DURAND André, Louis, Léon [dit Bruno, Bruneau]

Par Daniel Grason, Gérard Larue

Né le 9 décembre 1922 à Paris (XIIe arr.), fusillé le 24 mars 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; tourneur sur métaux ; communiste ; résistant FTPF membre des Groupes spéciaux.

Fils de Louis, presseur et d’Alice, née Descloux, André Durand obtint à l’issue de l’école primaire le CEP, puis il suivit un apprentissage de tourneur sur métaux dans une entreprise de la métallurgie située rue des Cascades à Paris (XXe arr.). Il y fit la connaissance de Henri Haudelaine, adhéra aux Jeunesses communistes au cercle de Belleville. Pendant la guerre, il demeurait 13 passage Notre-Dame-de-la-Croix dans le XXe arrondissement avec Henri Haudelaine et travailla pour les autorités allemandes à Boran-sur-Oise (Oise).
Par l’intermédiaire d’un terrassier avec qui il travaillait à L’Isle-Adam pour l’entreprise Bourmester, il fut présenté en juin 1943 à un responsable FTP, Rageac [Franz Rœckel], suivi par Henri Haudelaine. Un temps hébergé par Florentin Clotrier, avec Haudelaine, dit Jarlac, dans le quartier de la Butte-Rouge à Chatenay-Malabry, et présenté à Roger [Debrais], il participa à la reconnaissance d’objectifs. En juillet, avec Haudelaine, il déposa un boudin explosif sur une voie ferrée à Étrechy ; le dispositif fonctionna, mais il y avait erreur sur la voie... Bicyclette sur l’épaule, ils furent interpellés par deux gendarmes, il y eut un échange de coups de feu. Après avoir arraché la plaque d’immatriculation, ils abandonnèrent les vélos. Dans la précipitation, Durand chuta et se blessa. Tous deux prirent le train à Saint-Chéron ; un médecin ami de Bourg-la-Reine soigna Durand, il resta immobilisé trois semaines.
En août, il était dans l’équipe de cinq FTP qui dérobèrent des denrées alimentaires dans un local municipal d’Antony. Le 2 septembre vers 22 heures, ils étaient quatre à guetter la sortie d’un débitant de tabac du Plessis-Robinson, les visages dissimulés sous des bas de femmes. Les revolvers n’intimidèrent pas le buraliste et sa femme qui appelèrent : « Au secours ! » L’équipe prit la fuite. Il déroba avec un autre combattant une clef à tire-fond à Fontaine-Michalon sur la ligne de Sceaux.
En septembre, avec d’autres membres de l’organisation, il mit le feu à un hangar qui abritait une batteuse et un stock de blé à Marolles-en-Hurepoix. Quelques jours plus tard, en fin de matinée, ils retournèrent dans la même localité pour reconnaître les abords de la mairie dans la perspective d’une attaque à main armée. Ils furent interpellés par le garde champêtre vers 11 heures, et n’insistèrent pas.
Durand et Haudelaine changèrent de domicile, ils s’installèrent à Antony. Le 8 septembre vers 20 h 15, avec Haudelaine en protection, Quillet et Durand lancèrent chacun une grenade à l’intérieur de l’hôtel Carlton, rue Vernet (VIIIe arr.). Le 14 septembre, avec Paul Quillet, dit Arnoux, et Haudelaine, André Durand devait abattre l’inspecteur de police Paland. À trois ou quatre mètres de lui, il lui tira dans le dos. Haudelaine fit de même. Ils devaient tirer plusieurs balles, mais les armes s’enrayèrent.
Le 21 septembre vers 20 h 30, Quillet et Haudelaine assurant la protection, Durand se présenta au pavillon de Paquereaux, ex-maire communiste d’Athis-Mons, exclu en 1930, membre du PPF de Doriot. Quand celui-ci ouvrit sa porte, il lui tira deux balles dans le ventre et une dans la tête.
Courant octobre 1943, André Durand devint membre des Groupes spéciaux, il faisait la connaissance de Béret [Louis Chapiro]. D’autres FTP furent aussi mutés : Haudelaine, Quillet et Rœckel. André Durand était dans l’équipe qui devait récupérer des tickets d’alimentation à Villiers-sur-Marne (Seine-et-Oise, Val-de-Marne), mais ils ne furent pas livrés en mairie. Quelques jours plus tard, le trésorier de la Compagnie du métro devait être braqué en début de matinée quai de Bercy (XIIe arr.). Faute de trésorier l’opération échoua.
Le 8 octobre, il était dans le groupe commandé par Rageac (Franz Rœckel). Jarlac (Haudelaine), Arnoux (Quillet) et Bruno (Durand) chargés de tirer à la mitraillette sur l’inspecteur Barraquin, d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Il faisait nuit, André Durand tira au jugé, Barraquin riposta. Du fait de cet échec il fut mis sur la touche. Il changea de domicile, habita 41 avenue Georges-Clemenceau à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine). Dans la nuit du 28 au 29 octobre, il était dans l’équipe qui sabota une voie ferrée en Seine-et-Oise. La police émit une fiche de recherche où figurait son identité.
Julien Lebœuf, restaurateur au 84 Grande-Rue à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), était accusé selon l’organisation d’avoir dénoncé une quarantaine de communistes. Lebœuf fut membre du Parti communiste de 1936 à 1939, trésorier d’une cellule, et des réunions internes se tenaient dans son café. Il cessa toute activité après l’interdiction du Parti communiste en septembre 1939.
Le 5 novembre 1943, vers 14 h 45, André Durand entra dans l’établissement, commanda un Viandox au comptoir, fut servi par Lebœuf. Il consomma, régla et ressortit et informa Vachette et Camus que le patron servait lui-même. Roland Vachette et Jean Camus entrèrent, se restaurèrent. Au moment de régler l’addition, Camus appuya sur la gâchette, le coup ne partit pas. Il réarma, tira une balle à bout portant dans la tempe de Lebœuf.
Le 10 décembre 1943 vers 15 h 15, sur le boulevard Mortier (XXe arr.), des inspecteurs de la BS2 arrêtèrent André Durand en compagnie d’Henri Haudelaine. Il portait sur lui une fausse carte d’identité et un certificat de recensement et de travail au nom d’Yves Le Bihan. Son domicile de Nanterre fut perquisitionné, les policiers saisirent un revolver à barillet, calibre 12 mm approvisionné, une grenade Mills, un poignard, etc.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciales, interrogé, il fut battu à plusieurs reprises. Il comparut le 16 mars 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour « activités de franc-tireur », il fut passé par les armes le 24 mars 1944 à 15 h 14 au Mont-Valérien, et inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
La mère d’André Durand déposa plainte le 3 février 1945 contre les inspecteurs qui arrêtèrent son fils. Elle lui avait rendu visite peu de temps avant son exécution, et déclara : « Mon fils a été violemment frappé et torturé par [Pierre] Gautherie [commissaire de la BS2]. » Elle signala qu’au cours de la perquisition une bicyclette, des vêtements et des chaussures avaient été volés.
Le 10 avril 1945 le secrétariat général aux Anciens Combattants attribua à André Durand la mention « Mort pour la France ».
Une plaque commémorative fut apposée 23 rue d’Eupatoria dans le XXe arrondissement.

