BERNÉ Antoine

Par Jacques Girault

Né le 21 mars 1900 à Paris (XVIIIe arr.), mort le 2 mai 1962 à Toulon (Var) ; employé municipal ; secrétaire de l’Union locale CGT de Toulon (1936-1938), secrétaire de l’UD CGT du Var en 1940 ; adjoint au maire RPF de Villefranche (Rhône, 1947-1948).

Fils d’un gardien de la paix, Antoine Berné, entré comme peseur-receveur au marché couvert de Toulon, le 1er janvier 1926, était secrétaire du cercle E. Vaillant, cercle à tendance socialiste qui rayonnait sur le faubourg du Mourillon où il habitait, rue Castillon. Secrétaire adjoint du comité électoral pour la candidature à la députation du socialiste SFIO Joseph Risterucci, il organisa le banquet, le 17 juin 1928, en l’honneur du candidat malheureux où furent jetés les fondements de la réorganisation de la section SFIO de la ville. Il faisait partie du comité électoral SFIO pour l’élection cantonale dans le quartier du Mourillon en septembre 1934.

Il se maria à Toulon, en avril 1930, avec Marie Vacca qui devait devenir la présidente du syndicat des revendeurs et revendeuses du Cours Lafayette.

Syndicaliste CGT depuis 1916 comme il l’écrivait en mai 1938, Antoine Berné participa en 1934 aux réunions de la commission exécutive de l’Union locale de Toulon. Le 7 juillet, dans une réunion du bureau de l’Union locale CGT, il estimait que l’action antifasciste devait être « menée à fond par les seuls syndicats ». Il fit partie par la suite des diverses délégations de la CGT qui rencontrèrent les responsables locaux de la CGTU pour préparer l’unité syndicale et la réunification. Secrétaire général du syndicat CGT des employés communaux de Toulon, il fut désigné lors de l’assemblée de réunification du 14 novembre 1935, comme secrétaire général du syndicat du personnel des services publics de la ville. Le 17 janvier 1936, il devenait secrétaire du Cartel départemental des services publics et des travailleurs de l’État. Enfin, élu, le 18 février 1936, à la commission exécutive de l’Union locale réunifiée, il en fut le premier secrétaire. Son congé sans solde pour convenance personnelle dura du 1er juin 1936 au 1er janvier 1938.

Au congrès de réunification syndicale à Toulouse en 1936, il détenait les mandats des syndicats CGT des revendeuses, des cuisiniers, du personnel des services publics de Toulon et du Var.

Partageant les analyses de René Belin, Antoine Berné fut très tôt critiqué par les syndicalistes communistes. Le 17 novembre 1936, à la réunion de la commission exécutive du comité de Front populaire de Toulon, Toussaint Flandrin lui reprocha son action insuffisante dans le domaine économique. Il avait, selon le témoignage de Jacques Toesca, réadhéré à la SFIO et fut délégué pour assister aux obsèques de Roger Salengro en novembre 1936.

Comme secrétaire adjoint de l’Union départementale, il fut dans le deuxième semestre de 1936, au cœur de la plupart des démarches pour la négociation des conventions collectives.

Lors du congrès de l’Union locale de la CGT, les 24 et 25 avril 1937, Antoine Berné présenta le rapport moral qui fut adopté et il fut réélu à la commission exécutive en première position avec 115 voix. En mai 1927, lors de la parution de Syndicats, il fut un des signataires de la « Déclaration commune pour l’indépendance du syndicalisme ». Pourtant, le 15 juillet 1937, avec sept autres syndiqués, il démissionnait de la commission exécutive de l’Union locale et refusait d’assurer l’intérim du secrétariat général. Il entendait protester contre l’attitude du Parti communiste. Une commission de six membres, dont Berné, fut désignée pour réorganiser la direction syndicale locale au prorata des tendances exprimées.

