BERNASCHINA Charles

Par Étienne Kagan, Jean-Claude Magrinelli, Claude Pennetier

Né le 5 septembre 1890 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), mort en déportation le 1er mars 1944 à Buchenwald ; cafetier ; militant de l’ARAC puis du Parti communiste à partir de 1935.

Fils de Louise Hessler (née à Strasbourg) brocheuse chez Berger-Levrault, et de Vincent Bernaschina, petit entrepreneur de maçonnerie d’opinion républicaine radicale, Charles Bernaschina était le deuxième de la fratrie après son frère Lucien né dix ans avant. La famille était domiciliée rue Gilbert de Pinéricourt à Nancy. Élève de l’enseignement primaire, Charles Bernaschina travailla à partir de 1902 comme monteur en cuivre, en 1906 il était enregistré sur les listes de recensement comme ajusteur chez Divbold, et son frère mouleur. Il avait fait grève en 1905.
Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale comme soldat de 1re classe, il fut à l’issue du conflit un militant actif de l’ARAC. Il lisait avec intensité journaux communistes, revues et brochures, mais il rejoignit le Parti communiste que tardivement.
A partir de 1922, Charles Bernaschina tenait avec sa compagne, Alice Thomas, fille de marchands forains, un café-restaurant au n°103 de la rue Saint-Nicolas à Nancy. Sa femme était membre du Comité mondial des femmes (CMF) en 1938. Il adhéra au Parti communiste en mai 1935 : "étant d’accord depuis longtemps avec la politique du Parti" et ayant confiance dans son avenir, dit-il dans son autobiographie. Il fonda la cellule de son quartier en pleine période de croissance du PCF et fut trésorier de la section à partir de juin 1936. puis de la région en succédant à Jouve.
Il fut également adhérent au syndicat CGT des cafetiers de Nancy. «  Il rendait de multiples services aux gens de son quartier », notamment en faisant de nombreuses démarches administratives en faveur des travailleurs immigrés et réfugiés israélites et de leurs familles. Avec l’avènement du Front Populaire, il fut élu membre du bureau régional et trésorier régional du Parti. À Nancy, il fut responsable de l’organisation de la plupart des meetings, bals et fêtes. Il fut aussi l’organisateur de la fête champêtre du journal du PC, La Voix de l’Est, qui se tenait, à partir de 1936, chaque année au mois d’août, à Jarville sur une prairie du lieu-dit La Californie. « Il savait diriger nos camarades pour qu’ils accomplissent un travail efficace, pour la réussite matérielle et financière de toutes nos entreprises et ainsi augmenter les fonds de notre caisse. »
Charles Bernaschina prit une part très active aux actions d’aide à l’Espagne républicaine, notamment en organisant le ravitaillement en tabac des miliciens puis il soutint les actions de l’Association des Familles de Volontaires de la Liberté dont il était le secrétaire. Il fut désigné candidat aux élections cantonales d’octobre 1937, pour le canton de Nancy Sud où il améliora sensiblement le score du parti.
Sa réponse au questionnaire biographique de la Commission des cadres rédigée le 30 novembre 1937 (2 feuillets) fut jugée conforme ("Je pense que les Trotskistes sont les plus grands ennemis de notre Parti" écrit-il) et obtint la mention A (à maintenir dans les fonctions).
En juillet 1939, le maire de Jarville prit un arrêté d’interdiction de la fête de La Voix de l’Est, au prétexte d’éviter des désordres à l’ordre public. Charles Bernaschina fit partie de la délégation auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle qui obtint la levée de l’interdiction municipale. La fête eut bien lieu à La Californie en août 1939. Ce fut la dernière. Le 26 septembre 1939, le décret-loi Daladier mit le Parti communiste hors la loi. Le débit de boissons de Charles Bernaschina fut fermé pendant la drôle de guerre, sur décision préfectorale. En application d’un arrêté préfectoral d’internement administratif, Charles Bernaschina fut appréhendé en juin 1940 par la police de Nancy et interné au camp du Sablou en Dordogne jusqu’en octobre 1940. Il rejoignit ensuite Nancy. Il reprit contact avec la direction clandestine du parti, notamment avec Hubert Sensiquet qui lui confia la responsabilité de reconstituer le parti clandestin dans les Vosges, avec son camarade et ami Jean Eggen. L’un et l’autre figuraient sur la liste des « communistes suspects » établie le 22 août 1941 par le commissaire Pierron pour le commissaire central de Nancy. Faisant l’objet d’un arrêté d’internement préfectoral daté du 24 janvier 1941, Charles Bernaschina passa dans la clandestinité. Il prit la fausse identité d’Émile Graff et se réfugia dans les Vosges, chez la sœur de sa compagne à Saint-Dié.
Il fut cependant arrêté par des policiers de la 15e brigade régionale de police judiciaire et des gendarmes de la section locale le 6 octobre 1941 puis enfermé à la prison Charles III à Nancy. « Une belle prise », écrit le préfet régional Jean Schmidt le 10 octobre au commandant de la FK 591 de Nancy. Traduit le 25 octobre 1941 devant la section spéciale près de la Cour d’Appel de Nancy, il fut condamné à deux ans de prison pour « activité communiste en complicité » avec Jean Eggen. À Charles III, il contracta une grave maladie. « C’est grâce au
dévouement de quelques camarades du Parti qu’il a pu être sauvé de la mort. » Guéri, il fut transféré le 24 mars 1942 à la maison d’arrêt de Melun. À la fin de sa peine le 25 octobre 1943, après que le préfet Schmidt ait demandé au préfet de Seine-et-Marne d’assigner une résidence hors de la région de Nancy à Bernaschina, les Allemands se saisirent de lui et l’internèrent à Compiègne. Il fut déporté à Buchenwald par le convoi du 14 décembre 1943 et y fut inscrit avec le matricule 38881. Les conditions de vie au camp l’affaiblirent gravement et occasionnèrent une rechute. Il décéda le 1er mars 1944.
Mention "Mort en déportation" arrêté du 18 décembre 2007 - Cité dans le "Livre Mémorial des Déportés de France" de la F.M.D. Tome 1 (I.161) p 1292.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16423, notice BERNASCHINA Charles par Étienne Kagan, Jean-Claude Magrinelli, Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 1er février 2020.

Par Étienne Kagan, Jean-Claude Magrinelli, Claude Pennetier

Page d’évaluation de son dossier au Komintern.

SOURCES : RGASPI, Moscou, 495 270 2166, 30 novembre 1937. — La Voix de l’Est, 1er mai 1937, 6 mai 1939, 28 juillet 1945. — Jean-Claude Magrinelli, Militants ouvriers de Meurthe-et-Moselle sous l’Occupation. Dictionnaire biographique, Nancy, 2020.
AD 54 :6 W 33-394, WM 325, WM 329, WM 333, WM 699-1, WM 1530, 1860 W 14 et 22. A.M. Nancy, série 21 (non classée) : Dossier Parti
Communiste Français. Écho de Nancy des 8 et 27 octobre 1941. La Voix de l’Est (1935-1939) et du 29 juillet 1945. Livre mémorial de la
déportation. Dacquet Léon : Cahiers (N° 1 et 2) de récit de son internement au camp du Sablou (3 juin 1940-6 mai 1941).
Un article nécrologique lui est consacré dans La Voix de l’Est du 29 juillet 1945, signé « E.J. », probablement Eggen Jean.

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