa jeunesse, dans le mouvement coopératif et y occupa de hautes fonctions. De 1914 à 1935, succédant à Eugène Gaillard, il fut secrétaire de la Fédération Centre-Océan des coopératives. Il appartenait alors au conseil central de la Fédération nationale des Coopératives de consommation et au conseil d’administration de son Magasin de Gros. À ce titre, il participa à tous les congrès nationaux et fut délégué aux congrès de l’Alliance coopérative internationale à Gand, à Stockholm et à Vienne.
« Une évolution très naturelle », a-t-il écrit, le poussa vers le socialisme. Ses origines modestes, sa vie de coopérateur, les tendances libertaires acquises dans l’atmosphère anarchisante de l’Université populaire et cultivées par l’effort de l’autodidacte qu’il était, le rendirent attentif aux forces socialistes qui s’affirmaient dans les luttes politiques et sociales en Haute-Vienne. Son influence personnelle fit le reste : c’est à Adrien Pressemane, son aîné de quelques années, son condisciple, son voisin, qu’il remit, en 1904, sa demande d’adhésion au Parti socialiste de France. Avec ce dernier, en 1905, il entra dans la SFIO et, pour ne plus en sortir, à la commission administrative permanente de la Fédération de la Haute-Vienne. En octobre 1905, il participa à la fondation du quotidien socialiste de Limoges Le Populaire du Centre. En octobre 1909, avec E. Gaillard, il lança, et administra l’hebdomadaire Le Petit Limousin qui, un an plus tard, devenait bihebdomadaire et continua sa carrière sous le titre Le Limousin. Il s’adressait particulièrement aux ruraux, Le Populaire du Centre étant l’organe spécifiquement ouvrier. En 1910, Berland devint secrétaire de la section socialiste de Limoges pour huit ans. En 1912, benjamin de la liste de Léon Betoulle, il entra au conseil municipal et, de 1919 à sa révocation en novembre 1940, il exerça les fonctions d’adjoint au maire de Limoges, les retrouva en 1953 et les occupa jusqu’à sa mort. Pendant dix ans, entre les deux guerres (1923-1933), il présida le conseil d’arr. de Limoges-Saint-Yrieix, mais s’en retira après un échec au conseil général.
En 1914, exempté de toute obligation militaire, Léon Berland fut nommé secrétaire de la Fédération socialiste de la Haute-Vienne. Il se trouvait donc à sa tête quand, en 1915, elle se dressa contre la politique de guerre du Parti socialiste. Le premier, il exprima publiquement ses positions. À Paris, salle de la Bellevilloise, le 7 février 1915, siégea la première assemblée nationale de la SFIO depuis le début de la guerre. Elle groupait secrétaires fédéraux et parlementaires ; Berland, en compagnie de Pressemane et de Valière, y représentait la Haute-Vienne. La plupart des délégués formulèrent des critiques sur l’organisation du travail dans les arsenaux de l’État, sur les trop grands avantages accordés à l’industrie privée, mais étaient unanimes sur la nécessité de poursuivre la guerre jusqu’à la victoire. Le soir, Léon Berland fit entendre une note discordante. Il affirma que le pays était las d’une guerre meurtrière. Il déplora que les résolutions des congrès internationaux de Stuttgart (1907) et de Bâle (1912) restassent lettre morte. Il condamna le principe de la guerre « jusqu’au bout », et blâma l’attitude belliqueuse du Parti socialiste. La nécessité de l’évacuation finale des pays envahis ne devait pas, à son avis, rendre les alliés sourds aux rumeurs de paix. Le 9 mai 1915, le congrès fédéral de la Haute-Vienne, unanime, se rallia à ces idées en votant le rapport de sa CAP que lui soumit Léon Berland. Le 15 mai, ce dernier en assura la diffusion auprès de la CAP du Parti socialiste, du groupe parlementaire, dans toutes les fédérations et, autant que possible, dans les sections nationales des pays alliés et neutres. Comme tous les signataires, Berland comparut en accusé devant la CAP au siège du Parti, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, à Paris, IVe arr. Comme eux, il n’échappa à l’arrestation envisagée par le ministre de l’Intérieur Malvy que sur promesse de Guesde et de Sembat de régler entre socialistes cette « affaire de famille ». Avec ses amis, il continua, dans des conditions difficiles, une lutte qui aboutit à un renversement de majorité dans le Parti socialiste au conseil national des 28 et 29 juillet 1918.
Léon Berland ne se borna pas à servir la coopération et le socialisme. En 1933, il fut le promoteur de la Fédération des œuvres scolaires laïques de la Haute-Vienne et il en assuma la présidence active jusqu’en 1939. Il présida, jusqu’à sa mort, la Fédération des délégués cantonaux dont il fut le père en 1935. Il avait adhéré à la franc-maçonnerie en 1917. « Amené à ce groupement, écrit-il, par quelques lectures d’extraits de discours (cités par Gustave Hervé, ce qui peut paraître paradoxal), j’ai trouvé là matière à réflexion, à méditation, à discussion et une ambiance à nulle autre pareille. » Il y gravit plusieurs échelons, compagnon en 1919, maître en 1920, promu 31e en 1961, il fut membre du Conseil de l’Ordre en 1954 et, en 1956-1957, Grand-Maître adjoint du Grand-Orient de France. Il était encore président fondateur du Conseil philosophique Sagesse et Tolérance (Orient de Limoges). Un hommage lui fut rendu au Convent de 1962.
« Internationaliste, convaincu qu’un moyen d’expression pouvant être facilement appris et parlé doit permettre une compréhension plus grande et un rapprochement souhaitable entre les peuples », Léon Berland étudia l’esperanto et fonda en 1906 le groupe espérantiste de Limoges dont une exposition pour son cinquantenaire à la Bibliothèque municipale de la ville a retracé l’action. Il participa aux congrès espérantistes internationaux de Barcelone et d’Anvers.
Berland se voua, en outre, à des œuvres purement humanitaires comme le soutien de l’enfance inadaptée. Il était, à sa mort, vice-président d’un Centre d’accueil en faveur de la jeunesse délinquante ou inadaptée et présidait la commission de surveillance de l’hôpital psychiatrique départemental.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16367, notice BERLAND Léon par Justinien Raymond, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 21 novembre 2022.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : L. Berland a collaboré au Populaire du Centre et au Petit Limousin. — Il a réuni dans La Franc-Maçonnerie limousine : son passé, son présent, ses ambitions, 1949, un certain nombre de documents sur l’histoire et la vie de cette loge.

SOURCES : Arch. Nat., F1bI984. — Enquêtes personnelles auprès de M. Léon Berland, adjoint au maire de Limoges. Toutes les citations de la présente biographie lui sont empruntées. Léon Berland, « Rétrospective de l’histoire de la Fédération socialiste de la Haute-Vienne » (trois articles du Populaire du Centre, 55e année, n° des 14-15 mai 1960, du 17 mai 1960, du 18 mai 1960). — Un rectificatif a paru dans le n° 119 du 21 mai 1960. — Deux manuscrits confiés à nous par M. Léon Berland : Rétrospectives (chronologie en six pages de la vie des organisations socialistes en Haute-Vienne de 1883 à l’unité de 1905) et texte manuscrit de dix pages d’un discours de bienvenue de M. Léon Berland à M. Guy Mollet, ancien Président du Conseil, à Limoges en 1959 (cette chronologie de la vie de la Fédération depuis 1905 complète la précédente). — Notes de Denis Lefevbre.

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