Au congrès de l’Union départementale, les 10 et 11 juillet 1937, Antoine Berné rapporta sur la résolution. La motion qu’il défendait, au nom de l’indépendance du syndicalisme, recueillit un tiers des mandats et les ex-unitaires accédaient à la direction de l’Union ; Berné était alors le dirigeant des syndicalistes qui voulaient résister à ce qu’ils appelaient « la colonisation communiste ». Dans un article virulent du Petit Provençal, le 23 juillet 1937, sur l’ingérence du Parti communiste dans les syndicats, il concluait : « On est arrivé à des monstruosités. »

L’Union locale de Toulon traversait une crise analogue. Mais, ici, les ex-confédérés avaient des positions majoritaires. Le 22 août 1937, lors du congrès extraordinaire, Antoine Berné refusait de revenir sur sa démission. Aussi, les ex-unitaires se retirèrent-ils ; Berné fut ainsi réélu secrétaire général par les syndiqués restant dans la salle. La crise était donc générale. Le 31 août 1937, une assemblée extraordinaire fut organisée en présence de Léon Jouhaux et de Benoît Frachon. Justin Portalis, ancien secrétaire général de l’Union départementale, fut réinstallé dans ses fonctions ; Berné retira sa démission et retrouva son poste de secrétaire général de l’Union locale. Une commission de six membres, dont Berné, fut désignée pour réorganiser la direction syndicale locale au prorata des tendances exprimées.

Le 7 janvier 1938, Antoine Berné se démettait de ses fonctions de secrétaire permanent de l’Union locale et reprenait sa place d’employé communal ; il prétextait des raisons de famille.

Lors du congrès de la Fédération des services publics et de santé du Var où il fut renommé au poste de secrétaire général, le 27 mars 1938, Berné fit à nouveau une importante déclaration sur le thème de l’indépendance du syndicalisme. La campagne pour la création d’un groupe des « Amis de Syndicats » débutait. Il organisa le banquet, sorte de couronnement de l’entreprise, le 3 juillet 1938, avec René Belin, Georges Dumoulin et Raymond Froideval.

Au congrès de l’Union départementale de la CGT, les 23 et 24 juillet 1938, Antoine Berné et ses amis votèrent contre le rapport moral. Il intervint sur la question du cumul des responsabilités à la commission exécutive avec un mandat politique rétribué. Selon le compte rendu favorable du Bulletin du Syndicat national des instituteurs, Antoine Berné déclarait qu’il était « dangereux pour le syndicat d’accepter parmi ses dirigeants des camarades nantis de mandats politiques, mais, plus gros de conséquences, d’accepter comme chefs syndicaux, des camarades qui ont déjà la responsabilité de la propagande et de l’action d’un parti ». Il proposait une nouvelle rédaction de l’article 19 des statuts : « Pour confirmer la pleine indépendance du mouvement syndical vis-à-vis des partis politiques, aucun membre de la commission exécutive ne pourra détenir un mandat ou une fonction publique rétribuée ou non. » Cette motion obtint 24 mandats contre 84 à la proposition de statu quo présentée par la direction de l’Union départementale. Berné et ses partisans quittèrent par la suite le congrès en signe de protestation et ils ne participèrent pas au congrès de l’Union départementale des 22 et 23 juillet 1939.

Après la déclaration de guerre, la direction syndicale communiste ayant été écartée, Berné devint secrétaire général de l’Union départementale en novembre 1939. Il fut au cœur de l’« épuration » de la CGT dans le département. Albert Lamarque le présentait dans Le Petit Provençal, le 3 décembre, comme l’âme de la « résistance varoise » contre les communistes. Il présida la réunion tenue par Jouhaux à Toulon, le 3 mai 1940. En septembre 1940, il était signalé comme responsable varois du comité de la Révolution nationale. En novembre 1940, il lança un appel pour l’organisation d’un parti unique. Cette proposition, selon un rapport de police n’apparut pas comme « indispensable à la vie de la Nation. »

Membre des « Amis du journal La France au travail en 1941, Antoine Berné organisa la semaine d’études syndicales aux Sablettes (27-30 novembre 1941) ayant pour thème la Charte du Travail. Lors de la visite du ministre René Belin à Toulon, le 4 juin 1941, il s’était prononcé pour la création d’un syndicat unique. Il fut un des protagonistes de la fusion des anciennes confédérations syndicales avec le Syndicat professionnel français. Comme secrétaire général de l’Union départementale, en avril 1942, il faisait partie de la commission tripartite des comités sociaux du Var, prévue par la Charte du Travail, dont il avait été, selon le préfet, chargé de l’application dans la région. Au début de 1944, il présidait le Comité ouvrier de secours immédiat (COSI) au plan départemental.

Sans doute veuf, il se remaria à Toulon en novembre 1942.

À la Libération, Antoine Berné fut écarté de la vie militante et fut rayé des contrôles de la mairie de Toulon, par arrêté du 23 octobre 1944. Le journal Résistance du Var écrivait de lui, le 22 février 1945, « syndicaliste acharné à conserver sa place en acceptant toutes les collaborations. Propagandiste du parti unique de Déat, du syndicalisme à la Belin et finalement Kollaborateur Nazi 100 % ».

Devenu commerçant en chaussures à Villefranche-sur-Saône (Rhône), Antoine Berné fut parmi les neuf élus au conseil municipal, le 19 octobre 1947, sur la liste « Républicaine pour la défense des intérêts de la ville ». Il arrivait personnellement en huitième position avec 2 516 suffrages et 228 signes préférentiels. Il devint premier adjoint au maire. Le conseil municipal ayant démissionné, le 26 juin 1948, Berné sur une liste « Union pour le Rassemblement du peuple français » ne fut pas réélu. Le 18 juillet 1948, sa liste obtint une moyenne de 729 voix sur 11 726 inscrits. Il arrivait personnellement en cinquante-neuvième position avec 737 suffrages et 189 signes préférentiels.

Quelques mois auparavant, dans La Liberté du Var, le secrétaire de l’UD CGT Jean Hérat lui consacrait un de ses « propos du mois ». L’ancien collaborateur de L’Émancipation nationale, devenu président de la section de Villefranche du Rassemblement du peuple français, aurait été épargné par l’épuration. Hérat constatait, « nous avons remis à la Commission départementale d’épuration un volumineux dossier ; il ne reste rien ». Selon Étienne Verniéri, Antoine Berné, franc-maçon avait rendu de nombreux services pendant la guerre, « d’où un préjugé favorable dans un certain milieu ».

Antoine Berné quitta Villefranche à la fin de 1948. Il fut réintégré comme employé municipal au service des emplacements de Toulon sous la municipalité RPF du docteur Puy. Le 24 janvier 1951, le conseil interdépartemental de préfecture de Nice annula une délibération du conseil municipal de Toulon du 20 juin 1950 qui avait refusé les conséquences pécuniaires et statutaires de la réintégration. Il fut nommé chef du service du pesage, le 1er mars 1959, fonction qu’il occupa jusqu’à sa mort. Membre du comité départemental du RPF, il s’en sépara et fut un des animateurs en 1952 de la campagne de réhabilitation de l’ancien maire Escatefigue, au sein du Comité républicain d’action locale créé à son instigation, le 7 mai 1952. Il fut, par la suite un des principaux conseillers de la « liste Escartefigue » qui se réclamait du nom de l’ancien maire aux élections municipales de 1959.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16430, notice BERNÉ Antoine par Jacques Girault, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 18 mai 2020.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Dép. Var, 4 M 45, 48, 49 4 3, 50, 54, 56 9, 59 2, 4 4 ; 16 M 19 1 ; 18 M 4 ; 3 Z 4 22, 31, 36, 6 16, 16 5. — Presse locale. — Renseignements fournis par la mairie de Villefranche (Rhône) et par la mairie de Toulon (Jean Chanard). — Notes de Jean-Marie Guillon. — Sources orales.

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