BERTHON André [BERTHON Pierre, Marie, André]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 21 juillet 1882 à Petit-Palais-et-Cornemps (Gironde), mort le 16 novembre 1968 à Paris (Ve arr.) ; avocat ; député socialiste puis communiste de Paris (1919-1932) ; en rupture avec le Parti communiste début 1932 ; conseiller municipal de Paris nommé par Vichy (1943-1944) ; proche de Paul Faure après-guerre.

[Hubert-Rouger, Encyclopédie socialiste, t. III, op. cit.]

D’après une note de police de juillet 1916, André Berthon domicilié 1 quai d’Austerlitz aurait été le fils d’un haut employé de la compagnie d’Orléans. André Berthon qui, après des études effectuées au lycée Louis-le-Grand puis à la Faculté de droit de Paris, s’était inscrit en 1904 au Barreau de Paris, ouvrit peu après un cabinet dans la capitale et enseigna quelque temps le droit commercial. Par héritage ou par acquisition personnelle André Berthon disposait dans les années vingt d’une solide fortune. Un rapport de police de 1926 citait l’achat du domaine Aymard à Saint-Cirq (Lot) et un historien affirma qu’il était en outre propriétaire de terrains à Sainte-Maxime (Var), de quatre villas sur la Côte d’Azur, d’un grand hôtel à Paris et d’un immeuble boulevard Saint-Michel. Cependant, ses adversaires politiques ont pu être tentés d’exagérer sa fortune pour souligner une éventuelle contradiction entre son engagement politique et sa situation personnelle. Berthon adhéra dès 1904 aux organisations socialistes puis au Parti socialiste unifié et se fit connaître par des plaidoiries remarquées en défendant Léon Jouhaux, Georges Dumoulin, Maucolin (affaire de Villeneuve-Saint-Georges), Rousset, Hervé, et des syndicalistes accusés de menées antimilitaristes. Il fut ainsi amené à découvrir l’existence du Carnet B où étaient fichés les militants « suspects » en cas de mobilisation. Berthon assura également la défense d’Antoine Gauzy, complice de la bande à Bonnot et de soldats traduits devant les conseils de guerre.

Mobilisé de 1914 à 1917 comme lieutenant des services de santé, il fut affecté en 1917, au ministère de la Guerre, comme chef adjoint de cabinet, et termina la guerre comme capitaine, décoré de la Légion d’honneur. Berthon s’était intéressé aux exécutions de soldats accusés de trahison, de refus d’obéissance ou de désertion. En 1921, dans une lettre ouverte à M. Barthou, ministre de la Guerre, il rappela le sort des lieutenants Herduin et Milan « fusillés sans jugement » le 11 juin 1916 pour avoir donné un ordre de repli sans l’autorisation de leur supérieur et, conclut « J’accuse le colonel Bernard et le général Boyer d’être des assassins » (reproduit sous forme de tract par la Fédération communiste de la Seine).

Membre de la 13e section de la Fédération socialiste de la Seine, André Berthon collabora au journal La Bataille en 1918, tout en assurant la défense de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer et du syndicat des terrassiers. Les électeurs de la troisième circonscription de la Seine l’envoyèrent siéger au Parlement, le 19 novembre 1919, en compagnie de ses colistiers Bracke et Jean Mouret. Reconstructeur rallié à la IIIe Internationale, Berthon assista au congrès de Tours sans être officiellement délégué et y prit la parole après avoir été mis en cause : « Et voici un membre du groupe parlementaire qui, à la tribune de la Chambre déclare avoir une respectueuse amitié pour l’auteur de la révocation de ces camarades (de Brest), pour M. Steeg. Voilà des choses que la masse ne comprendra jamais » déclarait un militant des Pyrénées-orientales. Berthon répondit en concluant : « j’ai voté contre lui ; mais enfin, si, demain, il faut choisir entre Steeg et Daudet, je choisirai Steeg » (c.r., p. 76-77).

