CALONNE Émile, Désiré. Pseudonyme : Capitaine X.

Par Jean-Paul Mahoux

Roucourt (aujourd’hui commune de Péruwelz, pr. Hainaut, arr. Tournai), 20 octobre 1864 – Péruwelz, 28 février 1938. Professeur de l’enseignement moyen, capitaine d’infanterie, conseiller communal socialiste et échevin de Péruwelz, sénateur de l’arrondissement de Tournai-Ath.

Neuvième et dernier enfant d’un couple de Roucourt, Émile Calonne sort premier de l’École moyenne de Péruwelz en 1879. Entré à l’École moyenne de Nivelles (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles), il y obtient le diplôme de régent agrégé en français et en gymnastique. De 1884 à 1886, Calonne enseigne les branches littéraires dans une école moyenne privée de Bruxelles. Il écrit deux petits traités d’analyse littéraire. Cet élan est brisé par le tirage au sort de 1886 qui l’entraîne sur une toute autre voie. Conscrit, il passe l’examen d’entrée à l’École royale militaire. Il y fait ses classes en compagnie du prince Albert, futur Albert Ier, auquel il vouera toujours une forte admiration.

Devenu sous-lieutenant d’infanterie en 1891, affecté au Troisième de ligne à Ostende (pr. Flandre occidentale, arr. Ostende), Émile Calonne participe très vite au débat relatif à l’épineuse question de la réorganisation militaire. Se présentant comme la voix d’un modeste officier de troupe, il écrit quatre essais sur la réforme de l’armée, entre 1895 et 1913 (voir ŒUVRE ci-dessous). Son premier essai, publié en 1895 sous le pseudonyme de Capitaine X, témoigne d’un réel souci de démocratiser le service militaire. Le second qui date de 1901 prône la réduction du service à six mois, défend le principe de la « Nation armée », thèse des socialistes et des radicaux, et fustige l’idée d’un service personnel obligatoire qu’il dénonce comme un effet du caporalisme prussien régnant alors dans les milieux conservateurs. Cet opuscule très détaillé qui va à l’encontre des thèses de plusieurs membres de l’État-major, est interdit par l’autorité militaire. Il sert cependant de base documentaire à Antoine Delporte, député du Parti ouvrier belge (POB) et champion de l’anti-militarisme, spécialisé dans les questions de réformes militaires, spécialement lors du vote de la loi de milice du 1er décembre 1909.

Bien que l’affiliation de Émile Calonne au POB ne date que de 1919, son adhésion au socialisme est manifeste dès 1904, année où il publie une étude sur l’importance stratégique d’Anvers dans le système de défense nationale. Il justifie alors son absence de militantisme au parti par sa situation professionnelle particulière. Lieutenant au Douzième de ligne à Verviers (pr. Liège, arr. Verviers) en 1889 puis capitaine en second en 1904, Émile Calonne est blessé au pied en 1910 et mis à la retraite en 1911. Il s’installe à Péruwelz. Deux ans plus tard, il publie un essai assez original intitulé Mobilisation de l’armée socialiste, une étude sur la nécessaire organisation militaire des socialistes dans une perspective révolutionnaire. Bien que son ouvrage soit relativement hostile au réformisme dominant au POB, il reste fondamentalement attaché au Parti ouvrier. Il ne se risquera plus sur le terrain idéologique par la suite.

Émile Calonne reprend du service comme volontaire de guerre en 1914. D’abord affecté au Centre de formation des recrues à Bourbourg (département du Nord, France), il est présent sur le Front de l’Yser en 1917-1918. Promu capitaine-commandant en 1919, Émile Calonne est démobilisé le 10 juillet et revient à Péruwelz. Il devient alors le chef de file du POB local, aux côtés du jeune Victor Cretteur, secrétaire de la section socialiste. Ils mènent une intense propagande auprès des ouvriers des industries de Péruwelz, soumis aux menaces patronales de licenciement en cas d’activité politique. Après les élections communales de 1921, Calonne devient échevin de l’Instruction publique sous le mayorat du libéral Julicien Cornez. Il dote la ville d’une bibliothèque communale en 1924. Les correspondances péruwelziennes que Calonne et Cretteur envoient au journal L’Égalité, organe de la Fédération socialiste de Tournai-Ath, témoignent de la difficile cohabitation des socialistes et des libéraux au sein du conseil communal. La forte personnalité de Émile Calonne qui fait volontiers preuve de donquichottisme rend les rapports avec le bourgmestre Cornez particulièrement conflictuels.

