BERNARD Louis, Marcel

Par Pierre Bonnaud

Né le 29 juin 1914 à Urzy (Nièvre), mort dans un accident de la route le 2 septembre 1946 à Nevers (Nièvre) ; ouvrier cimentier puis métallurgiste ; résistant ; secrétaire régional du PCF pour le département de la Nièvre (1944-1946) ; membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constiuante (1945-1946).

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Issu d’une famille de petits paysans où l’on sympathisait avec les idées socialistes, bon élève à l’école primaire, titulaire du certificat d’études et reçu deuxième au concours général du CEP en 1925, Louis Bernard dut cependant la quitter pour travailler à la ferme à l’âge de onze ans. Embauché à quatorze ans comme raboteur sur métaux dans une entreprise de Fourchambault, il connut des démêlés avec patron et gendarmerie lors d’un conflit du travail. Il partit alors pour Paris et travailla comme manœuvre dans les chantiers du bâtiment.

De retour dans la Nièvre en 1934, il effectua en septembre ses premières armes dans le combat syndical, en animant une grève dans l’entreprise Le Béton qui fabriquait des poteaux en ciment armé à Fourchambault. Avec l’aide de Louis Richard*, il implanta un syndicat CGTU dans l’entreprise. À l’issue du mouvement il fut traduit devant le tribunal correctionnel de Nevers pour « entrave au travail » et condamné à verser une amende de 16 francs.

Après un service militaire mouvementé au 189e régiment d’artillerie de Dijon (avec une mutation de régiment pour « raisons disciplinaires ») qui s’acheva en 1937, Bernard épousa Jeanne Chamouard (leur fils naquit en 1947), après son décès. Il entra alors aux ateliers de la CGCEM (Compagnie générale de construction et d’entretien du matériel), à Varennes-Vauzelles, dans la banlieue de Nevers, comme ouvrier métallurgiste. Dans ce bastion syndical de la CGTU puis de la CGT réunifiée, il milita notamment aux Jeunesses communistes, dirigées alors dans la Nièvre par Camille Baynac*.

Mobilisé en 1939 dans la 3e division motorisée, Bernard participa aux combats de 1940 en Picardie et reçut citation et Croix de Guerre. Après sa démobilisation en août 1940, il retourna travailler aux ateliers de la CGCEM où il reprit contact avec ses camarades communistes qui développèrent une première série d’activités de résistance, de septembre 1940 à février 1941 : impression et distribution de tracts, sabotage du réseau téléphonique allemand et des pylônes à haute tension de Vauzelles et de Pont-Saint-Ours.

Le 21 février 1941, sur dénonciation d’un jeune garçon que les gendarmes avaient frappé violemment, Louis Bernard fut arrêté par la gendarmerie française et incarcéré à la prison de Nevers. Il fut condamné le 4 mars 1941 à huit mois de prison et 100 F d’amende par le tribunal correctionnel de Nevers pour « menées communistes ». Transféré en octobre 1941 au camp de séjour surveillé de Cosne-sur-Loire, il s’en évada en novembre avec la complicité de sa femme.

Réfugié dans l’Indre, Bernard fut à nouveau arrêté le 16 décembre 1941 par la brigade de gendarmerie d’Eguzon. Traduit devant le tribunal de Châteauroux, il fut condamné à dix-huit mois de prison. Il séjourna jusqu’en juin 1943 au camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne). Remis aux autorités allemandes, il fut incarcéré au pénitencier de l’Ile de Ré. Il se mutila volontairement le genou et s’évada de l’hôpital de La Rochelle à la fin de l’année 1943. Avec l’appui de son beau-frère et d’un imprimeur de Chennevières-sur-Marne, il aida à l’évasion de trente-cinq détenus de l’Ile de Ré en leur fournissant de faux papiers.

Au printemps 1944, sous le pseudonyme de Duval, Louis Bernard se trouvait dans le Cher, département voisin de la Nièvre. Le 12 mars 1944, il participa à la constitution du premier bureau de l’UD-CGT clandestine, dans un café de Bourges, Le Bar Européen. En août-septembre 1944, Bernard participa aux combats des FTPF contre l’occupant allemand qui battait en retraite. Il prit part activement à la libération de Vierzon.

De retour dans la Nièvre, en septembre, il devint secrétaire régional du PCF pour ce département et entra au Comité départemental de Libération où il remplaça André Vieuguet*. Aidé de Maurice Aquaviva, responsable régional des Jeunesses communistes, de Pierre Petit*, cheminot communiste de retour de déportation en Algérie, et de Raymond Goby*, futur secrétaire fédéral du PCF, Bernard reconstruisit à la fin de l’année 1944 l’organisation légale du PCF dans la Nièvre. Il multiplia les tournées de réunions dans le département et fit paraître à partir de novembre 1944 un journal hebdomadaire, L’Émancipateur de la Nièvre dont le siège se situait au 48 rue Saint-Étienne à Nevers.

Surnommé P’tit Louis par ses camarades, Louis Bernard conduisit la liste communiste aux élections constituantes successives d’octobre 1945 et de juin 1946. Il fut élu député ainsi que Germaine François*. Aux deux élections, les communistes rassemblèrent 25 % des électeurs inscrits et plus de 30 % des suffrages exprimés. Dans son activité de député, Louis Bernard se montra très attentif aux problèmes de ravitaillement pour son département. Les dirigeants nationaux du PCF vinrent lui apporter leur appui dans des rassemblements importants : le 13 octobre 1945 à Nevers, Maurice Thorez* ; le 28 juillet 1946 à Decize, Jacques Duclos*, à l’occasion du 152e anniversaire de la mort de Saint-Just, natif de Decize ; le 1er septembre 1946, Charles Tillon*, ministre de l’Armement, à la fête de L’Émancipateur, à Nevers. Membre de la commission d’enquête parlementaire en Allemagne, élu juré de la Haute Cour, il intervint plusieurs fois lors de la discussion du budget et de la loi portant nationalisation de l’électricité et du gaz.

Le 2 septembre 1946, alors que Louis Bernard se rendait à l’Assemblée nationale, sa voiture percuta un camion à la sortie de Nevers. Le député de la Nièvre fut tué sur le coup. Sa disparition prématurée ne fut pas sans conséquences sur la situation politique locale. Germaine François, sa colistière, écrivit dans un article de L’Émancipateur en 1950 : « Depuis quatre ans le vide qu’il a laissé ne s’est jamais comblé ». Jacques Duclos confirma cette opinion dans ses mémoires, en 1973, en évoquant le souvenir de Louis Bernard, « dirigeant politique de grande valeur dont la disparition allait peser sur le développement de la Fédération de la Nièvre ». Enfin, le président de la République, François Mitterrand* constatait en 1986 : « Durant la guerre, il fut de ceux qui ne plièrent pas. Arrêté deux fois, évadé deux fois, il fut l’un des principaux responsables de lutte clandestine de plusieurs départements du centre […] Le département de la Nièvre a été profondément marqué par le souvenir de Louis Bernard ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16402, notice BERNARD Louis, Marcel par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 13 juin 2010.

Par Pierre Bonnaud

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

SOURCES : Arch. Dép. Nièvre, 4 M 1164. — Copie du rapport de police du 14-08-1941 transmis par la famille de Louis Bernard. — L’Émancipateur du Centre, 1934-1939. — L’Émancipateur de la Nièvre, 1944-1952. — Journal Officiel de la République, 1945-1946, journée du 22-03-1946. — Souvenirs recueillis auprès des camarades et de la famille de Louis Bernard. — J.-L. Bernard et Pierre Bonnaud, Louis Bernard, 1914-1946, Paris, 1987. — DPF, 1940-1958, tome 2, op.cit.

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