BERNE Pierre, Serge

Par Jean-Louis Planche

Né le 4 octobre 1913 à Saint-Ambroix (Gard), mort à Alger le 30 avril 1945 ; professeur ; militant socialiste du Gard et d’Algérie ; chef de cabinet du gouverneur de l’Algérie.

Ses parents étaient instituteurs à Tresques (Gard). La naissance se déroula chez son grand-père maternel entrepreneur de travaux publics à Saint-Ambroix. Pierre Berne, bachelier (option Philosophie) en 1930, obtint une licence ès lettres à la Faculté des Lettres de Montpellier, un diplôme d’études supérieures (1933, histoire-géographie), une licence de Droit (1933), un DES de Droit (1938) et soutint une thèse de droit sur la réglementation et la police de l’imprimerie et de la librairie en Languedoc, qui ne fut pas imprimée en 1942.

Étudiant, il épousa en août 1935 à Nîmes (Gard) une étudiante, Lucienne Borgne, future agrégée des lettres (1937). Le couple divorça en 1943.

Pierre Berne, professeur délégué d’histoire-géographie au lycée de garçons de Carcassonne (Aude) fut admissible à l’agrégation d’histoire et géographie en 1934 et 1935. Reçu (10e) en 1936, il fut nommé professeur agrégé au lycée de Montpellier à partir d’octobre 1936. Il militait à la Fédération SFIO du Gard et était secrétaire fédéral des Jeunesses socialistes du Gard. Il écrivit un article sur la géographie humaine d’Aigues-mortes dans le Bulletin de la société languedocienne de géographie en 1935. Il militait aussi au nouveau Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire (FGE-CGT) dont il assuma la responsabilité de secrétaire général de la section académique de Montpellier durant la première année 1937-1938.

Il effectua son service militaire d’octobre 1938 à juin 1939 comme officier. Mobilisé en septembre, il fut blessé au combat à Vesoul (Haute-Saône), le 16 juin. Démobilisé, nommé professeur au lycée de Nîmes (Gard) en octobre 1941 puis obtint sa mutation pour le lycée Marcelin Berthelot à Saint-Maur (Seine, Val-de-Marne) à partir d’octobre 1942. Capitaine de réserve, il devint instructeur militaire du maquis de l’Aigoual (Armée Secrète) sous les ordres d’Eugène Thomas.

Nommé par Vichy, il fut mis à la disposition du Ministère des Affaires étrangères, le 9 novembre 1943 pour enseigner à l’Institut français et au lycée français de Barcelone (Espagne). En fait, d’après une note de René Capitant du 19 mars 1944, cette nomination correspondait à sa mise à la disposition « des œuvres relevant du Comité français de libération nationale ». De plus il assura, pour les services de la sécurité militaire du commandant Paillole, la réception en Espagne de résistants évadés de France et leur transit vers Casablanca. Cet épisode lui valut en janvier 1945 une enquête de la Fédération du Gard ; Vincent Auriol et Just Évrard prirent sa défense au comité directeur de la SFIO.

Nommé sur un poste de professeur au lycée Alger pour enseigner dans la classe préparatoire aux grandes écoles, il rejoignit Casablanca peu après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 en Afrique du Nord et acquit rapidement la qualification d’officier des services spéciaux avec le grade de commandant. Très vite Adrien Tixier, commissaire aux affaires sociales et à la santé du CFLN, l’appela auprès de lui à Alger comme chef-adjoint de son cabinet. En février 1944, il fut mis à la disposition du Commissaire aux affaires sociales comme spécialiste des affaires syndicales. Le 28 août 1944, au prix d’un atterrissage mouvementé, il entra à la tête d’un groupe d’officiers des Services spéciaux, tous militants socialistes, dans Marseille où des Allemands résistaient encore. Leur mission officielle fut la liaison entre le Commissariat aux affaires sociales d’Alger et la 1e Armée française, notamment lors de la libération des préfectures. En octobre 1944, il fut présenté à Paris par le recteur Liaugier, « un ami commun », à Yves Chataigneau, ministre plénipotentiaire, retour du Liban, nommé gouverneur général de l’Algérie. Celui-ci en fit le directeur de son cabinet diplomatique et politique (cabinet civil), avec rang de consul de France.

Pierre Berne excella dans les affaires les plus sensibles, avec la confiance du gouverneur général Yves Chataigneau et d’Adrien Tixier, devenu à Paris commissaire à l’Intérieur du Gouvernement provisoire de la République française. Chef de cabinet du ministre de l’intérieur à partir de janvier 1945, puis détaché comme directeur du cabinet politique du gouverneur général de l’Algérie, il régla de difficiles affaires de presse, assura la sécurisation du courrier confidentiel entre le ministre et le gouverneur, travailla à l’élimination politique des grands colons demeurés pétainistes, explora la possibilité de restaurer à Tunis Moncef Bey pour faire rentrer la Tunisie dans une formule assimilationniste « à l’algérienne ».

Les grands colons pétainistes apprécièrent encore moins un homme qui travaillait avec talent à réduire leurs positions au profit des partis de gauche et des gaullistes. Il fut l’objet de plusieurs attentats. Persuadé d’avoir « la baraka », il ne survit pourtant pas à l’asphyxie « accidentelle » survenue dans son appartement du Palais d’Été le 30 avril 1945, quelques jours avant son nouveau mariage, une semaine avant l’insurrection nationaliste spontanée du nord-constantinois.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16434, notice BERNE Pierre, Serge par Jean-Louis Planche, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 novembre 2021.

Par Jean-Louis Planche

SOURCES : Arch . Nat., F17/26327 (Jacques Girault). — Arc. IRHSES, bulletin du SPES (note d’Alain Dalançon). — Notes d’Eden Gehrke, arrière petite fille de Pierre Berne (mars 2021) :les archives familiales comprenant des lettres, des photos, fascicule de mobilisation, carte de service n° 374, carte postale, ordre de mission, lettre de félicitation, décret du 14 août 1944 à Alger du commissaire aux affaires sociales, télégramme chiffrés du 21 avril 1945 à 22h30, note pour Monsieur le Ministre objet : réunion des délégations financières en session extra-ordinaire, lettre du ministre A. Tixier au gouverneur général de l’Algérie Chataigneau du 5 mai 1945.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable