Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, Claude Pennetier
Né le 18 décembre 1909 à Paris (XIIe arr.), fusillé après condamnation à mort le 26 février 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier électricien ; militant communiste ; résistant FTPF.
Fils d’un employé de commerce et d’une ménagère, élevé à Paris dans les quartiers de Belleville et de Ménilmontant, Marcel Berthelot se maria en novembre 1932 à Paris (XXe arr.). Il militait à la Fédération sportive du travail avant d’adhérer au Parti communiste en 1936, milita à la section du XXe arrondissement jusqu’en 1939.
Ouvrier électricien, il était domicilié 34-36 rue de la Folie-Regnault à Paris (XIe arr.), il vivait depuis 1938 avec Yvette Semard, séparée de son mari. Berthelot travailla à la Manufacture d’Armes de Paris (MAP) au 271 Boulevard d’Ornano à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis) à partir de décembre 1938.
Mobilisé le 2 septembre 1939, il rejoignit le premier dépôt de la marine à Cherbourg (Manche) et y poursuivit son activité militante. Titulaire de la croix de guerre, prisonnier au Stalag III D, il fut rapatrié en juin 1941 et démobilisé en septembre 1941. Des inspecteurs arrêtèrent Yvette sa compagne le 2 février 1942, la perquisition ne donna aucun résultat. Elle fut incarcérée à la prison de La Roquette, puis internée administrativement à la caserne des Tourelles, (XXe arr.), puis au camp de Gaillon (Eure). Contacté le même mois par un militant pour reprendre de l’activité, Marcel Berthelot accepta.
Il s’adressa le 15 juillet 1942 au préfet de police : « Ma femme a fait partie du groupement des Jeunes Filles de France, groupement qu’elle a quittée depuis juin 1938, date à laquelle nous nous sommes connus et depuis ayant eu deux enfants, âgés respectivement de trois ans et demi et vingt-huit mois, elle n’avait nullement le temps de s’occuper d’autre chose ». Il mentionnait la période pendant laquelle il avait été prisonnier et ajoutait « pendant ce temps ma femme a dû subvenir aux besoins de nos deux enfants ainsi qu’à ceux de sa fille aînée qui est âgée actuellement de sept ans ». En conclusion il écrivait : « ayant la certitude que ce cas vous intéressera et que vous aurez à cœur de rendre une mère à ses trois petits enfants… » Une formule de politesse suivait.
Il rejoignit les FTP en avril 1942, en contact avec le commissaire politique régional et le commissaire militaire inter régional, il fut chargé de préparer des actions armées. Berthelot avait constitué une cellule communiste à la MAP et organisé des sabotages. En juillet, il aurait participé à l’attaque d’un détachement allemand Porte de la Villette. Le 17 octobre 1942 avec Lucien Dupont, il devait braquer un encaisseur du Crédit Lyonnais de la succursale de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis). L’information parvint aux Renseignements généraux. Lorsque l’encaisseur de la banque sortit les deux résistants le suivirent, ils furent maîtrisés avant d’être passés à l’action. Palpés au corps ils étaient porteurs d’armes, ils furent emmenés dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police. Marcel Berthelot portait sur lui un pistolet de calibre 7,65 m/m avec un chargeur complet et une balle dans le canon.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, certainement tabassé, puis incarcéré à la Santé, puis à Fresnes, il comparut le 16 février 1943 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas, VIIIe arr. Condamné à la peine de mort pour « activité de franc-tireur » le 16 février, il fut passé par les armes le 26 février 1943 à 16 heures 13 au Mont-Valérien.
Yvette Berthelot épouse de Marcel témoigna en 1945 devant les membres de la commission rogatoire chargé du dossier de l’inspecteur Joseph C. Elle déclara : « Mon époux a été arrêté le 17 octobre 1942 dans des conditions que j’ignore étant moi-même détenue administrativement. J’ai su par des lettres de mon époux qu’il avait été torturé par des inspecteurs des Brigades spéciales. Dans ces lettres, mon mari me dit que l’appartement va être occupé par les policiers dans le but d’y établir une souricière et il attire mon attention sur les différents objets que notre logement contenait, en particulier une collection de timbres de grande valeur ».
Internée, puis évadée, elle regagna son logement après la Libération de Paris. Elle constata que le logement « avait été littéralement mis au pillage, tout ayant pratiquement été emporté à l’exception de quelques objets et de gros membres intransportables ».
Elle déposa plainte contre les policiers qui arrêtèrent son mari et qu’elle rendait responsable de sa mort. Elle porta aussi « plainte contre ceux qui se sont livrés sur lui à des violences et contre ceux qui se sont rendus coupables de vols au cours de l’occupation de mon logement ».
Le 27 février 1949 en fin de matinée rue du Pressoir, XXe arr., une cérémonie avec dépôt de gerbe et prise de parole était organisée par la cellule du parti communiste de la rue des Maronites pour honorer la mémoire d’André Berthelot. Une soixantaine de personnes étaient présentes, un membre du bureau de la cellule lui rendit hommage, une pétition était proposée aux présents : « Nous sommes d’accord avec les déclarations de Maurice Thorez : le peuple de France ne fera jamais la guerre à l’Union Soviétique ».
Dans l’ouvrage de Léon Tsevéry et Serge Klarsfeld sur les 1 007 fusillés du Mont Valérien, la date de naissance indiquée est, par erreur, le 18 décembre 1900.
Le Journal de guerre de l’Abbé Stock évoque sa mort.
"Vendredi 26.2.43
10 exécutions
Visites à Fresnes. Y suis prévenu de 10 exécutions. Suis resté pendant le déjeuner. Visité plusieurs dans la 3ème division.
Les noms des 10, pour activités de francs-tireurs, détention d’armes, etc. : Leblanc Georges, Aubervilliers, rejeté (mon assistance).
Lefranc Frédéric, Aubervilliers, ni confessé ni communié, mais ai prié avec lui au poteau, belle mort.
Gargam Marcel, Aubervilliers, s’est confessé, a communié son frère est prêtre. Belle mort. Rabot Gabriel, prié au poteau, me donna un peigne et mourut les mains jointes. Femme alsacienne.
Berthelot Marcel, rejeté.
Récouraut Recourat Victor, s’est confessé, a communié, belle mort.
Dupont Lucien, le chef, beaucoup d’attentats sur la conscience, communiste des pieds à la tête, chanta l’Internationale et dit en allemand : « Ich bin glücklich, für mein Vaterland sterben zu können » (Je suis heureux de pouvoir mourir pour mon pays). Rejet. Il se fichait de la mort, a joué chaque jour avec la vie pendant 14 mois. Etait complètement captivé par les idées bolcheviques.
Grosperrin Charles, très calme, s’est confessé, a communié.
Dallais Alexandre, a refusé, habite 34, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, Paris Vème. Bolzer Pierre, de St-Ouen, refusa tout secours spirituel. Avait appris le jour même la naissance de son fils. Né le jour où il fut condamné à mort.
Enterrés tous les dix au cimetière d’Ivry, 47ème division 1ère ligne."
Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. PPo. 77W 453, KB 30, 77 W 5357-301497. – Bureau Résistance GR 16 P 53649. – DAVCC, Caen, boîte 5/B VIII 4-Liste S 1744-51/43 (Notes Thomas Pouty). – L’Éveil du XXe, 3 novembre 1945. – Site Internet Mémoire des Hommes. – État civil, Paris. – Dans l’ouvrage de Léon Tsévéry et Serge Klarsfeld sur les 1 007 fusillés du Mont-Valérien, la date de naissance indiquée est, par erreur, le 18 décembre 1900.