LUCIANI Dominique

Par Jean-Marie Guillon

Né le 3 janvier 1900 à Ota (Corse), abattu à Aups (Var) le 22 juillet 1944 ; manoeuvre, marchand forain ; maquisard Armée secrète (AS), chef adjoint de maquis.

Aups (Var), plaque à la mémoire d’André Chaudé et Dominique Luciani, maquisards du maquis Vallier
Aups (Var), plaque à la mémoire d’André Chaudé et Dominique Luciani, maquisards du maquis Vallier

Fils d’Antoine Luciani, cultivateur et charretier à Ota, et d’Agathe Mattei, Dominique Luciani est allé à l’école du village jusqu’à 11 ans, puis a travaillé avec son père pendant trois ans avant de rejoindre une sœur aîné qui tenait un bar à Paris. Il fut embauché aux usines Unic à Puteaux, où il travailla du 2 avril au 11 septembre 1917, puis chez Delage à Courbevoie. Il serait reparti en Corse, avant de s’engager dans la Marine le 2 mai 1918. Il servit là comme pompier auxiliaire. Libéré le 24 octobre 1921, il s’installa à Draguignan (Var) et se maria cette même année avec Marguerite Bringuier, chapelière, dont il eut une fille.
Il occupa divers emplois, marchand forain, homme de peine dans les moulins à huile du secteur. Décrit comme querelleur et batailleur quand il était pris de boisson, se promenant éventuellement avec une arme, il fut condamné à plusieurs reprises à des peines légères entre 1930 et 1936 pour des délits divers (coups volontaires, vol et recel, etc.). Il reçut sa condamnation la plus grave le 10 octobre 1936 pour avoir, ivre, tiré des coups de revolver dans un café de Draguignan (quatre mois de prison pour violences et port d’armes, portés à huit mois en appel le 16 novembre 1936).
Mobilisé en septembre 1939 au 155e R. R., il fut fait prisonnier à Soulieu (Côte d’Or) le 16 juin 1940, mais il fut rapatrié comme ancien combattant le 26 novembre 1941. Ayant peut-être repris de activités marginales, soupçonné de proxénétisme par la gendarmerie, peut-être dénoncé par un employé de l’Office de placement allemand qu’il avait menacé, il fut astreint à résidence à La Roquebrussanne (Var) de septembre 1942 à janvier 1943. Dominique Luciani n’en était pas moins un patriote et n’aimait guère les Italiens qui occupaient la région depuis novembre 1942. Ayant rejoint le mouvement Combat en février 1942, devenu chef de groupe de l’AS, il fut arrêté par les carabiniers le 29 mars 1943 pour avoir proféré des menaces contre la commission d’armistice italienne. Interné à Menton, Sospel (Alpes-Maritimes), puis à Embrun (Hautes-Alpes), il retrouva la liberté le 8 septembre 1943, lors de la capitulation de l’Italie. Craignant, dira-t-il aux gendarmes, d’être repris par les Allemands qui occupaient désormais le département, il alla se réfugier dans un village forestier proche de Draguignan, à Ampus, vivant dans un hameau en ruines où un cousin avait une petite maison. Il se serait livré là au braconnage. Il semble probable qu’il ait rejoint un groupe de réfractaires au Service du travail obligatoire et qu’il les ravitaillait. Il faisait équipe avec Raymond Béraud depuis le début novembre 1943 lorsque les deux hommes, armés et munis de faux papiers d’identité, furent arrêtés par les gendarmes de Draguignan le 21 novembre. Un stock assez important de bijoux ayant été trouvé dans la maison, il fut inculpé de vol, puis de recel, car il avait reconnu que ces bijoux lui appartenaient. En réalité, il s’agissait du reliquat d’un vol commis par son compagnon, Béraud, à Pamiers quelques mois auparavant. L’ignorant, Luciani en aurait pris la responsabilité afin que son cousin, propriétaire de la maison, ne soit pas inquiété car il croyait que ces bijoux étaient à lui. C’est du moins ce qu’il dira aux enquêteurs. Il fut condamné par le tribunal correctionnel de Draguignan le 12 avril 1944 à deux ans prison et la section spéciale près de la cour d’appel d’Aix-en-Provence lui ajouta trois ans pour détention d’armes le 26 juin suivant. Mais les deux condamnations le furent par défaut. En effet, Luciani, hospitalisé le 31 décembre 1943, s’était évadé de l’hôpital le 19 janvier 1944 vers 19 heures après avoir scié un barreau. Il rejoignit alors le maquis AS qui stationnait alors dans les environs de Fayence (Var). À l’arrivée du capitaine de réserve Gleb Sivirine Vallier chargé de commander le maquis, il devint son adjoint. Vallier se félicitait dans son journal de la loyauté de ce « dur » et de l’aide qu’il lui apportait.
Au petit matin du 22 juillet 1944, la voiture dans laquelle il revenait de mission fut prise sous le feu des soldats allemands en train d’investir le village d’Aups et s’apprêtant à attaquer le maquis Francs-tireurs et partisans (FTP) voisin. Dominique Luciani fut tué en ripostant de façon particulièrement courageuse. Un autre de ses compagnons, André Chaudé, une jeune fille d’Aups, Rosette Cioffi et un camionneur de passage trouvèrent aussi la mort dans l’affaire. Les trois autres occupants de la voiture furent blessés et sauvés par les résistants locaux.
Une plaque rappelant la mort des deux maquisards fut apposée le 14 juillet 1945 sur la façade de l’hôtel de ville d’Aups, soit tout à côté des lieux du drame. Décoré de la Légion honneur à titre posthume, homologué sous-lieutenant FFI le 7 juin 1947, il reçut la mention de « Mort pour la France. »

 

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163811, notice LUCIANI Dominique par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 10 septembre 2014, dernière modification le 2 octobre 2022.

Par Jean-Marie Guillon

Aups (Var), plaque à la mémoire d'André Chaudé et Dominique Luciani, maquisards du maquis Vallier
Aups (Var), plaque à la mémoire d’André Chaudé et Dominique Luciani, maquisards du maquis Vallier

SOURCES : Arch. Dép. Var 1W70 et 1970 W 89 (dossier ONAC). — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 8 W 430. ⎯ Site Internet Mémoire des Hommes. — Témoignages. — Gleb Sivirine, Le Cahier rouge du maquis, Artignosc, Paroles éditions, 2007. — Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, Aix-en-Provence, thèse d’Histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1989 et Résistance Var n°61, juin 2006.

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