À Péruwelz, Émile Calonne fonde la mutuelle socialiste L’Avenir en 1921, la société de libre-pensée La Conscience en 1927 ainsi que le Foyer péruwelzien. Il abandonne la politique communale en 1926, laissant Victor Cretteur assurer le leadership du POB local.

Élu au Sénat, avec le soutien du député athois, Émile Carlier, en 1921, Émile Calonne est réélu lors de chaque consultation populaire jusqu’en 1936, date de sa retraite. Membre actif de la Commission de défense nationale, il prend essentiellement part aux discussions relatives à la défense nationale et à l’organisation de l’armée : contingent, emploi des langues à l’armée, recrutement des officiers, budget de la défense nationale, lois sur les milices, etc. Son dernier combat politique en la matière provoque d’ailleurs sa rupture avec le groupe socialiste du Sénat. En 1935, il présente deux propositions de loi : la dénonciation de l’accord militaire franco-belge de 1920 et, corollaire de la première proposition, le service généralisé de neuf mois. Arguant que l’accord de 1920 n’a plus de raison d’être depuis le Traité de Locarno de 1925 et surtout soucieux d’affirmer la neutralité de la Belgique dans un contexte international déliquescent, Émile Calonne ne fait que rejoindre un courant de pensée de plus en plus majoritaire en Belgique, particulièrement dans les milieux conservateurs et dans l’entourage du Palais royal.

En 1936, malade, Émile Calonne se retire de la vie politique. Il acceptera encore de pallier la défection d’un conseiller communal socialiste de Péruwelz en 1938, année de son décès. Marié à Françoise Verheecke, il a trois enfants, Rosette, épouse du militant socialiste Charles Deberghes*, Marcel, décédé à 28 ans et Marguerite, militante active de la section socialiste de Péruwelz.

Figure quelque peu atypique du POB de l’entre-deux-guerres et leader local très indépendant, Émile Calonne s’éteint en février 1938.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163875, notice CALONNE Émile, Désiré. Pseudonyme : Capitaine X. par Jean-Paul Mahoux, version mise en ligne le 14 septembre 2014, dernière modification le 8 décembre 2019.

Par Jean-Paul Mahoux

ŒUVRE : (Un capitaine d’infanterie), L’armée devant la démocratie, ce qu’elle est, ce qu’elle doit être, Tournai, 1895 – Préceptes et conseils pour devoirs de style (…) à l’usage des écoles moyennes, des athénées, de l’armée et des candidats à l’École militaire, Péruwelz, 1899 – Les milices belges, Solution de ralliement, six mois de service, Péruwelz, 1901 – (Capitaine X), Anvers, Gouffre et traquenard et le système belge de la Nation armée, Péruwelz, 1904 – Mobilisation de l’armée socialiste, Péruwelz, 1912 – Six mois de service et le projet militaire, Péruwelz, 1913 – Pour la propagande. Trois projets à déposer au Parlement. I. Dénonciation de l’accord militaire franco-belge. II. Service généralisé de 9 mois. III. Création de commissions agraires, Péruwelz, 1935.

SOURCES : Institut Émile Vandervelde, dossier biographique – Le Parlement belge de 1930, Bruxelles, (1930), p. 18-19 (icono) – La Belgique active. Province de Hainaut. Biographie des personnalités, Bruxelles, 1934, p. 31 – PHILIPPART S., Péruwelz au fil du temps, t. III : 1830-1920, Péruwelz, 1982, p. 110-111 (icono) – « Mouvements sociaux et origines du POB en Hainaut occidental (1830-1914) », Socialisme, p. 172-173 ; juillet-octobre 1982, p. 417-437 – LEFRANCQ C., Essai sur les origines et le développement du parti socialiste athois, Bruxelles, 1984, p. 89 – DELHAYE J.-P., DUCASTELLE J.-P., DUVOSQUEL J.-M., SONNEVILLE M., Histoire des fédérations. Hainaut occidental, Bruxelles, 1985, p. 17, 81, 171 (Mémoire ouvrière, 4) – VAN MOLLE P., Le Parlement belge 1894-1972, Gand, 1972, p. 35, 95 – DEROUBAIX J., Dictionnaire du Hainat, Mouscron, 1989, p. 596 – Le Peuple 1er mars 1938, p. 8 – BRULARD A., « Émile Calonne (1864-1938) », Le Peuple, 5 avril 1985, p. 7 (icono).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable