BERNARD Fernand

Par Claude Pennetier, Fabrice Bourrée

Né le 10 juin 1906 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), fusillé par les Français (Vichy) le 23 février 1944 à la centrale d’Eysses, commune de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) après condamnation par une cour martiale du régime de Vichy ; fonctionnaire des contributions indirectes ; militant de la CGT, du parti socialiste SFIO puis du Parti communiste français ; volontaire en Espagne ; résistant dans les FTPF.

Fernand Bernard.
Fernand Bernard.
Photographie donnée par la sœur de Fernand Bernard à l’Amicale d’Eysses peu de temps après la guerre.
© Dépôt MRN, fonds Amicale d’Eysses. Droits réservés.

Fernand Bernard était le fils de Louis et de Léonie Colomines. Il était marié sans enfant.

En 1932, il adhéra au Parti socialiste (SFIO) et s’affilia au syndicat CGT des fonctionnaires. Parallèlement, en 1933 et 1934, il exerça la fonction de directeur administratif du quotidien Le Populaire de l’Est, organe officiel de la fédération socialiste de Meurthe-et-Moselle.

Quand éclata la guerre d’Espagne, il quitta son emploi de fonctionnaire de régie pour rejoindre les Brigades Internationales. Après un examen pratique devant le colonel Vincent, il fut nommé lieutenant, puis entra avec le grade de capitaine de compagnie le 3 novembre 1936 dans l’état major de Kléber, à la 11ème brigade. Il y servit simultanément comme interprète (en plus de sa langue maternelle, il pratique l’anglais, l’espagnol et l’italien couramment, et assez bien l’arabe et l’allemand), responsable des transports et du train de combat. Il effectua plusieurs missions dangereuses dans des unités d’infanterie, notamment aux batailles d’Aravaca, Ciudad Universitaria, Basillo, Casa di Campo, Bsihuega, Husse, Villamajor, Fuentes...

Le 3 Janvier 1937, le Général Luckas le nomma commandant du bataillon André Marty, alors complètement désorganisé. Bernard réussit à le restructurer, marcha à sa tête à Boadilla del Monte pour redonner confiance aux hommes. Il fut nommé commandant du bataillon franco-belge en février 1937, chef d’état-major de la 150ème brigade mixte, puis malgré sa convalescence d’une blessure antérieure, à la tête de la 45ème division, le 4 septembre 1937, sous les ordres de Hans. En novembre de la même année, il reçut une première citation. Il commanda ensuite la 14ème brigade puis la 31ème division.

Chargé en décembre de la constitution d’une éphémère 14ème brigade bis, il échoua faute de cadres disponibles. On le transfèra alors à l’école de Pozzo-Rubio ou il supervisa la formation des officiers. Disparu pendant l’offensive franquiste d’Aragon en avril 1938, on le retrouva dans la région de Murcie, au sud de l ’Espagne. On lui confia en mai 1938 le commandement de la 139ème brigade mixte espagnole qui dépendait de la 45ème division. Il s’y distingua pour son comportement héroïque et reçut une nouvelle citation, en septembre 1938, au sein du 15ème corps. Lors de la retraite d’Espagne, il fit part de son souhait de regagner Toulouse où résidait sa mère et de son désir de s’investir dans le journalisme.

De retour en France avec sa compagne, Marie Gonzales, il fut affecté au 281ème régiment d’infanterie, le 28 février 1939, sur la ligne Maginot. Apprenant que son ami Josep Bru était interné au camp d’Argelès (Pyrénées-Orientales), il décida, avec son ami Bertaux, de venir en aide aux républicains espagnols enfermés dans les camps d’internement en France. Démobilisé, il fut nommé sous-officier de réserve le 22 février 1940. Il trouva un emploi de gardien au parc des sports de Toulouse, ce qui lui permit de bénéficier d’une couverture et d’un site tranquille. Au printemps 1941, Jean Cassou, conservateur de musée, qui avait appartenu au groupe de résistance du Musée de l’homme à Paris, arriva à Toulouse. Fernand Bernard le rencontra, ainsi que le milieu intellectuel lié à la librairie de SilvioTrentin.

Fernand Bernard fut alors chargé d’établir sur des bases militaires une organisation destinée à appuyer une action des Anglais en France, en attendant du personnel et du matériel parachuté. Bernard, craignant que son passé dans l’armée républicaine espagnole ne fasse obstacle à certaines adhésions, décida de mettre Bertaux à la tête de l’organisation toulousaine et d’en être le chef d’état-major. Leur but était de trouver des contacts avec Londres (la France Libre et l’allié Britannique), de transmettre des renseignements économiques et militaires, d’aider aux passages, de recevoir des armes et des explosifs pour les sabotages et de trouver de l’argent. Dans la deuxième quinzaine d’aout 1941, Fernand Bernard assura la reconnaissance de terrains de parachutages qui furent utilisés dès septembre.

Fin novembre 1941, une vague d’arrestations démantela le groupe Bertaux. Les inculpés furent internés en attendant leur procès dans la sinistre prison militaire Furgole à Toulouse. Fernand Bernard reçut la plus lourde condamnation. Il fut condamné le 31 août 1942 par le tribunal militaire de la 17e région de Toulouse à vingt ans de travaux forcés pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État et placé en détention cellulaire à la prison de Mende. Avec ses camarades de détention, il revendiqua de recevoir des journaux mais tout leur fut refusé. Ils se convertirent au catholicisme pour aller à la confesse. L’aumônier n’était pas dupe. Il leur transmit bien volontiers des nouvelles de l’extérieur et les aida à établir un contact avec les autres prisonniers. Ils découvrirent que des femmes étaient également détenues dans cette prison pour des faits de Résistance. Ils firent envoyer un petit cercueil d’avertissement au directeur de la prison et se préparèrent à s’évader. Mais comme la prison ne correspondait pas aux conditions d’extrême vigilance, le gouvernement de Vichy les regroupa comme tous les détenus politiques dans une maison centrale de la zone Sud : Eysses.

Menottes aux pieds et aux mains, il fut transféré en train avec ses camarades de détention via Rodez à la maison centrale d’Eysses en octobre 1943. C’est là qu’il aurait adhéré au Parti communiste. Il devient responsable de l’état-major du bataillon FFI d’Eysses. Avec les Espagnols, il enseigna aux chefs de groupe l’entraînement au combat.

Le 19 février 1944, lors de la tentative d’évasion collective, à la tête du commando composé de résistants armés de mitraillettes et revêtus d’uniformes de gardiens, il passa une première porte, atteignit la seconde et arriva à pénétrer dans le corps de garde pour se saisir de quelques armes. Mais il fut blessé à un genou. Allongé sur une civière, il continua à donner des ordres depuis la salle d’armes.

Sa blessure le désigna d’office au peloton d’exécution. Condamné à mort par la cour martiale du régime de Vichy le 23 février 1944, il fut passé par les armes sur sa civière par le peloton des GMR et des gendarmes mobiles et mourut avec onze camarades de combat. Déclaré "Mort pour la France", il repose désormais au cimetière de Sainte-Catherine de Villeneuve-sur-Lot.

Voir Site d’exécution : la centrale d’Eysses (commune de Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne), le 23 février 1944

Brigadistes fusillés pendant l’Occupation
http://chs.huma-num.fr/exhibits/sho...

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16391, notice BERNARD Fernand par Claude Pennetier, Fabrice Bourrée, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 6 septembre 2021.

Par Claude Pennetier, Fabrice Bourrée

Fernand Bernard.
Fernand Bernard.
Photographie donnée par la sœur de Fernand Bernard à l’Amicale d’Eysses peu de temps après la guerre.
© Dépôt MRN, fonds Amicale d’Eysses. Droits réservés.

SOURCES : Arch. AVER. — G. Cogniot, Parti pris, op. cit. — L’Insurrection d’Eysses, 19-23 février 1944, Paris, 1974, 2e édit. — Corinne Jaladieu, Michel Lautissier Centrale d’Eysses, Douze fusillés pour la République, récits historiques et témoignages, Association pour la mémoire d’Eysses, Conseil général du Lot-et-Garonne, 2004, p. 72-81.
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