LECLERC [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Le 2 février 1848, alors que la première Avant-garde s’apprêtait à embarquer le lendemain au Havre, Cabet organisa un banquet à Ingouville pour saluer une dernière fois les disciples qu’il envoyait fonder Icarie en Amérique. À l’heure du dessert, le docteur Leclerc lut une adresse censée refléter l’état d’esprit des soixante-neuf pionniers de la cause : « Notre vie se consacrera toute entière à une tentative qui est la première phase du bonheur de l’Humanité. C’est à notre dévouement à l’œuvre que vous jugerez de la force de notre gratitude. Donc, qu’à notre départ ne se mêlent point de larmes. Ce n’est point un adieu vulgaire que nous nous disons. Notre adieu n’est-il pas gros d’avenir et d’espoir ? N’est-ce pas comme une naissance à une vie nouvelle ? Et la bannière qui flottera aux bords icariens avec sa glorieuse devise : Fraternité, se sera-t-elle pas aux yeux du Vieux Monde comme un signe éternel de sauvetage qui appellera les naufagés ? »

L’expédition quitta le port du Havre le 3 février et atteignit la Nouvelle-Orléans (Louisiane) cinquante-trois jours plus tard, le 27 mars 1848. Une salve de canons salua l’arrivée des Français, car on venait d’apprendre en Louisiane que la République avait été proclamée à Paris le 24 février. L’avant-garde icarienne découvrait qu’elle avait peut-être un peu trop vite désespéré du Vieux Monde. Leclerc quitta le jour même les Icariens qui, sous la conduite de Gouhennant, avaient décidé de poursuivre vaille que vaille leur mission. Il fut accusé, plus tard, d’avoir entraîné dans sa trahison Piquenard, Myet et Pasquier, et d’avoir gardé les 400 F que Cabet lui avait confiés pour acheter des médicaments à la Nouvelle-Orléans. Un an plus tard, le 27 mars 1849, l’assemblée générale des Icariens, tout juste installés à Nauvoo, émit contre lui un vote de « flétrissure ».