Durant la période 1921-1931, André Berthon se signala en défendant devant les tribunaux ou à la tribune du Palais-Bourbon les militants révolutionnaires poursuivis : en 1922, à Oran, les inculpés de « l’affaire Lascar » et surtout, André Marty, Badina et les mutins de la mer Noire dont il demanda la grâce. Il réclama la fin des poursuites engagées contre Cachin et Vaillant-Couturier, s’éleva contre l’occupation de la Ruhr (1923), contre la guerre du Maroc (1925) - il signa en juillet de cette même année, avec Cachin et Doriot, une plaquette de 96 pages, Contre la guerre du Maroc - défendit la CGT tunisienne, les autonomistes alsaciens Rossé et Ricklin et les manifestants solidaires des condamnés indochinois de Yen Bay en 1930. Parmi ceux dont il fut l’avocat, on relève les noms de Jacques Sadoul, Jacques Doriot et Gabriel Péri. Habile orateur connaissant parfaitement les dossiers, il exaspérait ses adversaires parlementaires, en particulier Raymond Poincaré qui le traita, en séance, « d’abominable gredin ». En 1922, le comité directeur du Parti communiste le chargea de reconstituer la Fédération de Tunisie qui avait été dissoute.

André Berthon avait été réélu député communiste de la troisième circonscription de la Seine en mai 1924, avec 45 918 voix sur 229 774 inscrits, puis en avril 1928, dans la deuxième circonscription du XIIIe arr. avec 8 820 voix sur 19 625 inscrits et 17 220 votants au second tour (1er tour : 17 684 votants, 7 296 voix).

Membre du comité exécutif national du SRI (Secours rouge international), il fut envoyé à ce titre dans les pays balkaniques en 1930. Militant du sous-rayon du Ve arr. de Paris en 1925, Berthon tourna ses regards vers le département du Var où il espérait se créer un fief électoral. Élu conseiller général de l’arrondissement de Saint-Tropez le 14 octobre 1928 (seul élu communiste au conseil général), il ne fut pas investi par son parti pour les élections législatives de mai 1932. Selon un rapport de police, Berthon averti de la décision du bureau politique le 28 janvier, parut d’abord décidé à l’accepter et même à favoriser la candidature de son remplaçant, Lucien Monjauvis, si le Parti communiste ne combattait pas sa propre candidature comme socialiste indépendant dans le Var. Devant l’opposition de la direction, il adressa à Maurice Thorez une lettre datée du 18 février 1932 et publiée par l’Humanité le 24 février 1932.

« Le bureau politique m’a fait connaître, le 28 janvier, qu’il avait décidé de ne pas me représenter aux élections législatives prochaines, tant par suite de désaccords politiques qu’il m’a précisés que des dispositions nouvelles qu’il prenait pour le recrutement des futurs élus du Parti.

« Avant-hier, à la réunion commune du Bureau politique et de la fraction, j’ai appris que semblable mesure avait été prise contre quatre camarades de la fraction : Béron, Doeble, le docteur Fraisseix et Desoblin.

« Prenant la parole après plusieurs des membres de la fraction, je vous ai dit que cette décision me paraissait injuste et impolitique, qu’elle ne serait pas comprise des éléments prolétariens éloignant de notre parti de nombreux sympathisants, qui n’ont qu’estime pour l’action et le dévouement de camarades sincères et disciplinés, injustement frappés.

« Le Bureau politique m’a demandé de m’associer à une déclaration approuvant cette politique. Je n’ai pu accepter, refusant de signer le désaveu de l’action que j’ai menée jusqu’à ce jour.

« Je vous laisse le soin d’expliquer au prolétariat du XIIIe arrondissement les raisons de ce refus et d’une situation qui m’oblige à reprendre ma liberté devant le désaccord grave qui s’est élevé entre nous.

« À l’heure où je prends la décision définitive de quitter le Parti, je tiens à vous redire, comme je l’ai fait le 28 janvier, que je continuerai à servir de mon mieux les idées qui ont été les directrices de ma vie, je ne me livrerai à aucune polémique et ne me prêterai à aucune dissidence. J’estime que, faisant ainsi, je continuerai à me montrer digne de l’estime qu’a eue pour moi le prolétariat parisien pendant 28 années de vie professionnelle d’avocat et 13 années de mandat législatif. ».

Dans un mémorandum écrit à la Libération, il antidata légèrement sa rupture en écrivant : « Je me séparai du Parti communiste en 1931 ». En fait il s’agit bien d’un processus d’éloignement qui couvre l’année 1931 et se conclut début 1932 lorsqu’il s’aperçoit que le Parti communiste, malgré son besoin d’avocat, ne lui fera pas un traitement particulier.