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Dernières lettres
 
Fresnes, le 24 mars 1944
Mes chers parents,
 
Voici le dernier mot que vous aurez de moi. On vient de m’apporter le papier et en même temps le rejet de mon recours en grâce. C’est fini. A trois heures, j’aurai cessé de vivre.
Mes chers parents, je veux dans cette dernière lettre, vous dire combien je vous ai toujours aimés, bien que je ne l’aie pas montré.
Au moment de mourir je ne regrette que deux choses pour toi, ma petite maman, j’ai honte maintenant de t’avoir fait de la peine et de t’avoir fait pleurer. Et toi, mon petit papa, souvent je t’ai manqué de respect. Au point que tu pouvais te dire que n’étant pas mon père naturel, je ne t’aimais pas ; tout ceci est faux, j’étais un sale gamin avec un mauvais caractère, mais je vous aimais à ma façon. Et c’est au moment de perdre quelque chose que l’on s’aperçoit de sa valeur.
A part ces deux choses, je ne regrette rien... Et en plus je mourrai avec courage, avec le sentiment de mourir ’pour une cause juste. Et j’aime mieux
mourir fusillé que de mourir bêtement dans un accident.
Mon cher papa, je pensais souvent à toi, et j’ étais arrivé à faire des claquettes passablement. Tu penses : trois mois d’entraînement consécutif ! Mon moral
a toujours été excellent.
J’avais fait une chanson ; vous demanderez l’air
à Marcel L... C’est sur l’air de La Fille du bois maudit.
Mais il faut que je vous quitte, car le papier manque ; je ne vais pas m’attarder dans les adieux et je vous embrasse aussi fort que je vous aime.
André
 
Fresnes, le 24 mars 1944
Mon cher petit papa,
 
Voici une lettre plus spécialement destinée à toi. Je tiens à te réaffirmer que je t’ai toujours aimé comme mon papa. Je compte sur toi pour remonter le moral de maman Cela va lui donner un rude coup.
Quand vous êtes venus me voir hier, je connaissais déjà la situation Comme tu as pu t’en rendre compte, je saurai mourir comme j’ai combattu. Je suis un soldat de la Révolution et je mourrai en chantant.
Mon cher petit papa, prends des égards pour ma chère petite maman et je souhaite que ma disparition resserre encore les liens de votre union.
Ne pleurez pas sur mon sort, car il est enviable. Fais comprendre à maman qu’il faut qu’elle fasse comme la Pasionaria. Et quand la paix sera revenue sur la terre, poursuivez mon but qui était l’instauration d’un régime où tout le monde sera heureux. Et d’ailleurs je meurs avec l’espoir que ce régime arrivera.
Je te charge aussi de dire adieu à tous les amis, en particulier à Auguste et Adrienne.
Mon cher petit papa, je vois encore un tas de choses à te dire, mais les écrire, cela ne rendrait rien, car ce sont des choses de la vie courante. Je vais te donner maintenant les paroles de ma chanson :
Quand la mort vient par ici
Fusillés ici-bas par un peloton allemand
Notre cœur demeure content
C’est la vie.
Et pour notre Parti
Allongés pour toujours au pied d’un pin géant
Nous mourrons tous en chantant
Pour notre Parti.
Cette fois c’est la fin de ma lettre ; je veux avant te dire que j’ai été jugé le 16 mars 1944, pour actes de Franc-Tireur sous le matricule 5.419 et le nom de Bruneau.
Je t’embrasse de tout mon cœur et te recommande ma chère maman.
Ton fils qui te regrette.
André

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article165218, notice DURAND André, Louis, Léon [dit Bruno, Bruneau] par Daniel Grason, Gérard Larue, version mise en ligne le 28 septembre 2014, dernière modification le 3 janvier 2022.

Par Daniel Grason, Gérard Larue

SOURCES : Arch. PPo., BA 2117, BS2 carton 28, JA 235, KB 90, 77W 2215, PCF carton 16, rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste. – DAVCC, Caen, Boîte 5/B VIII 5, Liste S 1744-182/44 (Notes Thomas Pouty). – Lettres de fusillés Éd.France d’abord, 1946. — Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Paris (XIIe arr.).

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