BERTIN Célia. [épouse REICH]. Pseudonyme dans la Résistance : Catherine Beauchamp

Par Delphine Naudier

Née le 22 octobre 1920 à Paris (IVe arr.) ; écrivain, traductrice, co-fondatrice de la revue Roman ; résistante à Paris et dans le Jura, de sensibilité communiste.

Célia Bertin naquit dans une famille bourgeoise aisée de droite. Son père, rentier, siégeait dans divers conseils d’administration. Il était issu d’une famille catholique d’industriels lorrains. Sa mère, dont la grand-mère était anglaise, appartenait à une famille de cultivateurs beaucerons catholiques. Célia Bertin, qui ne reçut pas d’éducation religieuse, fut scolarisée seulement à l’âge de neuf ans, en raison de certains problèmes de santé, poursuivit ses études secondaires au lycée Fénelon et fit une licence d’anglais à La Sorbonne où elle préparait, en 1941-1942, une thèse de Doctorat sur L’influence du roman russe (Gogol, Tourgueniev, Dostoïevski, Tolstoï, Tchekov) sur le roman anglais contemporain (d’Arnold Bennett à Virginia Woolf).
Dès les années trente, son père avait pris la mesure de la montée du nazisme. Il avait, dans son entourage, nombre d’amis juifs autrichiens et allemands réfugiés en France. En octobre 1940, Célia Bertin rencontra Pierre de Lescure*, auteur chez Gallimard, qui allait bientôt fonder les éditions de Minuit clandestines avec Vercors, pour lui donner des cours de conversation anglaise. C’est à cette époque qu’elle s’engagea dans la Résistance. Sa maîtrise de l’anglais et sa jeunesse lui permirent de faire le lien entre Pierre de Lescure et des agents de l’Intelligence Service qu’elle accompagnait et guidait dans Paris. Célia Bertin participa aussi au transport de matériel et accomplissait des tâches de secrétariat. Obligée de quitter Paris en juin 1943, Célia Bertin partit dans le Jura avec Pierre de Lescure. Ils résidèrent à La Chaux-des Crotenay où ils vécurent cachés. En juin 1944, juste après le débarquement, ils reçurent l’ordre de fuir en Suisse. Célia Bertin refusa et ils rejoignirent un camp de maquis FTP, au-dessus de Champagnolle. Avant la libération de la région, Célia Bertin était aux Nans, où se trouvait une partie de l’état-major du maquis du Jura. Elle était alors l’assistante de Sévrane (Georges Lesèvre). Elle participa à la libération de plusieurs villes de ce département telles que Mouthe et Pontarlier. Proche du parti communiste, elle n’y milita cependant jamais après la guerre.
En octobre 1944, Célia Bertin fut envoyée par le ministre de l’Information, Pierre-Henri Teitgen, faire des conférences en Suisse sur la Résistance française où elle tomba malade. De retour en France en 1946, Célia Bertin s’installa à Saint-Paul de Vence. Elle publia son premier roman La parade des impies chez Grasset. Elle consacra les années d’après-guerre au travail de préparation de la revue Roman, qu’elle a co-fondée avec Pierre de Lescure en 1951. Cette revue s’intéressait aux problèmes de la création et de la technique romanesques dont l’esthétique leur paraissait encore marquée par le XIXe siècle. Ses animateurs souhaitaient un art qui reflète son temps et défendaient un « art humain ». Parmi les auteurs publiés figurèrent notamment Andrée Chédid, Lia Lacombe, Clarice Lispector, Jacques Howlett, Jacques Cervione, Jacques Sternberg. Célia Bertin fut l’éditrice principale des premiers numéros de la revue Roman dont elle démissionna en 1953. Elle fut aussi co-éditrice d’une collection Roman, issue de la revue et parue chez Plon.
Romancière, Célia Bertin se consacra à plusieurs enquêtes sur la condition sociale des femmes et a rédigé des biographies sur Marie Bonaparte et Louise Weiss. Elle fut lauréate du Prix Renaudot en 1953 pour son roman La dernière innocence, et en 1982, du Prix Sainte-Beuve pour sa biographie La dernière Bonaparte. Cette biographie ainsi que celle sur Jean Renoir, en 1986, ont été couronnées par l’Académie française.
Elle a également eu des activités d’édition en étant French editor du Courrier de l’Unesco en 1960 et membre du comité de lecture de Hachette de 1961 à 1965. Elle a aussi traduit plusieurs auteurs italiens et anglais. Elle collabora à plusieurs journaux tels que Arts, Le Figaro littéraire ainsi qu’à La Revue de Paris et aux Cahiers du cinéma. Elle fit partie du comité de rédaction de la revue des Lettres Nouvelles fondée par Maurice Nadeau*. Célia Bertin était proche de Jacques Prévert*, Henri Matisse, Henri Cartier-Bresson, Alexandre Trauner et Colette. Mariée, sans enfant, à un designer américain depuis 1972, Célia Bertin vit une partie de l’année aux États-Unis où elle a enseigné dans plusieurs universités et elle est également traductrice.
Elle était officier de la Légion d’Honneur et officier des Arts et Lettres.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16518, notice BERTIN Célia. [épouse REICH]. Pseudonyme dans la Résistance : Catherine Beauchamp par Delphine Naudier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 octobre 2008.

Par Delphine Naudier

ŒUVRE : La Parade des impies, Paris, Grasset, 1946 ; La Bague était presque brisée, Paris, Corrêa, 1948, Les Saisons du Mélèze, Paris, Corrêa, 1949 ; La Dernière innocence, Corrêa, 1953 ; Contre-champ, Paris, Plon, 1954 ; Haute couture, Terre inconnue, Paris, Hachette, 1956 ; Une Femme heureuse, Paris, Corrêa, 1957 ; Le Temps des femmes, Paris, Hachette, 1959 ; La Comédienne, Grasset, 1963 ; Mayerling ou le destin fatal des Wittelsbach, Paris, Perrin, 1967 ; Elles ont vingt ans, Plon, 1970 ; Je t’appellerai Amérique, Paris, Grasset, 1972 ; Liens de famille, Paris, Grasset, 1977 ; La dernière Bonaparte, Paris, Perrin, 1982 ; Jean Renoir, Paris, Perrin, 1986 ; La Femme à Vienne au temps de Freud, Paris, Stock, 1989 ; Femmes sous l’occupation, Paris, Stock 1993 ; Jean Renoir, cinéaste, Gallimard, Découvertes, 1994 ; Louise Weiss, Albin Michel, 1999.

SOURCES : Anne D.Ketchum, « Célia Bertin », in Dictionnaire littéraire des femmes de langue française. De Marie de France à Marie Ndiaye, Paris, ed. Khartala, 1996. — Célia Bertin, Femmes sous l’Occupation, Paris, Stock, 1994. — Anne Simonin, Les Éditions de Minuit (1942-1955). Le devoir d’insoumission, IMEC, Paris, 1994. — Entretiens avec Célia Bertin en 2002. — Revue Roman, n° 4, 5, 8, 10.

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