PIQUENARD Alfred H. [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né en 1826 près de Bernay (Eure), mort le 19 novembre 1876 à Springfield (Ill.) ; centralien et architecte ; marié et père de famille ; communiste icarien, membre de la première Avant-garde partie au Texas, se sépare de ses compagnons dès son arrivée à La Nouvelle-Orléans ; inquiété en France après le 2 décembre 1851, retourne définitivement aux États-Unis ; combattant unioniste pendant la guerre de Sécession ; devint célèbre comme architecte outre-Atlantique.

Le père d’Alfred Piquenard était un maçon aisé, et son fils put faire ses études à l’École centrale. Après l’obtention de son diplôme, ce dernier s’installa ingénieur architecte à Elbeuf (Seine-Inférieure), où il se fit connaître en dessinant les plans d’une ligne de chemin de fer.

Gagné au communisme icarien, Alfred Piquenard fut admis à faire partie de l’Avant-garde icarienne dont la liste fut publiée dans Le Populaire le 26 décembre 1847. Associé par Cabet à la préparation du voyage vers les États-Unis, il dessina les trois cartes — au demeurant fausses de plus de trois cents kilomètres — destinées au supplément de l’Almanach icarien pour 1848 qui parut fin 1847.

Alfred Piquenard quitta la France avec la première Avant-garde icarienne conduite par A. Gouhennant pour aller fonder Icarie au Texas. Apprenant la proclamation de la République à Paris le jour même de son arrivée à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) le 27 mars 1848, Piquenard se sépara des Icariens en déclarant qu’il voulait retourner en France. Toutefois il n’en fit rien. Il partit en fait à cheval explorer l’Ouest des États-Unis et vécut chez les Indiens. Pendant presque une année, il travailla pour l’American Fur Commpany dans la haute vallée du fleuve Missouri en qualité de … médecin. Il participa également comme géomètre à la planification des villes de l’Iowa dans la région de Dubuque.

Début août 1849, il se présenta à Nauvoo (Illinois) sans s’être annoncé et demanda à être réintégré au sein de la communauté icarienne. Ce qui fut fait dès le 13 août, sur l’insistance personnelle de Cabet. Piquenard soutint alors fidèlement ce dernier tout au long de l’année 1850 contre ceux qui contestaient son autorité. Lorsque Cabet rentra en France pour se défendre dans le procès en escroquerie qui lui était intenté, il chargea Alfred Piquenard de prendre la direction de son journal de langue anglaise The Popular Tribune. Début 1850, ce dernier fut également chargé d’une mission d’exploration dans l’Ouest pour y trouver un site qui pourrait accueillir la communauté. L’année suivante il fut élu membre de la gérance, et il signa à ce titre le 1er février 1851 l’acte d’incorporation de la Communauté icarienne de l’Illinois.

À Nauvoo, Alfred Piquenard travailla à l’amélioration des bâtiments existants et à l’édification des bâtiments communs. Il tenta notamment de réhabiliter le grand temple des Mormons avant qu’il ne s’écroule le 27 mai 1850, à l’occasion d’une forte tempête.
En 1852, Piquenard retourna en France. Pour avoir tenu en public des propos désobligeants sur le coup d’État du 2 décembre, il ft arrêté et emprisonné à Paris. Son père ayant payé la caution exigée, il fut remis en liberté dans l’attente de son procès. Il en profita pour s’enfuir et retourner aux États-Unis.

Peu après son retour dans le Missouri en 1853, il quitta Icarie sans demander de compensation financière. Il estimait qu’il n’avait plus rien à y faire en tant qu’architecte, et il avait reçu des offres à Saint Louis (Missouri) et Keokuk (Iowa). Il ouvrit donc un cabinet à Saint-Louis et à Leavenworth (Kansas), en association avec un Américain nommé George Ingham Barnett.

Lorsque la guerre de Sécession éclata, Alfred Piquenard s’engagea dans la garde nationale sédentaire de Saint-Louis, et participa à l’attaque de camp Jackson, qui mit fin aux espoirs des éléments pro-esclavagistes du Missouri de gagner cet État à la sécession. Il contracta ultérieurement un réengagement dans la milice du Missouri. Sa compagnie de volontaires ayant été intégrée dans l’armée de l’Union, elle se vit confier pour mission de garder les voies du Missouri-Pacific Railroad, dont l’importance était jugée stratégique.

Rendu à la vie civile en 1865, Alfred Piquenard devint un architecte célèbre dans l’Ouest des États-Unis. Il supervisa la construction des capitoles de l’Iowa et de l’Illinois, de deux églises à Keokuk (Iowa) et Somonauk (Illinois), ainsi que de plusieurs belles demeures aujourd’hui classées « monument historique ».

Marié à Marie Denuzieras, avec qui il eut quatre enfants, Alfred Piquenard s’installa à Springfield (Illinois). Il y mourut le 19 novembre 1876, d’une congestion du foie. Il était membre de l’ordre maçonnique des Odd Fellows, et ces derniers prirent en charge l’organisation de ses funérailles. Il fut enterré au cimetière d’Oak Ridge, sous un monument en forme d’obélisque.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article165199, notice PIQUENARD Alfred H. [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 28 septembre 2014, dernière modification le 28 septembre 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Federal census 1850 ; Le Populaire de 1841, 6 février, 18 juin 1848 (pour sa désertion initiale), 1er juillet 1849 entre autres ; Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet, Paris, Cornély & cie, 1907, passim ; Robert P. Sutton, Les Icariens : The Utopian Dream in Europe and America, Urbana, University of Illinois Press, 1994 ; Lillian M. Snyder, « The Contribution of Icarian Alfred Piquenard to Architecture in Iowa and Illinois », Communal Societies, vol. VI (1986), p. 163-171 ; Note de François Fourn.

ICONOGRAPHIE : Une photo de l’Iowa State Capitol figure sur la couverture de la revue Communal Societies dans laquelle se trouve l’article de Lilian M. Snyder cité ci-dessus.

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