KROLIKOWSKI Louis [KROLIKOWSKI Ludwik, dit Louis], également dit « Charles » [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot, François Fourn.

Né le 16 août 1799 à Piotrkowicach (Pologne), mort le 5 mai 1879 à New York ; révolutionnaire polonais installé à Paris ; journaliste socialiste, proche des fouriéristes puis communiste icarien ; ami et collaborateur de Cabet ; ayant émigré aux États-Unis, il s’y lia avec Jules Leroux.

Louis Krolikowski fut étudiant de 1823 à 1827 à l’Université de Varsovie ; il se rendit cette même année à Paris, où il s’enthousiasma pour les idées de Saint-Simon. Il semble avoir reçu une solide formation de théologien.

Rentré en 1831 à Cracovie — la seule portion de Pologne encore indépendante à l’époque —, il y développa une activité de journaliste et de propagandiste jusqu’en 1839, date à laquelle il revint en France.

Installé à Paris, bénéficiant du soutien moral et financier du gouvernement français, il se lia d’abord avec les fouriéristes, puis avec les Icariens. Ami du fouriériste Jean Czynski, Krolikowski prônait en 1841 pour la Pologne une sorte de communisme égalitaire qui entraînerait l’élimination de l’aristocratie terrienne et de la bourgeoisie, y compris et si nécessaire par la violence révolutionnaire. De 1842 à 1846, il publia un périodique en langue polonaise, Polska Chrystusowa, de tendance socialiste chrétienne.

Ayant fait la connaissance d’Étienne Cabet, Krolikowski co-signa avec ce dernier un article paru le 7 août 1842 sous le titre « La doctrine sociale de Jésus-Christ c’est le communisme ». Il y a donc de sérieuses raisons de penser qu’il poussa Cabet à exprimer sa conviction que le communisme était en réalité le « vrai Christianisme », et qu’il fut de ce fait à l’origine de la rédaction d’un des textes majeurs de la doctrine icarienne, Le Vrai Christianisme selon Jésus Christ, paru en 1846.

Vers 1848, Krolikowski devint l’un des hommes de confiance de Cabet à la direction du Populaire de 1841 et il fut responsable de la rédaction du jusqu’en 1851. Il était alors connu sous le pseudonyme de Charles.

En 1849, Krolikowski fut le co-accusé de Cabet lors du procès intenté à ce dernier pour escroquerie. Agent du bureau de Paris, il fit également de son mieux pour défendre Cabet contre les attaques de Proudhon, qui avait publié le 17 avril 1850 dans La Voix du peuple les griefs de 16 Icariens et Icariennes installés à Saint-Louis.

En 1852, Krolikowski fit paraître sous sa signature et celle de Cabet (mais sans l’accord de ce dernier, ce qui fut à l’origine de leur brouille) une série de six brochures reproduisant en fait ses articles, par la suite réunis en un volume intitulé Système de fraternité (extraits du « Populaire », 1849-51).

Krolikowski s’éloigna de Cabet après l’arrestation de ce dernier au début de 1852, et plus encore quand le même dut quitter la France à destination de l’Angleterre. Il tenta pourtant en 1854 de réunir un groupe d’amis pour rejoindre Icarie, mais ce projet ne put finalement se réaliser. Il travaillait alors comme teneur de livres dans une maison où il resta plus de vingt ans.

Au moment de l’insurrection nationale de janvier 1863, Krolikowski fut nommé vice-président de l’Alliance polonaise de toutes les croyances religieuses (présidée par Czynski), laquelle s’était fixée pour but principal de réconcilier juifs et catholiques. Fut-il, comme Czynski, forcé de quitter temporairement la France à cause de son engagement en faveur de la Pologne libre ? Il le semblerait, puisqu’ils fondèrent ensemble à Londres la Société des travailleurs polonais, destinée à venir en aide aux exilés en leur fournissant du travail ou une aide financière initiale.

Krolikowski partit s’installer aux États-Unis en juin 1864 afin d’y rejoindre sa fille. À la fin des années 1870, il habitait 40 Bedford Avenue à Brooklyn (New York), et se proclamait « serviteur et apôtre du Christ vivant ». Il fit publier en 1878 par l’imprimerie-librairie d’Humanity city de Jules Leroux, au bureau de L’Étoile du Kansas et de l’Iowa à Corning (Iowa), une brochure de 24 pages intitulée Appel apostolique adressé aux révérends pasteurs de tous les cultes dont il définissait ainsi le contenu : « C’est en fin de compte le vrai christianisme contre toutes les religions établies, contre les trois "faux Christ" : le Christ moscovite, le Christ allemand et le Christ romain qui est aussi autrichien. » Il en envoya un exemplaire à Constantin Pecqueur à Paris, lui adressant par la même occasion un numéro du journal de Leroux.

Pauvre et rhumatisant, Louis Krolikowski mourut à New York à l’âge de quatre-vingt deux ans. Aux dires de Jules Leroux, il resta jusqu’à son décès animé d’une égale passion pour sa patrie la Pologne et pour l’Humanité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163689, notice KROLIKOWSKI Louis [KROLIKOWSKI Ludwik, dit Louis], également dit « Charles » [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, François Fourn., version mise en ligne le 5 septembre 2014, dernière modification le 5 septembre 2014.

Par Michel Cordillot, François Fourn.

ŒUVRE : outre les écrits cités, de nombreux articles de lui (signés Charles) parurent dans le Populaire de Cabet et dans l’Almanach icarien, dès l’édition de 1843.

SOURCES : BN, Papiers Cabet, Nafr. 18 162, correspondance entre Jean-Pierre Béluze et L. Krolikowski à partir de 1862 ; IISG Amsterdam, fonds Pecqueur, carton 1 ; L’Étoile du Kansas et de l’Iowa, 1er mai 1878, 15 juillet 1879 ; Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907 ; J. Turowski, Utopia spoleczna Ludwika Królikowskiego, Warszawa, 1958 ; Wielka Encyklopedia Powszechna PWN, Warszawa, 1965 ; Michael D. Sibalis, « Jan Czynski. Jalons pour la biographie d’un fouriériste de la Grande Émigration polonaise », Cahiers Charles Fourrier, n° 6, 1995 ; Robert P. Sutton, Les Icariens : The Utopian Dream in Europe and America, Urbana, University of Illinois Press, 1994, passim ; Note de Jacques Grandjonc.

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