Cependant, après sa candidature infructueuse comme socialiste indépendant dans le Var (circonscription de Draguignan) contre le communiste Jacques Sadoul (6 108 voix sur 22 416 inscrits puis 7 167 voix), A. Berthon rejoignit le Parti d’unité prolétarienne (PUP) dont il fut le candidat aux municipales de mai 1935 dans le quartier de La Roquette (1re circons., XIe arr.), et aux élections législatives d’avril 1936 dans le XIIe arr. contre André Marty : il n’obtint que 2 712 voix sur 18 150 votants et 20 332 votants (Marty élu avec 9 205 voix). Il ne semble pas avoir rejoint le Parti socialiste SFIO avec la majorité du PUP en 1937. En novembre 1934, il présidait le Comité chargé de constituer la Fédération des Indigènes Coloniaux. S’agissait-il de la fédération des peuples colonisés soutenue par Marius Moutet et Jean Longuet et dont le succès fut très relatif ?

Mobilisé en septembre 1939 à l’Intendance militaire de Sens (Yonne), Berthon fut rayé des cadres en janvier 1940. En 1940, il défendit Capron qui avait rompu avec le PCF lors du procès des députés communistes. Son ami intime, Pierre Laval, le fit nommer conseiller municipal du XIIIe arr. en 1943. Le Parti communiste accusa Berthon d’avoir tenté de fléchir Gabriel Péri, le 6 décembre 1941, à la veille de son exécution, en lui demandant de condamner les attentats terroristes. Il reconnut avoir effectivement parlé à Gabriel Péri en prison, mais nia toujours avoir sollicité une déclaration de désaveu. Incarcéré d’octobre 1944 à janvier 1945 à la Santé, il bénéficia d’une « main levée ».

À la Libération, il semble avoir été pris violemment à partie, acte condamné par Marcel Willard, celui-là même qui lui avait succédé comme principal avocat communiste.

André Berthon fonda, en 1953, avec Paul Faure, les Amis de la République libre qu’il présida, ainsi que la Ligue de défense des Musulmans Nord-africains. En 1958, il appartenait à la Fédération de la Seine du Parti socialiste démocratique dirigée par Paul Faure. Il présidait l’Association des avocats et juristes de France fondée en 1955 et soutenait l’Union des intellectuels indépendants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16510, notice BERTHON André [BERTHON Pierre, Marie, André] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 28 novembre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

[Hubert-Rouger, Encyclopédie socialiste, t. III, op. cit.]

ŒUVRE : Étude de la loi du 10 avril 1908 relative à la petite propriété et aux habitations à bon marché. Thèse pour le doctorat, 1909, Université de Caen, Faculté de droit, 156 p.

SOURCES : Arch. Nat., F7 séries 12900 et 13000, 13516, CAC 940 500 art. 235 Doss. 3889. et 940435 art 8. doss. 704. — RGASPI 539.3.1174 et 539.3. 1189 et AN F7. — Arch. Dép. Var, séries 2 M et 4 M. — Arch. Dép. Seine, D 2 M2. — Arch. Ass. Nat., résultats électoraux. — Arch. Jean Maitron. — Le Monde, 27 novembre 1968. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires, op. cit. — H. Coston, Dictionnaire de la politique française, Paris, 1967, t. 1. — R. Gaucher, Histoire secrète du Parti communiste français, Paris, 1974, pp. 36, 37, 52, 109, 221, 350-353. — Pascal Plagnard, « L’implantation du Parti communiste français dans le XIIIe arr. de Paris », dans Jacques Girault (dir.), Sur l’implantation du PCF, op. cit. — Sophie Coeuré, « Le Parti communiste n’a pas pris le pouvoir : sur le désengagement d’André Berthon », in La Politique et la guerre. Pour comprendre le XXe siècle européen, hommage à Jean-Jacques Becker, Éditions Agnès Viénot,-Noesis, 2002. — René Courtin, De la clandestinité au pouvoir, journal de la libération de Paris, présenté par Pierre Bolle, Paris : Les Éditions de Paris, 1994, 141 p. — Renseignements recueillis par René Lemarquis, Jacques Girault et Frédérick Genevée.

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