BERNARD Marc, Léonard

Par Nicole Racine

Né le 6 septembre 1900 à Nîmes (Gard), mort le 15 novembre 1983 à Nîmes ; un temps facteur aux écritures au chemin de fer ; écrivain, journaliste ; membre du Groupe des écrivains prolétariens.

De son vrai nom Bernat, transcrit par erreur Bernard, fils de J. Bernat, mineur, d’origine espagnole (négociant sur l’acte de naissance), et de Louise Joyeuse, Marc Bernard naquit à Nîmes dans un quartier appelé « la Croix de Fer », faubourg populaire un peu en dehors de la ville. Il a évoqué son enfance dans Pareils à des enfants (1942). À onze ans, Marc Bernard fut orphelin de père, à quatorze ans, orphelin de mère. Recueilli et hébergé par une sœur aînée, il dut gagner sa vie très tôt. À douze ans, il fut garçon de courses, puis apprenti dans une fabrique de chaussures. Pendant la guerre, il devint ouvrier-fraiseur et toucha un salaire équivalent à celui d’un compagnon. Poursuivi par le rêve de devenir comédien, Marc Bernard se présenta au Conservatoire de Nîmes ; reçu, il suivit les cours de ce Conservatoire puis ceux du Conservatoire de Marseille. Mobilisé peu après, il se mit à écrire ; il rédigea son premier livre durant une période de chômage, au retour du régiment. À partir de ce moment, le désir d’écrire devint chez lui, essentiel. Il quitta Nîmes pour la région parisienne. Il gagna alors sa vie comme cheminot à Villeneuve-Triage (facteur aux écritures), puis comme manœuvre aux usines Renault, puis de nouveau comme fraiseur dans une fabrique de chaussures. À Villeneuve-Triage où il resta six mois, Marc Bernard milita à la cellule communiste. À son retour à Paris - ainsi qu’il le raconta dans Salut, camarades... -, il n’appartint plus officiellement au Parti communiste car on avait omis de faire son changement de cellule. « Je n’en demeurai pas moins communiste, d’une manière cascadeuse, portant faucille et marteau en écusson sur fond rouge au revers de ma veste. » Peu à peu, il allait s’éloigner du communisme.

Marc Bernard était entré en rapport avec Henri Barbusse à qui il avait envoyé des nouvelles et que celui-ci avait publiées. Lorsque Henri Barbusse lança l’hebdomadaire Monde en 1928, il demanda à Marc Bernard d’en devenir le secrétaire de rédaction. À partir de cette date, Marc Bernard abandonna le travail en usine pour se consacrer à la littérature et au journalisme. Il publia Insomnie dans les Cahiers du Sud, Zig-Zag, son premier livre puis Au Secours (1931), histoire d’un apprenti. Jean Paulhan accueillit avec enthousiasme Zig-Ag et entretint avec lui une longue correspondance.

Il participa à l’enquête de Monde sur la littérature prolétarienne ; sa réponse parut dans le numéro du 29 septembre 1928. Il signa dans Monde de nombreux articles de critiques littéraires. Il fit partie, avec H. Poulaille, L. Guilloux, E. Dabit, Tr. Rémy, Éd. Peisson du groupe d’écrivains voulant travailler à l’avènement d’une littérature prolétarienne, les « écrivains prolétariens ». Ceux-ci, refusant les thèses de la conférence de Kharkov, se constituèrent en groupe distinct, le Groupe des Écrivains prolétariens (janvier 1932). Marc Bernard joua un rôle important dans la naissance du Groupe. C’est lui qui rédigea l’article-manifeste du Bulletin des Écrivains prolétariens en mars 1932 : « [...] les écrivains prolétariens, de jour en jour plus nombreux, font pénétrer dans la littérature, l’esprit de révolte qui anime les couches sociales dont ils sortent et auxquelles ils déclarent vouloir rester fidèles. » Lorsque les « écrivains prolétariens » furent attaqués par la revue de l’Union internationale des écrivains révolutionnaires, La Littérature de la Révolution mondiale, les « écrivains prolétariens » prirent dans Monde une série d’initiatives en faveur de la littérature prolétarienne ; le 2 avril 1932, Marc Bernard lançait un appel aux ouvriers, paysans, employés et intellectuels désireux d’écrire. En avril-mai 1932, Marc Bernard commentait ces textes dans Monde. Des pages spéciales paraissaient dans Monde rédigées par les « écrivains prolétariens », sous le titre « Pages et documents de la vie populaire ». Le Groupe des Écrivains prolétariens avait donc trouvé une tribune dans Monde ; il avait, cependant, depuis mars 1932, son organe autonome, le Bulletin des Écrivains prolétariens.

