MOITY P.-L. [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par François Fourn

Communiste icarien, menuisier-charpentier, P.-L. Moity fit partie des admis dans l’avant-garde icarienne dont la liste fut publiée dans Le Populaire le 26 décembre 1847. Membre de la première Avant-garde, il quitta Le Havre le 3 février 1848 pour aller fonder Icarie au Texas sous la direction de Gouhennant. Dès son arrivée à Shreveport (Louisiane), il envoya à son frère une lettre enthousiaste datée du 23 avril, qui fut reproduite par Le Populaire le 4 juin 1848 : « Nous avions bien admiré la campagne depuis la mer jusqu’à la Nouvelle-Orléans ; mais notre surprise a bien grandi quand nous avons remonté le Mississippi et la Rivière Rouge, et quand nous avons vu ces beaux pays à demi sauvages, car l’on y trouve de loin en loin quelques baraques construites depuis peu par des migrants dont le nombre augmente journellement (...) La Rivière Rouge est de la force de la Seine environ, encaissée dans des terres en certains endroits et en d’autres, très large, car elle s’étend beaucoup en largeur (...) La campagne est couverte de bois (...). La terre est d’une telle fertilité, que c’est à peine si on a besoin de l’égratigner pour semer, et elle rend beaucoup plus qu’en France. On y récolte du blé, du maïs, des patates et des pommes de terre, du sucre, cacao, café, tabac, coton, et tout cela sans toucher à la terre de la semence jusqu’à la récolte. Si les malheureux cultivateurs français en avaient la plus petite connaissance, ils déserteraient bien vite. (...) Quant à la température, le ciel est toujours bleu ; la nuit une abondante rosée suffit pour entretenir la fraîcheur. » Il terminait sa lettre par ces mots : « Nous avons eu beaucoup de mal et d’obstacles à surmonter ; mais ceux qui liront notre vie verront quels hommes composaient la première Avant-garde icarienne. Nous avons toujours été unis entre nous et le serons toujours, et nous avons surmonté tous les obstacles pour arriver jusqu’en Icarie. Ainsi vous pouvez venir en toute sûreté. » Demeuré en arrière avec vingt-quatre autres, pour construire un abri destiné aux futurs migrants, il n’avait encore rien vu du chemin qui lui restait à parcourir avant d’atteindre Icarie ni des difficultés qui les attendaient là-bas. Le 16 mai, parvenu à Sulphur Prairie (Texas), à mi-chemin sur la route Icarie, il écrivait à ses parents : « Nous sommes partis de Shreveport le sac sur le dos, chargés de vivres, et notre gourde pleine d’eau-de-vie, avec nos armes de chasse, notre plomb, notre poudre. Malgré nos fatigues, sous le poids desquelles certains de nos frères commençaient à fléchir, je puis vous assurer que l’union la plus parfaite a régné parmi nous, et que nous rivalisons de courage. » La description, détaillée, que sa lettre donnait des lieux, en faisait un véritable paradis sur terre. Le 19 août, d’Icarie cette fois, il écrivait à Martin Nadaud : « Tirez-nous de cette cruelle position, sauvez-nous si vous voulez conserver Icarie. »

À La Nouvelle-Orléans (Louisiane), où les Icariens s’étaient repliés après la débâcle du Texas, P.-L. Moity devint un opposant très hostile au chef des Icariens. Quand Cabet arriva à La Nouvelle-Orléans en janvier 1849, il fut l’un de ceux qui l’attaquèrent le plus durement. Il refusa de suivre ce dernier à Nauvoo (Illinois).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article164775, notice MOITY P.-L. [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par François Fourn, version mise en ligne le 25 septembre 2014, dernière modification le 25 septembre 2014.

Par François Fourn

SOURCES : BN, Nafr. 18 151, Papiers Cabet, f. 208, lettre à Charles (Louis Krolokowski) ; Le Populaire, 26 décembre 1847, 6 février, 17 décembre 1848, 18 mars, 1er juillet 1849 entre autres.

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