SPANNAGEL Émile, Ignace [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 28 février 1874 à Paris (XVIIe arr.) ; serrurier, employé de commerce ; anarchiste de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) et Courbevoie (Hauts-de-Seine), partisan de la reprise individuelle, bagnard.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Spannagel fut mêlé au début de l’année 1892 à la grève des cochers de l’Urbaine : inculpé dans une affaire de coups et blessures et d’entrave à la liberté du travail, il bénéficia d’un non-lieu.
Compromis lors de la découverte d’engins explosifs à Levallois-Perret, Spannagel était arrêté puis libéré, sans être poursuivi. Vinchon fut condamné le 24 juin 1893 à 5 ans de prison pour ces faits.
Le 18 octobre 1893, M. Moitrier, un rentier âgé de 80 ans demeurant à Levallois-Perret fut victime d’une tentative d’assassinat : trois hommes pénétrèrent dans sa maison, Spannagel lui assénant des coups de crosse de revolver sur la tête, le bâillonnèrent et le ligotèrent puis dérobèrent 500 francs en billets de banque ; 3.500 francs en titres et quelques bijoux. Le 24 octobre Piéri, Spannagel et sa maîtresse furent arrêtés, la police trouva au domicile de cette femme à Puteaux, l’argent et des objets provenant du vol.
Mais personne ne voulut parler à cause de « la terreur qu’ils inspiraient » selon la presse ; la police les relâcha faute de preuves. Trois mois plus tard, M. Moitrier décéda des suites de ses blessures.
Il figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893, il demeurait 10 rue Franklin à Courbevoie (Hauts-de-Seine), il était noté comme militant.
Le 1er janvier 1894, il fut perquisitionné, sans résultat, à Courbevoie par le commissaire Cochefert, dans le cadre de la grande rafle des anarchistes.
Le 7 juillet 1894, il fut arrêté lors d’une rafle, pour association de malfaiteurs.
En décembre 1894, Spannagel fut de nouveau arrêté en compagnie de 19 complices, pour 23 cambriolages à Paris et en banlieue.
Parmi ses présumés complices : Louis Galau, cinquante-quatre ans, maître charron, demeurant, 24, rue Pierre, à Saint-Ouen, candidat anarchiste dans le canton de Neuilly-Boulogne. C’était chez lui que les frères Spannagel avaient transporté un coffre-fort volé chez M. Duhamel à Courbevoie. Galau défonça le coffre-fort et le jeta dans la Seine.
Dans cette « association de malfaiteurs », chacun avait son rôle bien déterminé : les plus jeunes étaient choisis pour escalader les murs et, de l’intérieur de la maison ouvraient la porte à leurs aînés qui s’introduisaient armés.
Spannagel avait acquis sur ses complices un fort ascendant,il parcourait la banlieue pour rechercher des maisons d’accès facile et dont les propriétaires étaient absents et donnait les instructions nécessaires à l’exécution des vols, il indiquait à chacun son champ d’activité, négociait les prises avec deux receleurs à Paris, partageait le butin. Il avait séparé sa bande en deux groupes : l’un qui « opérait » et l’autre qui vendait le produit des « opérations ».
Il était sur l’état récapitulatif des anarchistes du 31 décembre 1894, il habitait 29 rue d’Aboukir à Courbevoie, il était noté « dangereux ».
Son dossier à la préfecture de police portait le n°167.638, le même que celui de son frère Alfred.
Le procès en cours d’assises se déroula du 17 au 24 juin 1895.
Emile Ignace Spannagel y fut décrit comme le chef de la bande. Elle avait, notamment dans la banlieue parisienne, commis vingt-trois vols ou tentatives de vols qualifiés. Emile-Ignace Spannagel ne volait plus, mais il faisait voler ; il parcourait la banlieue, ou y envoyait ses compagnons, recherchait les maisons d’un accès facile, et dont les propriétaires étaient absents, et donnait les instructions nécessaires à l’exécution des vols. Il avait partagé sa bande en deux parties, agissant chacune isolément ou lui remettait les objets volés, qu’il vendait ou faisait vendre à des receleurs, et dont il partageait le produit entre les membres de l’association, en prélevant souvent pour lui la plus forte part.
Tout était bon à ces « écumeurs », et il leur est arrivé de rapporter de telle expédition de l’argenterie et des bijoux de valeur, de telle antre des bicyclettes, de telle autre enfin... seulement trois poires.