En 1934, Marc Bernard reçut le prix Interallié pour son roman Anny ; à partir de ce moment, il s’éloigna de la littérature prolétarienne et développa son œuvre dans une autre direction. Il resta cependant politiquement engagé et prit place dans le mouvement antifasciste.

Au lendemain du 6 février 1934, Marc Bernard relatait dans Les Journées ouvrières des 9 et 12 février (1934) la mobilisation au jour le jour des organisations de gauche jusqu’au succès de la manifestation du 12 février.

Marc Bernard qui avait déjà fait un premier voyage en Espagne en 1934, y retourna en 1936. Il effectua pendant la guerre civile un reportage dans le camp républicain à Barcelone, Valence, Madrid. Il publia au début 1939 La Conquête de la Méditerranée dénonçant notamment l’utilisation de la Catalogne par les dirigeants allemands et italiens.

En 1937-1938, Marc Bernard militait à « Mai 36 », l’organisation culturelle socialiste qui voulait rivaliser avec l’AEAR. Il devint secrétaire de la section « Littérature ».

Sa femme, née Elsa Reichmann, juive autrichienne réfugiée en France après l’Anschluss (1938), avait été docteur ès lettres de l’Université de Vienne. Il se rencontrèrent en 1940 et se marièrent à Nîmes le 18 juillet 1940. Ils eurent deux enfants.

En 1942, Marc Bernard obtenait le prix Goncourt pour Pareils à des enfants. Après la Seconde Guerre mondiale, il se consacra à la littérature et au journalisme littéraire. Il écrivit à partir de 1955 dans Le Figaro et publia une biographie de Zola. Ses derniers livres, écrits après la mort de sa femme, Mort de la bien-aimée (1972), Au-delà de l’absence (1976) sont une méditation sur la mort, la solitude ainsi que sur leur transfiguration.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16406, notice BERNARD Marc, Léonard par Nicole Racine, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 27 juillet 2022.

Par Nicole Racine

ŒUVRE CHOISIE : Romans et récits autobiographiques : Au Secours !, Paris, Gallimard, 1931, 191 p. — Pareils à des enfants, id., 1942, 279 p. — Salut, camarades, récit, id., 1955, 277 p. — Essais et documents : Les Journées ouvrières des 9 et 12 février, Paris, B. Grasset, 1934, 128 p. — La Conquête de la Méditerranée, Paris, Gallimard, 1939, 45 p. — Présence de Zola. Avant-propos par Marc Bernard, Paris, Fasquelle, 1953, 247 p. — Zola par lui-même, images et textes présentés par Marc Bernard, Paris, Le Seuil, 1952, 191 p. (Écrivains de toujours).

SOURCES : Dictionnaire biographique français contemporain. Deuxième édition, 1954-1955, Paris, Agence internationale de documentation contemporaine, Pharos, 708 p. — Who’s who in France, 1957-1958, Paris, Éditions Jean Lafitte, 1957. — P. Feller, Nécessité, adolescence poésie..., « Le Musée du Soir », 1960, IX-326 p. — « Le Bureau des Rêves perdus de Marc Bernard », Les Cahiers français, oct. 1964, n° 98, p. 44-51 (La Documentation française). — Le Monde, 17 novembre 1983. — Marc Bernard, Jean Paulhan, Correspondance 1928-1968, Éditions Claire Paulhan, 2013.

ICONOGRAPHIE : Les Cahiers français, oct. 1964, op. cit. — Dictionnaire biographique français contemporain, Pharos, op. cit.

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