Ce sont surtout Colombes et la Garenne-Colombes qui ont été honorées de leurs visites, ainsi que Rueil.
A côté d’Emile-Ignace Spannagel, se trouvaient ses coaccusés : Chergny, Pourcher, Galau, Marceau, Alfred et Victor Spannagel, Boitel, Dupuit, Ackerman, Vesac, Léger, Dupit, Houchard, Brunet, Lamouroux, Cassan, ainsi que les filles Colin et Cadet. Un autre accusé, Leveillé, était en fuite. L’accusation le représentait comme étant un anarchiste militant, ainsi que Marceau, Galau, Boitel, les trois frères Spannagel, Dupuit, Dupit et Brunet.
Emile-Ignace Spannagel était, en outra, inculpé, avec deux autre accusés, Piéri et Guermann, de deux tentatives de meurtre, commises dans les circonstances suivantes :
Dans la nuit du 28 au 29 janvier 1893, MM. Victor et André Bousch, sortant, vers minuit et demi, de la maison du sieur Wagner, rue Pierre, 35, à Saint-Ouen, virent quatre individus stationnant devant l’immeuble portant le numéro 64 de la même rue, et appartenant à la Compagnie de voitures l’Urbaine. Ils les virent fracturer la serrure de la porte d’entrée, et pénétrer dans la cour de la maison. Ils accoururent aussitôt vers les malfaiteurs, qui tirèrent sur eux, sans les atteindre, trois coups de revolver, puis prirent la fuite. L’un d’eux, cependant, Foret, put être arrêté, et, bientôt après aussi, un autre, nommé Perrin.
Quelque temps plus tard, Emile-Ignace Spannagel, de concert avec quatre autres, Boudon, Jourdan, Guermann et Pieri, conçut le projet de dévaliser la maison de M. Moitrier, vieillard de soixante-quinze ans, qui habite seul, avec sa femme, une maison isolée, située à Levallois-Perret, rue Gide, n° 13.
Ils savaient que, dans la matinée, la dame Moitrier s’absentait, pendant quelque temps, pour faire ses provisions, et voulaient profiter de ce moment pour accomplir le vol. Pendant plusieurs jours, ils ne purent donner suite à leur projet, car la police les surveillait. Mais, le 18 octobre 1894, profitant de l’arrivée des marins russes à Paris, — circonstance qui avait fait rappeler à Paris tous les agents de police suburbains, — les cinq bandits pénétrèrent dans la maison de M. Moitrier, firent au malheureux vieillard des blessures qui, si elles ne sont pas une cause directe de sa mort, — l’ont certainement précipitée, et s’emparèrent de ses bijoux, de son argent et de ses titres.
Seuls, Spannagel, Pieri et Guermann purent être arrêtés.
A l’audience, tous nièrent, — après avoir avoué, à l’instruction, leur participation aux faits criminels qui leur étaient reprochés.
Emile Spannagel était condamné aux travaux forcés à perpétuité ; Pieri, à vingt ans de travaux forcés et à vingt ans d’interdiction de séjour ; Pourcher et Marceau, à quinze ans de travaux forcés et à 20 ans d’interdiction de séjour ; Ackermann, à dix ans de réclusion et à quinze ans d’interdiction de séjour ; Cherguy, Boitel et Dupuit, à huit ans de réclusion et quinze ans d’interdiction de séjour ; Lamouroux, à huit ans de réclusion et à la relégation ; Victor Spannagel, à sept ans de réclusion et à quinze ans d’interdiction de séjour ; Léger, à trois ans de prison et cinq ans d’interdiction de séjour ; Alfred Spannagel, à deux ans de prison et cinq ans d’interdiction de séjour.
Vesac, Brunet, Galan, Dupit, Houchard, Cassan, Guermann et les filles Cadet et Colin étaient acquittés.
Spannagel purgea sa peine en Guyane, mais s’évada en octobre 1906.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article164730, notice SPANNAGEL Émile, Ignace [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 23 octobre 2014, dernière modification le 10 février 2022.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES : Le Matin, Le Temps, Gil Blas, Le Petit Parisien, Le Rappel, le Journal des débats sur Gallica — ANOM H1326 et H 3949/b — État civil — Les anarchistes contre la république par Vivien Bouhey, Annexe 56 : les anarchistes de la Seine. — Archives de la Préfecture de police Ba 1500 — Le Droit 22, 28 juin 1895.

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